Fascinante et inspirante, deux termes qui pourraient définir la carrière de Julien Maury et Alexandre Bustillo, le duo de réalisateurs de Kandisha.
Quasiment 15 ans avant Kandisha, ils se révèlent en 2007 avec L’INCROYABLE PROPOSITION À l’intérieur ; un home-invasion horrifique, complètement barré. Et pourtant, la filmographie des auteurs prend une tournure moins mémorable et impactante que leur premier film… On pourrait presque parler de ventre mou, notamment avec leur dernier film en date : The Deep House. Malgré un concept fou et un projet passionnant, le film manque clairement d’enjeux dramatiques et de développement de personnage pour plonger le spectateur en apnée avec lui pendant 1h25…
Malgré quelques faiblesses au cours de leur aventure cinématographique, le duo a toujours su être à la fois force de proposition, et surtout défenseur du film de genre dans le cinéma hexagonal.
Une mise en route compliquée
Kandisha, toujours écrit et réalisé par le duo Maury-Bustillo, raconte l’histoire de trois adolescentes de banlieue parisienne. Après avoir invoqué une entité malfaisante, le trio va devoir se battre contre le démon éponyme : Aïsha Kandisha.
Malgré quelques faiblesses, une séquence d’exposition un peu maladroite, des dialogues et des interprétations assez faiblardes… Kandisha marque un beau retour pour le duo de réalisateurs qui commençait un peu à nous inquiéter. En effet, le film s’approprie les codes du slasher que l’on connaît chez les américains (un groupe d’adolescents faisant face au Diable, qui n’est pas sans rappeler It) en les réintégrant dans une société et dans un cadre auquel le spectateur français peut enfin s’identifier. En effet, l’ancrage au sein d’une banlieue parisienne et le mélange des cultures dont fait part le film, permet de rendre palpable l’univers dans lequel les personnages évoluent.
Tandis que le film peut gêner dans sa mise en route, ses défauts disparaissent lorsque l’intrigue principale commence enfin, surtout grâce à la leading actrice qui à la fois réhausse le niveau de jeu d’acteur dans le film et qui instaure une nouvelle dynamique entre les personnages.
S’approprier les codes d’un genre
La plus grande surprise en revanche a été la générosité du film sur ses effets surprises. En effet : quand on parle de slasher, on parle aussi de disparitions de personnages, avec des effets de mise en scène de plus en plus spectaculaires (et sanglants). Kandisha est généreux graphiquement, surprenant, et c’est un vrai plaisir de voir ce genre de scène chez nous les frenchies.
En plus de s’approprier les codes du genre, il se permet également de redistribuer des cartes plus classiques propre au genre. D’une part : nos héroines sont débrouillards, réalistes et à aucun moment stéréotypées. D’autre part, le film propose une ribambelle de scream king avec lesquels Julien Maury et Alexandre Bustillo n’hésitent pas à s’amuser en termes d’effets de mise en scène et un réel crescendo de spectaculaire. Cette violence tranche d’ailleurs assez franchement avec le réalisme instauré précédemment dans le film, rendant donc le tout encore plus choquant et impactant.
Un autre point positif sur le film, car en plus de ne pas ménager ses personnages masculins, le long-métrage n’est pas non plus gêné de mettre en avant les corps masculins, sans forcément les rendre cliché et viril à mourir. Le film semble globalement prendre à revers les codes du genre sur la place des femmes et des hommes dans le slasher. On aurait pu avoir par exemple une scène sexy avec une jeune femme qui se ferait assassiner par surprise, avec un mélange d’érotisme et de sadisme. Surprise : les réalisateurs ont plutôt opté pour y mettre un homme à la place. C’est aussi en ça que Kandisha réussit à s’approprier son genre et à proposer une évolution de ses codes.
Simple mais efficace
La tension est globalement bien gérée, même si le film ne réinvente rien en termes de découpage ou de photographie. Le décor rend pourtant le tout assez mémorable, avec une banlieue parisienne qui devient presque un personnage à part entière, autant à l’intérieur des bâtiments et des appartements, qu’en extérieur avec les ruelles sombres et leurs murs taggés. On retient également quelques idées de montage qui fonctionnent sur le fond et sur la forme, avec une alternance entre un personnage invoquant l’entité démoniaque et la victime qui tente de la fuir.
La construction d’un mythe
Le film propose aussi une vraie iconographie autour de la boogywoman, avec la construction d’un mythe qui démarre d’une anecdote, à la consultation de personnages plus spécialisés, avec l’évolution d’une simple légende urbaine raconté entre jeunes, jusqu’à la révélation d’un véritable mythe marocain inquiétant.
On remarquera également une véritable évolution de la boogywoman au fur et à mesure de la concrétisation du mythe, que ce soit de son apparence à la manière de la mettre en scène, d’une silhouette fantomatique lointaine, à une incarnation démoniaque terrifiante.
Diaboliquement fonctionnel
Bien que boiteux à certains niveaux, un twist et une fin pas tout à fait surprenante (mais fonctionnelle), le film reste une surprise sympathique : un teenage movie / slasher avec une bande d’adolescents qui combattent un démon, en France, fait par des Français. En tout cas, le film marche, parce qu’au-delà d’avoir un film horrifique, on a aussi un drame, avec des personnages qui s’aiment et qui vont devoir affronter et subir des destins tragiques et brutaux.
Certes, Kandisha ne réinvente pas le genre du slasher, mais fait du bien car il montre que le cinéma de genre a aussi sa place chez nous.