High Score est un phare, le phare ambitieux d’une niche qui n’en est plus une. Une docu-série Netflix réalisée par William Acks, France Costrel et Sam LaCroix dont le vague sujet est dans son nom évocateur. Mais d’abord : générique.
High Score : l’âge d’or du gaming ou simplement Hight Score dans sa version originale, c’est dans un premier temps déjà, une contrariété dans le nom.
High Score, performance, arcade, scoring, shmup ! Par évocation c’est ce qui devrait vous venir, même sans être anglophone d’ailleurs. High Score, c’est assez générique pour être compris par tous ceux qui pourraient être touchés par le sujet, sans qu’il y ait plus à ajouter. L’image d’une manette ressemblant à celle d’une NES, ainsi que le titre en pixel art finissait pourtant d’entériner le plus évident : High Score, ça vous parle de jeu vidéo.
Si le titre français est défendable sur un point cela dit, ce serait qu’il a le mérite de plus explicitement correspondre au contenu de ladite série ; même si “jeu vidéo” aurait été toujours plus pertinent que “gaming”…
High Score couvre ce qui va des premières bornes d’arcades à grossièrement, les premiers jeux 3D sur Super Nintendo. Un sujet peut-être un peu trop vaste pour une mini-série de 6 épisodes d’environ 40 minutes chacun. Il lui aurait au moins fallu le triple de temps.
Passé les deux premiers épisodes, les perspectives de l’énoncé se perdent quelque peu. High Score n’est pas vraiment dans la veine de The King of Kong, malgré son alléchant intitulé.
Leurs fabuleuses enfances dans l’Amérique des années 80
Déjà, désamorçons vos attentes les plus fébriles : le documentaire est très américano-centré. Si nous passerons bien par le Japon de temps en temps, ce sera souvent pour mettre le marché états-unien en perspective – ce n’est pas un défaut. Malgré cela, le documentaire n’est pas concentré à nous expliquer tout à fait les spécificités du marché américain, il est plutôt le fruit de grands gamins ayant grandi là-bas. Des gens qui nous parlent de leurs enfances aux État-Unis donc, et qui même adultes, semblent porter sur l’industrie un regard d’enfants. Ils s’émerveillent d’absolument tout.
Un enthousiasme communicatif certes, qui correspond d’autant bien à l’effervescence du milieu de l’époque, mais qui finit par avoir ses limites. Tout le monde a le bon rôle, “tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil”. Le jeu vidéo est une sorte de grande famille farcie à la guimauve. C’est l’impression que donne High Score. Tout y est à la gloire de, tout est formidable, sans nuances et sans techniques, que du bel art et des beaux mots.
Du High Score au coq, puis du coq à l’âne
Le premier épisode, malgré quelques ellipses, sait correctement nous raconter les débuts de l’arcade, dans beaucoup de ses aspects jusqu’à l’arrivée du format cartouche. Le second déjà doucement, s’éloigne et nous parle de l’arrivée de la NES. Après, ça ne va faire que doucement digresser. Sur les RPG à l’épisode 3, sur la guerre NES/Genesis (ou Mega Drive) au quatrième, sur les “jeux de combats” au cinquième puis sur l’émergence de la 3D au dernier épisode. Le tout avec greffé ici ou là : la représentation des minorités dans les jeux vidéos, la violence très spécifique du médium, les FMV… Bref, c’est un peu le bazar.
Alors pourquoi avoir appelé ce corpus hétéroclite “High Score” ?
Parce que. Parce que ça fait “jeu vidéo”, même si à de nombreux égards, High Score ne vous parle pas du “high score”. C’est simplement du jargon galvaudé pour faire “jeu vidéo”.
De grands noms dans de tous petits plats
Pourquoi aller chercher un bonhomme comme Yoshitaka Amano si c’est pour l’intercaler au milieu de toute autre chose. Comment mêler l’art pictural derrière Final Fantasy aux premiers jeux d’aventure textuelle ? Pourquoi dissoudre des légendes comme Roberta Williams dans un épisode vrac sur le RPG. High Score est une occasion manquée. Une occasion aux moyens extraordinaires – ça c’est sympa d’ailleurs – mais qui sur le fond, reste malheureusement trop souvent en berne.
High Score donne parfois l’impression d’avoir été écrit par des gens qui n’ont plus touché à un jeu vidéo depuis 20 ans. Un peu comme un parent qui passerait la tête par dessus l’épaule de son gosse pour dire : “il est beau le jeu, c’est fou ce qu’on arrive à faire de nos jours”. C’est profondément adorable mais ne pourrait-on pas en attendre plus d’une série dédiée au jeu vidéo que d’avoir un discours aussi creux sur la montée en puissance technologique du médium ? Pensée au court passage sur Final Fantasy 15. Paradoxalement du coup, la série n’a pas le discours passéiste du “c’était mieux avant”, sauf que le contraire n’est pas non plus une parfaite porte de sortie.
High Score tient fébrilement les manettes
La mini-série de Netflix de façon générale, manque de rigueur documentaire. Ce qui est de l’ordre de la légende urbaine par exemple, peut vite se retrouver pris sans ambiguïté comme l’Histoire, la vraie. Même si certains cas connus sont plutôt justement abordés, je pense au fameux E.T. sur Atari, c’est simplement dommage que le sujet passe si vite.
Plus gros soucis encore peut-être, les jeux montrés ne sont jamais légendés ! Le minimum du minimum aurait été : un nom, une date, une machine. Si une saison deux – ou un format similaire – est amené à voir le jour, c’est clairement le point à tout de suite corriger.
High Score la mini-série, si elle s’étale sur un nombre de sujets impressionnants, ne fait justement jamais que s’étaler. Finissant par manquer de fond et substance pour combler un public peut-être plus exigeant/tatillon, surtout au vue des moyens mis en oeuvre.
High Score = M6
L’autre reproche que l’on pourrait faire à High Score, qui reste dans la lignée des précédents énoncés, est la représentation qu’il donne du jeu vidéo. Pour le dire très méchamment, c’est un peu du E=M6. Avec tout ce que cela comprend de jargon jeu vidéo mal utilisé et de références surfaites et à tout-va. Tout y passe, absolument tous les poncifs imaginables, les bons, les mauvais, tous !
Comme si le jeu vidéo devait, au délà de sa petite – maintenant plus si petite – bulle, rester un médium adolescent, pétri dans le référentiel et la citation.
C’est autant une lettre d’amour, qu’un cadeau empoisonné. Le jeu vidéo mérite qu’on le traite sérieusement et même sobrement. Comme beaucoup j’aime ses icônes, est-ce que pour autant je couvrirais mon appartement de poster de Mario ? Non, y’a des limites. Des limites que High Score est prêt à franchir à chaque instant.
Parler de jeu vidéo ne pouvait pas se faire dans un cadre normal, forcément. Il fallait référencer tout les TOC visuels que le grand public peut vaguement lui connaître. Bref, y incorporer du jeu vidéo de façade à la truelle.
C’est ce qui ressort de ces petites animations en pixel art. Elle sont bien réalisées, là n’est pas le souci, mais pourquoi sont-elles ici si ce n’est pour faire “jeu vidéo” ? Où alors, il aurait fallu les faire coller thématiquement à l’épisode, là ce serait peut-être mieux passé. Ce n’est ni du 8 bits, ni tout à fait du 16 bits, ni du polygonal, ni du vectoriel, c’est un cliché ambulant. Le concept n’est pas une si bête idée pour dynamiser la réalisation, mais il aurait fallu le dégrossir, contourner le poncif et jouer plus finement sur les codes.
En rire plutôt qu’en pleurer
On aurait aimé que High Score soit beaucoup plus en s’attaquant à un peu moins. Bill Bryson dans un certain “The Life and Times of the Thunderbolt Kid: A Memoir” nous parlait de son enfance dans l’Amérique des années 50, le tout avec ce regard tantôt sublimement enthousiaste, tantôt délicieusement cynique. On aurait aimé en dire autant de High Score que du récit sucré de Bill Bryson. High Score, est autant sucré qu’amer, autant divertissant qu’un peu puéril.
Cela accompagnera certainement à merveille une partie de votre 4X préféré, pas moins, mais certainement pas beaucoup plus non plus. La mini-série de Netflix était simplement sympa, et on aurait aimé en dire beaucoup plus de bien.