Gérald le Conquérant est la nouvelle comédie incisive de l’humoriste Fabrice Éboué (Case Départ, Barbaque). Une plongée hilarante en Normandie, sous la forme d’un docu-fiction centrée sur un nationaliste désireux d’ériger un parc à thèmes sur Guillaume le Conquérant. La comédie de l’année ?
Gérald le Conquérant est donc la nouvelle incursion de Fabrice Éboué au cinéma. L’humoriste à l’humour incisif de sale gosse nous avait déjà abreuvé de quelques petits coups d’éclat en explorant l’esclavagisme (Case Départ), les dictatures (Le Crocodile du Botswanga), les religions (Coexister) et même les vegans (Barbaque).
Des résultats variables en terme de mordant, tandis qu’ici l’humoriste entend s’attaquer à sa région de coeur (la Normandie) pour mieux rire jaune vis-à-vis de problématiques nationalistes. Inspiré à la fois de la série de docus cultes Strip-tease que du culte C’est arrivé près de chez vous, Gérald le Conquérant est en effet mis en scène tel un docu-fiction.
Puy du trou normand
Nous sommes donc dans le Calvados, tandis que Gérald (Fabrice Éboué) est un métis créole-normand ultra-nationaliste qui en a marre que sa région soit assaillie par des hordes de Parisiens. Fermier affublé d’une compagne aimante (Alexandra Roth) et de leur demeuré de fils (excellente révélation que Logan Lefèbvre), ses journées oscillent entre virées au bar du coin, accompagnement scolaire pour faire découvrir les vaches normandes, et relation père-fils centrée sur l’extermination de taupes au fusil de chasse !

Et c’est dans ce contexte déjà bien enlevé que ce Gérald le Conquérant s’affirme comme un fan absolu de Guillaume le conquérant (duc de Normandie puis roi d’Angleterre au XIe siècle). Si bien qu’il fomente un projet pharaonique : un immense parc à thèmes digne du Puy du Fou à la gloire de son idole, dans le but de remettre le patrimoine normand sur le devant de la scène. Bien entendu, tout ceci ne se fera pas sans heurts, et Gérald va être enclin à franchir n’importe quelle limite pour atteindre son but…
Humour noir et jaune
On connait Fabrice Éboué sans réelle limite en terme d’humour, même si ces précédents films semblaient parfois tenir la pédale sur l’embrayage en terme de retenue. Moins graphique qu’un Barbaque ou populaire qu’un Coexister, Gérald le Conquérant digère aisément ses influences pour les transcrire avec une réelle immédiateté dans son exécution.
Une efficacité globale qui tient dans le côté faux-docu, et qui était déjà la force de la collaboration Fabrice Éboué – Thomas Gaudin sur la série Inside Jamel Comedy Club. Un sens de l’humour qui bénéficie donc d’un aspect « cinéma-vérité » permis par la caméra à l’épaule, les ruptures du 4e mur (car évidemment le caméraman est présent dans l’action) et l’esprit de troupe de l’ensemble du casting.

Dès lors, Gérald le Conquérant enchaînera les simili-sketchs avec une fluidité déconcertante, et un sens du pathétique en équilibre constant. L’esprit Strip-tease en un sens, à nouveau capable de centrer son regard sur des personnalités hors-sol, étonnamment attachantes initialement avant un point de non-retour embrassant le fanatisme (voire le terrorisme en voulant faire exploser toute vache qui ne soit pas normande !).
Cela arrive près de chez nous
Un Chute Libre arrivé près de chez nous en un sens, dont la dynamique comique parvient à se renouveler sans signe de fatigue, et ce jusque dans son dernier mouvement. Gérald le Conquérant se veut libre dans son ton (jusque dans une scène de « flûte enchantée » qui ne laissera indifférent), régulièrement hilarant de par le jusqu’au-boutisme pathologique de son protagoniste (allant jusqu’à se payer plusieurs centaines d’euros une fausse épée médiévale)

Mais derrière la vanne, l’outrancier voire la provocation, Gérald le Conquérant touche du doigt la cocotte-minute idéologique et les débats socio-politiques qui animent la France. Gérald lutte donc contre « le grand remplacement » des normands par les parisiens, se terre dans une idéalisation fantasmée du passé (« Guillaume au secours !« ), rejette avec virulence la globalisation et l’américanisation occidentale…
Gérald le Conquérant se veut alors un miroir pas si déformant sur nos propres pertes de repères, et sur comment la récupération idéologique devient également un pur danger identitaire. Fabrice Éboué ne donne pas de réponses toutes faites (en particulier vis-à-vis de sa dernière scène), ne pousse pas son concept dans ses derniers retranchements, mais tient sa proposition avec un tempo comique plutôt admirable, et une acuité globale pour ce qui est de synthétiser les maux de son époque. Pas mal du tout !
Gérald le Conquérant sortira au cinéma le 3 décembre 2025
avis
Fabrice Eboué signe son meilleur film avec ce Gérald le Conquérant aussi tordant que libre dans sa manière de tordre les problématiques socio-culturelles contemporaines pour en faire une farce à l'humour noir bien digéré. Une bonne pioche tout simplement !

