Trois ans après son premier long-métrage, Viggo Mortensen passe à nouveau derrière la caméra, s’emparant d’un genre cinématographique au passé foisonnant. Avec Jusqu’au bout du monde, il nous livre un western dans lequel sa vision artistique personnelle transcende le classicisme hollywoodien.
Jusqu’au bout du monde prend place dans l’Ouest américain des années 1860 et retrace la rencontre entre Holger Olsen (Viggo Mortensen) – immigré d’origine danoise vivant là où le vent le mène – et Vivienne Le Coudy (Vicky Krieps) – immigrée d’origine québécoise résolument indépendante. Ils vivent une histoire d’amour passionnelle jusqu’au jour où Olsen quitte sa ferme du Nevada pour s’engager dans la guerre de Sécession. Mortensen entame alors le portrait d’une femme confrontée à un monde violent où elle ne semble pas avoir sa place.
« The dead don’t hurt »
Tout commence avec le décès de Vivienne Le Coudy : allongée sur son lit de mort, elle rend son dernier souffle en douceur, à l’instant même où une ultime larme coule au coin de son œil. Un lent travelling arrière nous révèle la présence d’Olsen. Assis sur une chaise, le regard tourné vers le jour qui point derrière la fenêtre, il devra continuer à vivre et affronter ce deuil, car seuls les morts ne souffrent pas.
Viggo Mortensen dresse le portrait d’une femme émancipée dont le seul désir est de vivre libre ; mais cette liberté a un prix. Le titre original du film augure de cette vie pleine d’afflictions avec bien plus de puissance : The Dead dont’ hurt peut se traduire par Les morts ne souffrent pas ou encore Les morts ne font pas de mal. Le film relate le parcours de Vivienne, ses combats, ses épreuves, en enchevêtrant trois périodes temporelles parfois difficiles à distinguer. En débutant son film par sa disparition, il nous lie émotionnellement à elle, et instaure un attachement qui ne cessera de grandir au cours du récit.
Jusqu’au bout du western
Viggo Mortensen reprend les motifs principaux du western – corruption des dirigeants, tribunal sauvage, pendaison, duels, fusillades, traques… sans jamais entrer dans les clichés du genre. Il développe ainsi une intrigue où la haine se mêle à la vengeance, où être le plus riche signifie avoir le pouvoir. Il multiplie les altercations, faisant monter la tension à travers d’intenses jeux de regards. Même si l’on sait où il nous emmène, on reste accroché à son histoire, suspendu au destin tragique de personnages au caractère bien trempé.
Jusqu’au bout du monde offre également des moments plus apaisés, où le calme de la nature reprend le dessus. Dans certaines séquences, le cinéaste se risque à un rythme plus lent, et nous laisse le temps de contempler les vastes paysages de cette contrée reculée avec de nombreux plans d’ensemble. Dans cet environnement où la solitude est le quotidien de tous, on apprend à vivre aux côtés d’une femme qui ne lâche rien, malgré le chagrin, la souffrance, la peur et le désespoir.
Une femme dans un monde d’hommes
Si les premières séquences du film sont consacrées à Holger Olsen, le récit se centre ensuite sur Vivienne qui prendra très vite tout l’écran, servie par le jeu subtil de Vicky Krieps. Ensemble, Vivienne et Krieps forment un personnage fascinant aux émotions communicatives ; une femme qui se suffit à elle-même.
Bercée par l’histoire de Jeanne d’Arc depuis son enfance, elle marchera dans ses traces, n’hésitant pas à prendre les armes pour affronter les hommes. Sans même un six-coups en guise d’épée, elle incarne une héroïne forte qui transcende la lutte des genres.
Avec ce personnage principal féminin, Mortensen offre un autre regard sur le western, plus fin, plus délicat. Seuls les morts ne souffrent pas, mais Vivienne ne subira pas sans révolte.
Jusqu’au bout du monde sera disponible au cinéma dès le 1er mai 2024.
Avis
Avec Jusqu'au bout du monde, Viggo Mortensen met en scène une femme forte dans un monde d'hommes. Un western qui s'empare de la lutte des genres avec finesse.