La Chambre d’à côté (The Room Next Door en VO) est le dernier film du réalisateur espagnol Pedro Almodóvar. Une émouvante adaptation du roman What Are You Going Through de Sigrid Nunez avec Tilda Swinton et Julianne Moore.
Maintes fois récompensé dans son pays du Prix Goya (pour Femmes au bord de la crise de nerfs, Tout sur ma mère, Volver ou encore Douleur et Gloire), et à l’étranger de plusieurs Oscars et Golden Globes (pour Tout sur ma mère et Parle avec elle), Almodóvar n’avait encore jamais remporté le célèbre Lion d’or à la Mostra de Venise. C’est maintenant chose faite depuis la 81e édition du festival qui récompense pour la toute première fois un film espagnol. La Chambre d’à côté a déjà tout du chef-d’œuvre.
Une vieille amitié renouée
Le film débute sur le perron de la librairie Rizzoli en plein cœur de New-York. Des clients attendent patiemment de pouvoir en franchir le seuil pour rencontrer la célèbre écrivaine Martha Hunt (Julianne Moore), présente pour une séance de dédicace de son dernier ouvrage : On Sudden Deaths (Sur les morts subites). Elle y écrit notamment “comprendre et accepter la mort” ; Martha Hunt ne souhaitant plus redouter cet ultime instant. Pourtant, son sourire s’estompe lorsqu’elle apprend que son amie de longue date, Ingrid (Tilda Swinton), est en phase terminale d’un cancer du col de l’utérus.
A l’hôpital, Martha et Ingrid retrouvent en seulement quelques heures le lien indéfectible qui les unit, bien qu’elles ne se soient pas vues depuis plusieurs années. Une vieille amitié renouée par l’amour, les confidences et l’omniprésence de la mort, qui vient se clore sur un pacte – un pacte que l’on ne se permettrait pas de dévoiler ici.
Une histoire bien à lui
Pedro Almodóvar est un cinéaste de l’excellence et il semble bien difficile de ne pas voir la beauté dans chacun de ses films. De ses débuts à aujourd’hui, il a su renouveler son art tout en développant un style bien personnel, nous révélant le cinéma dans toute sa grandeur. Almodóvar est, à n’en pas douter, un immense réalisateur et il le prouve une nouvelle fois avec La Chambre d’à côté, signant son premier long-métrage anglophone – après une première collaboration avec l’actrice américaine Tilda Swinton pour son moyen métrage La Voix humaine (2020).
La Chambre d’à côté, à l’instar de l’ensemble de sa filmographie, place le dialogue au centre de la narration. Ses personnages parlent longuement, écoutent avec bienveillance, sans jamais nous lasser de leurs discussions. A l’article de la mort, Ingrid se révèle à Martha à travers des souvenirs – matérialisés à l’écran par plusieurs flash-backs – à propos de sa fille et de sa carrière de reporter de guerre. Almodóvar jongle ainsi entre passé et présent, narrant les bribes d’une histoire personnelle à la manière de contes merveilleux.
Une mort en lumière
Avec La Chambre d’à côté, Pedro Almodóvar fait de la mort le sujet central de son film sans jamais succomber à une dramatisation excessive. Le cinéaste espagnol parvient à un sublime équilibre entre mort et vitalité, transformant ce passage vers l’au-delà en un doux voyage, en une fin inéluctable qu’il est possible d’accepter sans forcément la redouter. Mourir pour ne plus souffrir ; mourir et accepter de ne plus vivre.
Almodóvar nous enveloppe d’une ambiance chaude et délicate – appuyée par la musique de son compositeur fétiche Alberto Iglesias – grâce à une image réconfortante et lumineuse. Les plans en présence de fleurs, d’arbres, de buissons se succèdent, comme si la nature englobait Ingrid et Martha de son calme bienveillant et coloré. Ce doux manteau de verdure ne les protège pourtant pas de la mort, omniprésente et douloureuse.
« La neige tombe
Elle s’étend sur tout l’univers
Elle tombe, feutrée,
Sur tous les vivants
Et les morts »
Almodóvar ne se prive pas de multiplier les citations, faisant en particulier plusieurs fois référence à l’ultime film de James Joyce : The Dead (Gens de Dublin). Dans La Chambre d’à côté, la neige tombe sur Ingrid et Martha. La neige, qui recouvre symboliquement les vivants et les morts, devient ici une métaphore de l’effacement, de l’égalité et du passage du temps, symbole de l’apaisement, de l’acceptation et de la beauté mélancolique qu’Almodóvar cherche à nous offrir à travers son long-métrage.
Deux actrices éblouissantes
Ce refus de la mélo-dramatisation est très marqué chez Ingrid, persuadée qu’une tragédie peut être vécue de différentes manières. En refusant de s’apitoyer sur son sort, en prenant son destin en main, Ingrid ne se laisse pas faucher par son cancer. Tilda Swinton présente ainsi un personnage attachant qui se livre à travers de longues tirades qu’elle fait sonner doucement à nos oreilles. Face à elle, Julianne Moore propose une Martha complice qui prend le temps de regarder et d’écouter son amie.
Moore et Swinton resplendissent à l’écran et nous émeuvent. Les nombreux champs, contre-champs les montrent alternativement – l’une parle, l’autre prête oreille attentive – avant qu’un plan d’ensemble les réunisse dans un même cadre. Si d’autres personnages gravitent autour d’elles, elles restent le point d’ancrage du film et parviennent à faire vivre les situations insolites propres à Almodóvar – on le sait, ses scénarios nous emmènent toujours là où l’on s’y attend le moins. Tilda Swinton et Julianne Moore sont éblouissantes et nous touchent en plein cœur.
Il y aurait beaucoup à dire de La Chambre d’à côté ; mais pour percer tous ses mystères, le mieux serait peut-être d’aller le découvrir par soi-même.
La Chambre d’à côté sortira au cinéma le 8 janvier 2025
Avis
Il n'y a rien à redire sur le dernier film de Pedro Almodovar La Chambre d'à côté. Le réalisateur espagnol nous subjugue à nouveau à travers l'histoire de ces deux amies qui se retrouvent après plusieurs années. Entre mort et vitalité, il présente un long métrage doucement triste porté par ses deux actrices : Tilda Swinton et Julianne Moore.