Présenté à la Berlinale, Kill Bok-soon est le nouveau film de Byung Sung-hyun, réalisateur coréen de Sans Pitié. Portée par Joen Do-Yeon (Secret Sunshine), ce thriller d’action teinté de comédie place une mère de famille tueuse à gages qui tente de concilier vie de famille et contrats d’assassinats.
Kill Bok-soon est le nouveau film de Byung Sung-hyun, d’habitude spécialisé dans le drame (comme dans le récent Kingmaker), mais avait opéré un virage fort plaisant vers le thriller avec Sans Pitié en 2017. Kill Bok-soon revient vers cette veine, en y ajoutant une dimension plus légère et acidulée. Un croisement que d’aucun qualifiera d’hérité de Tarantino (Kill Bill) ou bien Shane Black (Au revoir à jamais).
Kill Bok-soon (titre du film et surnom de la protagoniste) nous présente donc Gil Bok-soon (Jeon Do-Yeon), une mère célibataire qui peine à remplir son rôle face à sa fille Jae-yeong. Cette dernière a bien du mal à s’ouvrir à sa matriarche très stricte, qui a par ailleurs un secret bien cocasse : derrière sa couverture de femme d’affaires, se cache une légendaire tueuse à gages employée par MK, le plus gros syndicat du crime coréen.
Alors que Gil Bok-soon se voit déjà proche de la retraite et préfère passer son temps au restaurant avec d’autres collègues assassins de moindre stature, tout son univers se verra chamboulé. En effet, Bok-soon refusera de tuer le fils d’un homme politique, et va devenir persona non grata au sein de l’agence, avec tout un tas de tueurs à gages engagés à ses trousses. Un pitch qui flirte avec le terrain connu du genre donc, et qui représente la principale limite de cette plaisante série B !
Kil Bok-soon : on a pas dit pas les mamans
Kil Bok-soon emprunte évidemment des sentiers battus, via une dramaturgie qui se pose sur des rails : point de vrai suspense tout au long de l’intrigue, sautant à pieds joints vers tous les codes du genre. Ainsi, le film alterne entre séquences mère-fille que tout oppose (avec tentative de rapprochement à la clé) et irruptions vers le genre (après tout le perso est une assassin de classe internationale).
Quelque part entre Kill Bill (sans le déluge de sang et de références) et Au revoir à jamais (pour le trope de mère de famille plus à l’aise avec un pistolet qu’avec un tablier) se trouve donc Kil Bok-soon, mais sans le même équilibre ou le même jusqu’au-boutisme. On saluera néanmoins une certaine justesse de cette relation familiale centrale, alors que Jae-yeong tente de cacher son homosexualité autant à l’école qu’à la maison. Un traitement à l’issue un brin facile, mais fait sans forceps. Il est par contre dommage d’avoir réduit la problématique de la parentalité via ce seul axe, alors que Kil Bok-soon préfère les couteaux au drama.
Tatanes musclées
De ce point de vue, Kill Bok-soon pirate sa recette classique par quelques séquences de combat au découpage travaillé, usant de ralentis et chorégraphies efficients, tout en amenant parfois le soupçon de décalage humoristique adéquat. Ainsi, entre deux tatanes esthétiques, l’irruption d’un crayon dans le pugilat, ou l’opposition du marteau face au katana (la scène d’intro donne le ton) permet de dynamiser l’ensemble avec singularité.
Une philosophie qui trouve par ailleurs son point d’orgue dans une séquence de baston dans un restaurant, rabattant à la fois les cartes pour un climax malheureusement moins marquant (et empruntant presque à un certain Sherlock Holmes de Guy Ritchie). Le tout heureusement joyeusement fun et ludique, avec comme principal attrait une Jeon Do-yeon parfaite dans ce contre-emploi.
Le prix d’interprétation cannois en 2007 pour Secret Sunshine semble loin lorsqu’on découvre ce personnage de Kill Bok-soon : à la fois tueuse efficace pour qui trucider devient un acte récréatif, mais également des plus gauches en ce qui concerne l’éducation de sa fille, Gill Bok-soon porte le film à elle seule. Une dichotomie qui aurait pu aller plus loin dans son traitement, mais se révèle suffisamment incarnée pour convaincre.
De plus, Byung Sung-hyun offre une mise en scène maîtrisée, simple mais carrée, et mettant à l’honneur les diverses cascades à l’écran. Sous ses faux airs John Wick-esques, on aurait aimé que cet univers de syndicat du crime soit mieux exploité plutôt qu’utilisé tel un décorum. Dommage, mais Kill Bok-soon a le mérite d’avant tout s’intéresser à son personnage principal, le reste gravitant autour pour la servir.
Série B sympathique
En conclusion, Kill Bok-soon réussit globalement son pari via son cocktail d’ingrédients aguicheurs : des tueurs à gages, une pro de l’assassinat tentant de jongler entre boulot et vie privée, une actrice de talent, une réalisation carrée, et quelques idées de mise en scène bienvenues. Une petite proposition made in Korea pas dénuée d’intérêts, même si manquant parfois de personnalité ou de singularité, la faute à un aspect timoré vis-à-vis de l’exploitation de ses concepts. Dommage, mais sympathique tout de même !
Kill Bok-soon sortira sur Netflix le 31 mars 2023
avis
Qu'il s'agisse de trancher du bad guy ou de disséquer le cœur de sa fille, Kill Bok-soon réussit son mariage d'influences sans toutefois pleinement les transcender. On comptera sur une réalisation propre, un casting réussi et surtout une Jeon Do-yeon qui vaut à elle seule le visionnage !