Après une première saison efficace et une seconde très moyenne, la série d’espionnage Jack Ryan revient aux bases en proposant un remake de la guerre froide, pertinent mais pas transcendant.
Maintenant agent de terrain rompu aux missions musclées, l’analyste Jack Ryan est envoyé en Europe de l’Est pour sauver le monde d’une potentielle attaque nucléaire de la Russie. Produite et donc diffusée par Amazon Studios, l’adaptation des romans de Tom Clancy continue son petit bonhomme de chemin en installant définitivement John Krasinski comme l’homme d’action idéal, même si les missions se suivent et se ressemblent, pas forcément pour le meilleur.
Toujours développée par Carlton Cuse et Graham Roland, les deux créateurs laissent maintenant Vaun Wilmott (Star Trek Discovery) endosser la casquette de showrunner en plus de celle de scénariste (partiel) du show qui est cette fois (presque entièrement) réalisé par la cinéaste et romancière Jann Turner. Une fine équipe pour finalement retomber dans des sentiers narratifs on ne peut plus banalisés, histoire d’éviter le moindre faux pas. Une décision raisonnable mais un peu timorée, exactement l’inverse du personnage de Jack Ryan en somme.
La somme de toutes les peurs (ou presque)
Pour bien faire oublier l’écueil scénaristique de la précédente saison politisée et foutrement subversive quant à l’implication démocratique des USA dans la politique du Venezuela, cette fois on préfère s’éloigner de la réalité pour se tourner vers l’invasion de la Tchéquie par la Russie, très agressive face à la présence avancée de l’OTAN en Europe de l’Est… oh wait. Bref, passons sur le discours idéologique et comme toujours autocentré des productions américaines pour se concentrer sur l’aspect fictionnel de la chose.
On constate donc que la sacro-sainte Guerre Froide (et l’opposition Ouest-Est) demeure la zone de confort de toute œuvre d’espionnage et cette nouvelle saison de Jack Ryan n’y fait pas défaut. Sauf que le show de Amazon semble en avoir conscience et fonce donc à bras raccourcis dans ce stéréotype narratif et s’en sort finalement avec les honneurs. C’est loin d’être original, on connaît déjà tous les tenants et les aboutissants de l’histoire qu’on a déjà vu maintes et maintes fois, mais c’est assumé et ça marche. En pur produit de propagande politique contemporaine et nostalgique d’une période toujours un peu fantasmée par Hollywood, c’est dur à dire mais le fait est que c’est cliché, certes, mais ça fonctionne très bien.
Dès que l’on sort de l’aspect purement politique de la série, avec ses ramifications complotistes et menaces internationales, la série en vient cependant à souffrir d’une écriture trop rassurée par ses références (merci Les Trois derniers jours du Condor ou surtout A la Poursuite d’octobre rouge). Les incohérences se multiplient, les personnages se retrouvant de pays en pays en quelques secondes quand ils mettent parfois plusieurs épisodes à traverser une seule ville, les ingérences gouvernementales soviétiques sont légions, les forces de police locales sont totalement abruties et les raccourcis narratifs paraissent ahurissants de bêtises. Pourquoi Jack fait-il le guet depuis le haut d’un pont alors que sa source va se faire kidnapper juste en contrebas et qu’il faudra à notre super-agent plusieurs minutes pour la rejoindre ? Pas très finaud tout ça..
Enfin, si tout le casting semble particulièrement investi, de Krasinski évidemment over-motivé à Wendell Pierce, toujours parfait en James Greer, les seconds rôles comme Michael Kelly ou Nina Hoss n’ont pas à rougir. Par contre, on déplore l’emploi des formidables James Cosmo et Peter Guinness en leader russes alors que caster des acteurs soviétiques aurait été beaucoup plus pertinent et intéressant tout comme employer la langue slave aurait grandement amélioré l’immersion cinégénique alors qu’on se farcit des russes qui conversent dans un anglais haché. Risible.
Mais si on trouve (beaucoup) à redire sur la nouvelle production de Amazon, force est de constater que cette troisième saison de Jack Ryan est également une réussite en tant que proposition sérielle. Visuellement le show est carré, avec une mise en scène appliquée et énergique, où l’action (parfois sur-découpée évidemment) y est lisible et agressive tandis que le schéma scénaristique parvient aisément à nous emporter dans un imbroglio politique, sinon passionnant au moins divertissant. Une proposition efficace et qui se regarde d’une traite en enchaînant assez facilement les huit épisodes, malgré quelques longueurs. C’est parfois bas du front et un peu bourrin, mais on passe inévitablement un bon moment.
En faisant abstraction de sa facilité d’écriture et d’une idéologie trop axée sur les conflits ancestraux de l’Amérique de Reagan (ou de Biden), cette troisième saison de Jack Ryan est plutôt sympathique, pas révolutionnaire pour un sou, mais qui vous divertira durant quelques soirées un peu froides.
La saison 3 de Jack Ryan est disponible sur Prime Video.
Avis
Cette troisième saison de Jack Ryan propose sagement une intrigue ultra balisée en pleine Guerre Froide contemporaine pour un résultat efficace, loin d'être original, mais bien divertissant.