La Chienlit – Épisode 1 : Pour un fascisme ludique et sans complexe est une comédie sociale absurde, un spectacle politique qui fait de l’ « anti-communication » sa ligne directrice.
La Chienlit est un triptyque (bientôt un pentaptyque) de la compagnie Le Grand Colossal, dont chaque partie peut être vue indépendamment. Le récit prend place dans une ville sans nom, frappée par une grève des éboueurs qui paralyse la communauté.
Dans ce premier épisode, Pour un fascisme ludique et sans complexe, on suit Paul Poupon, un professeur d’histoire-géographie au collège qui souhaite quitter sa femme Marie pour partir loin. Tandis qu’il rentre chez lui après un conseil de classe épuisant, des voisins frappent à sa porte, prétextant une réunion. Pensant que Marie est à l’origine de ce regroupement, Paul accepte de les laisser entrer mais se retrouve rapidement pris au piège dans son propre appartement.
Une “anti-communication”
La Chienlit ne perd pas de temps et installe son univers déjanté dès la scène d’ouverture : un prologue où l’on ne comprend rien, si ce n’est que personne ne se comprend. Sept comédiens sont assis sur des chaises disposées en arc de cercle. Ils sont en réunion. Pourquoi ? Nous n’en avons aucune idée. Eux-mêmes n’ont pas l’air de le savoir et finalement, la raison n’importe pas. Ce qui compte, c’est la situation, ce qui n’est pas dit, ou plutôt, ce qui est dit sans être dit. Chacun y va de sa phrase, de son point de vue, tentant désespérément de se faire entendre. Chacun parle pour ne rien dire et les voix se superposent dans une cacophonie tumultueuse.
La Chienlit place ainsi l’ « anti-communication » au centre de la pièce. Les personnages émettent tous un flot continu de paroles qui s’entremêlent et l’on distingue dans ce brouhaha qu’ils se plaignent tous, surtout, de ne pas être entendus. Personne ne se considère, comme si chacun se croyait supérieur à l’autre et pensait que sa parole avait plus de valeur. Les mots fusent, les mêmes phrases reviennent en boucle et les identités se perdent. L’issue ? Celle-ci ne semble pas exister.
Une crise politique
Que se passe-t-il lorsqu’un groupe d’individus est poussé à bout ? Qu’advient-il de la communauté lorsque personne n’est capable de prendre de décision ? Lorsque tout le monde s’appuie sur son prochain, sans pour autant lui laisser la possibilité de choisir ? La Chienlit conduit jusqu’à l’absurde une situation réaliste pour faire ressortir des mécanismes sociétaux. En mettant en scène des personnes ordinaires, le dramaturge Alexandre Markoff nous confronte aux comportements humains qui constituent notre société. Nous aimons tous exprimer notre mécontentement, parfois légitime, et qui n’a jamais eu l’impression d’être entouré d’incapables, sans pour autant porter de projet bien plus concret ? L’ enfer, c’est les autres…
La Chienlit mêle ainsi comédie absurde et comédie humaine à un réalisme social déconcertant. Le surréalisme s’insinue alors dans le réel, donnant lieu à des situations saugrenues. On rit d’une mouette morte qui s’écrase sur le visage d’une femme ; du soudain ralenti sonore qui nimbe l’univers de Paul Poupon lorsqu’enfin, il peut allumer ce joint qu’il a roulé au début de la pièce ; d’une femme qui brandit une scie en disant qu’elle a trouvé un couteau qui coup ; ou encore, d’un homme qui transforme sa perruque en un rat qu’il caresse avec une certaine désinvolture.
Jusqu’où iront-ils ?
Les comédiens prennent un malin plaisir à interpréter leurs multiples rôles. A la fois acteurs et narrateurs, ils jouent et commentent en direct ce qui se passe sur scène, mimant les décors, bruitant à la bouche certains effets sonores, ponctuant parfois le discours des autres de didascalies qui brisent avec bonheur le quatrième mur. Même si certaines scènes sont un peu trop répétitives et leur jeu parfois un peu trop excessif, l’absurdité de la pièce finit par nous gagner. Jusqu’où seront-ils capables d’aller ? La suite dans les prochains épisodes…
La Chienlit est un spectacle totalement décalé qu’il faut regarder avec beaucoup de second degré.
La Chienlit, écrite et mise en scène par Alexandre Markoff, avec Diane Bonnot, Ivan Cori, Sébastien Delpy, Nicolas Di Mambro, Pauline Jambet, Sylvain Tempier, Aline Vaudan, s’est jouée les 8 et 15 juillet 2024 au Théâtre du Train Bleu et se jouera du 16 au 19 juillet au Théâtre du Roi René à 18h55.
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Avis
La Chienlit - Épisode 1 : Pour un fascisme ludique et sans complexe est le premier opus d'un triptyque totalement déjanté sur les relations humaines. Comédie à la fois absurde, surréaliste et politique, celle-ci vous poussera à bout. Tout le monde parle, personne ne s'écoute, alors oui... ça dégénère !