Présent à Cannes, L’Inconnu de la Grande Arche est le tout nouveau film de Stéphane Demoustier (Borgo), centré sur la conception de l’édifice éponyme de la Défense. Une mise en lumière nécessaire entre fiction et faits réels pour un récit palpitant !
L’Inconnu de la Grande Arche est le nouveau film de Stéphane Demoustier, plusieurs mois après le triomphe de Borgo aux Césars pour le prix de la meilleure actrice ! Présenté dans la section Un Certain Regard, ce nouveau long-métrage se base également sur un fait réel, mais à plus grande échelle étant donné que le sujet se porte sur l’élaboration de la fameuse Grande Arche qui trône à la Défense.
Mais plus encore, Demoustier entend lever le voile sur son concepteur, l’architecte Otto von Spreckelsen ! Ce danois sans grande expérience dans le milieu (mais avec néanmoins 4 églises imaginées par ses soins) gagne en effet le concours « Tête Défense » en 1983, dont le but est d’imaginer un monument à rajouter dans le paysage parisien, qui serait situé dans le prolongement du Louvre et de l’Arc-de-Triomphe sur l’axe des Champs-Élysées.

Se faisant, Otto est mandaté par François Mitterrand pour construire une grande arche en forme de cube géant. Mais épaulé d’un autre architecte et d’un gestionnaire économique, le fameux danois va se heurter pendant 4 ans aux aléas de la politique et à la complexité du réel. Et même si on pourrait vaguement penser à The Brutalist, mais le projet est tout autre !
L’Inconnu de la Grande Arche et de la petite histoire
Car avec L’Inconnu de la grande arche, Stéphane Demoustier traite la petite histoire comme la grande pour montrer comment la créativité pure peut être trahie par des facteurs extérieurs socio-politiques. Pour autant, le métrage débute telle une comédie dramatique, via un François Mitterrand plus vrai que nature (très bon Michel Fau) et un brin excentrique s’associer à un étranger tout aussi haut en couleurs.
Le grand Claes Bang (The Square, Dracula) trouve donc un vrai rôle de composition : autant à l’aise en danois qu’en français, on s’attache immédiatement à ce Otto à la fois pittoresque et entièrement motivé par l’Art. Celui avec un grand « A » comme il le verbalise si bien via sa note d’intention : faire de la Grande Arche un symbole de rassemblement pour l’Humanité, en dépit de toute considération socio-ethnique.

Et comme bon nombre de biopics, L’Inconnu de la Grande Arche s’apparente à un parcours de personnage semé d’embûches, avec comme force proactive l’accomplissement personnel et artistique du protagoniste. Un parcours à la narration incroyablement ludique où l’humour fait régulièrement mouche de par un comique de situation et le côté « poisson en dehors de l’eau » d’Otto.
Ascension et chute politique
Le trio avec les excellents Xavier Dolan (dans un rôle délicieusement détestable) et Swann Arlaud fonctionne donc à merveille, déroulant petit à petit un programme certes légèrement attendu de « rise 1 fall », mais toujours incarné avec son regard désenchanté sur notre beau pays. Le film prend dès lors des libertés évidentes dans le rapport professionnel et de friction entre les personnages, en particulier tout ce qui a trait au mariage d’Otto (Sidse Babett Knudsen y est aussi formidable en épouse reléguée sur le bas-côté).
Et alors que L’Inconnu de la Grande Arche prend un tournant nettement plus dramatique lorsque l’intrigue par pour Carrare, mettant en lumière les ingérences des hautes institutions bridant l’urbanisme public. Impossibilité de valider une colle pour assembler d’immenses baies vitrées pour cause de brevet non-autorisé, doutes sur le choix et le prix de plusieurs tonnes de marbre, conflits vis-à-vis des décisions globales d’un étranger pour habiller la capitale française..

L’Inconnu de la Grande Arche dresse ainsi un portrait flatteur de la France sous Mitterrand, comme une aire pleine de promesses pour l’avenir, avant que Juppé débarque et qu’un clivage plus prononcé des divers acteurs politiques ne vienne casser les projets onéreux. Demoustier capte toute cette bascule des années 80 avec un soin admirable (bonne reconstitution d’époque), avant d’instaurer une dimension plus désenchantée.
Une dernière partie touchante voire révoltante, parfaitement encapsulée en la personne de Claes Bang et sa performance habitée. Bref, la narration reste emplie d’un certain classicisme dans le sens noble du terme, via une ligne claire de A à Z, mais Stéphane Demoustier conserve une efficacité narrative permanente permettant de changer notre regard (à la fois pour le meilleur et pour le pire) sur un monument français à l’allure désormais désenchantée..
L’Inconnu de la Grande Arche sortira au cinéma fin 2025.
avis
L'Inconnu de la Grande Arche est non seulement le meilleur film de Stéphane Demoustier, dirigeant sa troupe de comédiens comme un chef, mais également un récit doux-amer sur comment la politique peut faire s'écrouler les fondations artistiques d'un projet pharaonique. Une plongée historique toujours ludique et jouissant d'une reconstitution d'époque précise. Bref, une mise en lumière nécessaire d'un personnage qui n'aura plus rien d'un inconnu dorénavant.
Un commentaire
Rien sur le livre – la Grande Arche – qui a permis le film?