Culte s’avère être une réussite comparable à celle de Dix pour Cent, à la grande différence que les coulisses de la mise en chantier du Loft Story s’avère quant à eux glaçants.
Culte s’avère être l’excellente surprise télévisuelle de cette fin d’année. Alors que l’on en attendait plus de l’adaptation hexagonale de Zorro portée par Jean Dujardin et lancée en grande pompe sur Paramount +, c’est finalement rapidement vers une série dédiée à la création du Loft Story, produite par l’une de ses créatrices, et diffusée sur Prime Video que notre cœur a balancé. Tandis que l’une s’échigne à nous rejouer les mêmes mimiques et répliques d’un héros et d’un acteur condamnés à une sempiternelle redite, l’autre s’attèle à nous dépeindre les derniers instants d’un paysage télévisuel vieillissant repris en main par une jeunesse prédatrice et d’un concept qui allait bientôt se répandre en tout autant de monstrueuses et interminables mutations.
Projet de cœur, développé sur une dizaine d’années par Nicolas Slomka et Matthieu Rumani, auteurs dont on a pu admirer le travail sur le récent Les Barbares, Fiasco, et les deux dernières saisons de Family Business, Culte (d’abord mieux baptisée Trash) s’entend ainsi dépeindre les coulisses de la première émission de télé-réalité française. De s’intéresser non pas à ce que des millions de français ont vu, mais aux coulisses de ce spectacle d’un genre nouveau qui allait marquer à sa façon son époque et bouleverser à tout jamais la vie de sa gagnante, et de tout un paysage audiovisuel qui n’allait alors jamais s’en relever. Ce qui est ainsi le plus surprenant dans Culte, ce n’est pas sa réussite, sa formidable efficacité, ni sa merveilleuse écriture et interprétation, mais bel et bien qu’Alexandra Laroche-Joubert, l’une des responsables d’une telle monstruosité, en ait accepté la production avec une certaine fierté.
Glaçante réalité
Culte joue ainsi habilement avec la réalité. Malgré quelques changements d’identités (Alexia Laroche-Joubert devient par exemple Isabelle de Rochechouart) et l’invention de quelques personnages, les noms de chaînes et autres personnalités sélectionnées pour participer à l’émission demeurent à l’identique et la série de Nicolas Slomka et Matthieu Rumani peut ainsi aborder de front une glaçante réalité. Culte évoque ainsi rapidement Dix pour Cent, à cela de près que le glamour a ici troqué sa place pour l’avidité, la manipulation et le profit. Dotée d’une écriture et d’une interprétation diablement efficaces, les six épisodes de cette première saison se dévorent ainsi avec fascination et un dégoût grandissant.
Le vide télévisuel proposé se voit ainsi ponctué par des manœuvres et tractations politiques intenses, ici décortiquées avec autant de minutie qu’une série telle que Baron Noir. Parce que Culte, si elle possède d’immenses qualités, n’a rien dans le fond pour elle que sa peinture noire d’un paysage audiovisuel bien peu reluisant. L’étonnement, au-delà des immenses qualités de la série, demeure ainsi dans sa véracité, conférant à tous ces rebondissements quelque chose de désagréable, qui s’ils avait été pure fiction, n’auraient pu demeurer que fascinant, prenant ici parfois une tournure plus que sordide.
Au fond de la piscine
Ainsi, si Culte s’avère aussi juste, actuelle, addictive et désespérante, c’est, en plus de son écriture précise et de la réalisation dynamique de Louis Farge, grâce à ses fabuleux interprètes. Anaïde Rozam, César Domboy et Sami Outalbali s’avèrent géniaux, mais la véritable révélation repose sur le visage et l’interprétation troublante de vérité de Marie Colomb. À elle seule, et en une poignée de scènes, la jeune actrice, en plus de livrer une prestation merveilleuse de la triste destinée de Loana, illustre à merveille toute la dualité de cette série et de tout le projet du Loft Story : d’un projet faussement neuf et populaire, mais tristement manipulateur et mercantile.
L’intelligence d’écriture et la vision assurée de Nicolas Slomka et Matthieu Rumani fait ainsi le choix judicieux de ne jamais en tirer un regard enamouré, en forme d’hommage ou de relecture nostalgique d’une époque fantasmée, mieux : en se positionnant en fins observateurs des coulisses, les deux auteurs livrent une série addictive sur un programme vendu et produit telle une nouvelle drogue. Et dépeint ainsi ses producteurs comme des trafiquants de cerveaux, que ce soit ceux du publics ou de ses candidats, avides de toujours plus de profit, de manipulation et surtout de fourberie pour avoir eux aussi, leur triste quart d’heure de gloire.
Culte est disponible sur Prime Video.
Avis
Culte s'avère être une étonnante et passionnante réussite. En se positionnant en fins observateurs des coulisses de ce triste spectacle, les deux auteurs livrent une série aussi addictive et écœurante que le programme qu'il s'entend traiter, porté vers le haut par une écriture précise et de fabuleux interprètes.