Avant tout autre mot, il convient de poser les bases de notre relation avec Détective Conan ou Meitantei Konan dans sa version originale. Nous ne lisons ni le manga ni ne suivons l’animé et même si nous nous sommes mouillés la nuque avant la projection et que quelques connaisseurs ont pu nous en dire plus sur la discipline, nous ne connaissons que de très loin le manga de Gōshō Aoyama. Partant de là, quel est donc notre avis d’ignare sur l’épineuse question Detective Conan : The Scarlet Bullet.
Détective Conan : La balle écarlate dans sa traduction française de la traduction anglaise… Passons, est le 24e film canonique Detective Conan et spécificité de ce dernier-né, il est le premier à arriver dans les cinémas français – bon là c’est un peu la daube, mais vous voyez l’idée.
Scénarisé par Takeharu Sakurai – dont c’est le cinquième film malgré le fait que tout le monde semble s’accorder à penser qu’il fait un très mauvais scénariste – et réalisé par Chika Nagaoka – dont c’est le premier film en tant que réalisateur sur la licence – Scarlet Bullet est-il une bonne expérience de cinéma ? Rien n’est moins sûr.
Detective Conan à un train d’avance
Si c’est bien le premier film Conan à débarquer dans les salles françaises, on vous prévient tout de suite, il ne s’agit pas d’une introduction à son univers. Si le film tente bien le temps d’un générique d’expliquer quelques bases, cela ne vous sera pas suffisant. L’effort est là, mais un peu vain, l’infographie est peu claire, un personnage est présenté deux fois, c’est un peu le cafouillage, donc ne comptez pas dessus pour rentrer dans l’eau du bain. Les seules choses que vous risquez de comprendre sont finalement celles que vous compreniez déjà.
Surtout que même quand il s’agit de sa propre intrigue, le film a du mal à tout rendre limpide. La faute à une première moitié de métrage qui enchaîne exposition sur exposition suivie d’une seconde moitié plus énervée aux quelques faux-semblants. En découlent des scènes d’actions aux scripts et aux enjeux un peu confus, pas toujours, heureusement, mais assez par exemple pour venir noircir le segment central du film.
Si on reste sur un format d’OAV assez classique, avec des enjeux posés au début du film résolus à la fin, il est clair que toute une couche délectable et certains points de récit passeront totalement au-dessus d’un nouveau venu. À moins que vous ne comptiez au préalable vous manger une bonne vingtaine de chapitres – MINIMUM – du manga, on vous conseillera d’éviter la séance. Surtout qu’il existe bien des soucis de rythme et d’exposition propres à l’histoire du film prise indépendamment.
Détective et magicien
On retrouve tous les poncifs de ce genre de production, les trucs à la Insaisissables, de ces plans qui sortent du chapeau et de ces films qui font exprès de garder une longueur d’avance sur le spectateur pour multiplier les effets de manche. Alors ce n’est évidemment pas aussi casse-pied ici que dans les films de “magiciens” susmentionnés, mais on retrouve bien toute cette construction en deux ou trois temps. On a des choses expliquées en 3-4 fois, beaucoup de dialogues explicatifs et dans l’ensemble, un film d’animation qui semble constamment obligé de réexpliquer tout ce qui vient de se passer tant certaines pièces sont cousues de fil blanc.
Si on a bien conscience qu’il y a là-dedans des soucis inhérents à son genre, au Shōnen, voire à l’animation japonaise en général, il en reste que nous n’avons pas trouvé l’écriture propre de l’intrigue vraiment intéressante. Une sensation en rien désamorcée par un film qui, non content d’avoir été un énorme épisode filler de presque 2 heures, se termine sur l’annonce d’une suite déjà programmée pour 2022. Que ce soit ça ou les dialogues d’expositions à rallonges, c’est assez inhérent à Conan en général finalement. La question est donc de savoir quel genre de spectateur êtes-vous.
La mise narrative sauvée
Là où le film est narrativement beaucoup plus en sécurité par contre, c’est sa galerie de personnages. Il sait rendre chacun d’eux immédiatement sympathiques, l‘alchimie est toute droite héritée de son matériel de base et l’on sent le passif qui les lie.
Pour rester sur ses personnages, on notera aussi une belle répartition des rôles, même si certains sont éclipsés – coucou les Detective Boys – le tout se fait de façon assez naturelle et pour donner de la place à d’autres. Vu le nombre de personnages, l’équilibre du temps d’écran est plutôt réussi, tous ont le droit à leur petit moment, bref c’est dans la bonne lignée de ce qu’on peut attendre de ce genre d’anime.
Formalité et formalisme
Formellement, il n’y pas grand chose à dire sur Scarlet Bullet. Même si le tout est loin d’être fauché, l’animation reste assez statique et très utilitaire dans ses efforts. On y retrouve aussi toute cette 3D fâcheuse, particulièrement pour rendre les véhicules, ce qui donne des courses-poursuites très molle, en plus de largement dénoter. Le film ne semble en plus pas vraiment s’en cacher, allant jusqu’à servir des plans larges où toutes les failles de la 3D apparaissent au grand jour. Son utilisation, même sporadique, entache une animation qui pour le reste est réussie bien qu’assez quelconque au final.
Le rythme du film est assez bâtard. On se retrouve avec presque 50 minutes de narration très bavarde en entrée, presque trop dense qui enchaîne sur 50 minutes de courses-poursuites mollassonnes en comparaison. La seconde moitié aurait pu être largement écourtée. Surtout que le film n’a encore une fois quasiment aucune idée formelle. L’animation sert la soupe, mais n’augmente jamais le récit au-delà de quelques effets classiques, mais à l’efficacité prouvée cela dit. Heureusement que le Charactere Design vient parfois apporter du piment dans une image qui sans cela manquerait totalement de folie. Y’a bien cette histoire de train à grande vitesse, mais même là, ça manque de gourmandise dans la mise en image.
C’est assez compliqué de se positionner par rapport à ce Detective Conan, si on le déconseillera évidemment aux nouveaux venus et que l’on s’accordera à penser qu’il n’y a formellement rien à se mettre sous la dent dans ce qui reste un gros OAV, est-ce de toute façon vraiment le postulat de ce genre de production ? Comme l’écriture dont certaines ficelles ressemblent aux plus vieilles cordes du genre, comme ses poncifs dramaturgiques récurrents et à bout de souffle, est-ce de toute façon là qu’il faut regarder ? Parce qu’à la vue de tout ça, on pourrait acter que Detective Conan : La balle écarlate est un plutôt mauvais film, rien d’indécent, mais formellement loin d’être un film de cinéma. Qu’en est-il cependant de sa valeur d’OAV fortuné, comment s’inscrit-il dans le manga et que propose t-il sur ses personnages ?
La vraie question est de savoir si, à défaut de renouveler le genre, se renouvelle-t-il dans sa propre mythologie. Tristement, nous n’avons pas de réponse à cette question, nous n’avons pas les connaissances pour établir ce qui pourrait être un avis pertinent sur se point pourtant central. Aux gens comme nous, on déconseille le film, aux convaincus, on les laisse aller se convaincre. Plus que ça, la team Lupin III vous souhaite même un bon film.
Edit : pour bien aborder le film vous pouvez aussi suivre les conseils de Groudonvert en commentaire et vous tourner vers l’épisode spécial « Episode One » si vous n’avez pas peur des spoils.
2 commentaires
En vrai, pour entrer dans la série un minimum avant de voir le film, vous pourriez conseiller de regarder l’Épisode One, c’est un épisode spécial d’une heure qui reprend l’intrigue du premier épisode tout en l’étoffant et en montrant tous les personnages apparus plus tard dans l’intrigue (par contre c’est un énorme nid à spoiler), ça permet de se faire une meilleure idée de l’univers plus que de lire le début de l’intrigue (d’autant que les quatre personnages centraux du film (la famille Akai) sont profondément liés à l’intrigue actuelle du manga).
Merci du conseil, j’ai ajouté un EDIT en fin d’article dans ce sens !