Clôture de l’amour aborde la violence de la rupture amoureuse. Une performance pour deux acteurs présentée au Théâtre de l’Atelier jusqu’au 11 novembre 2024.
Debout dans une salle de répétition, Stan et Audrey s’affrontent, face à face : les mots deviennent des haches qui transpercent les poitrines. Ils ont été un couple, Stan a aimé Audrey mais cet amour n’est plus. Alors Stan nous offre une Clôture de l’amour, déversant sur l’être désaimé son amertume et sa rancœur. Les mots sont crus, et Audrey les subit pendant une heure, absorbant chacune de ces paroles jusqu’à l’instant où Stan a “fini, [où il a] tout dit”. Pour Audrey “c’est très bien”, c’est le moment opportun pour prendre enfin la parole. Elle déverse alors sa tristesse et son désarroi, entre en guerre avant de se retirer du conflit.
Deux monologues en miroir
Clôture de l’amour est un texte écrit par Pascal Rambert pour Stanislas Nordey et Audrey Bonnet. Deux monologues qui reflètent le jeu des comédiens, spécialement écrits pour entrer en résonance avec leurs corps et leurs voix. Pensés en miroir, ces deux faces d’une même pièce se complètent et se parachèvent, amenant le spectacle vers une fin inéluctable. Audrey et Stan, Stan et Audrey. En reprenant leurs véritables prénoms, Rambert identifie ses personnages à leurs interprètes et crée le trouble : Audrey et Stan sont réels, mais de quel amour le spectacle est-il la clôture ?
Face à face, aux deux extrémités du plateau, Stan et Audrey se regardent. Stan est rude, violent, brutal, les mots qu’il décoche sont froids et austères. Il prend un malin plaisir à lui faire mal, ne la laissant pas s’apitoyer sur son sort. « Tiens-toi droite ! » lui répète-t-il souvent avant d’enfoncer un peu plus sa lame dans le corps tremblant d’Audrey. Elle reste là, figée, les pieds ancrés dans le sol, le corps raidi et blessé. Elle saigne et encaisse chacun des mots. Jusqu’à ce que…
… Jusqu’à ce qu’Audrey prenne la parole à son tour. L’unilatéral devient alors bilatéral, Audrey contre-attaque en reprenant chacun des arguments de Stan pour les détruire en les tournant en dérision. La rationalité cède le pas à l’émotivité : l’intériorité d’Audrey saute au visage de Stan. Maintenant qu’il la mise à nu, Audrey peut le faire plier et Stan se recroqueville, totalement incapable de soutenir son regard.
Le texte de Pascal Rambert est magnifiquement construit, les deux monologues sont pensés comme une seule et même entité qui se regarde. Pourtant, quelque chose manque, cette pointe d’émotion qui touche en plein cœur le spectateur : le texte peine à nous émouvoir. Face à Stan et Audrey, face à leur supposé douleur, on ne ressent pratiquement rien, comme si on était extérieur à la scène, placé derrière une vitre hermétiquement close. D’un côté Stanislas Nordey propose un jeu qui manque de nuances ; de l’autre, Audrey Bonnot est dans l’excès. L’un comme l’autre créent une distance avec le public, et bien qu’ils soient entièrement dans leur rôle, leur interprétation ne nous prend pas à partie.
Des corps en performance
Clôture de l’amour s’apparente à une performance des corps, notamment pour la comédienne Audrey Bonnot – récompensée pour ce rôle du prix de la meilleure comédienne du palmarès du théâtre. Audrey vit dans son corps les mots qui impactent considérablement ses gestes et expressions. Elle se referme, s’écroule, se tend, parle avec ses bras, ses mains, son torse. Son jeu, bien que régulièrement trop dramatique et surjoué, exprime une palette d’émotions diverses. Sa voix grave se teinte parfois d’exclamations aiguës, les phrases s’enchaînent rapidement. Audrey interprète viscéralement le texte, jouant sur la prononciation, accentuant certaines syllabes, jusqu’au silence.
Clôture de l’amour a reçu un immense succès, se jouant en France depuis sa création en 2011 au Festival d’Avignon. Il manque pourtant à ce spectacle une certaine vitalité : les mots et le jeu des comédiens ne suffisent pas à transmettre toute l’ampleur d’une telle rupture.
Avis
Clôture de l'amour est une performance portée par deux acteurs. Un texte construit en miroir qui décortique le moment de la rupture. Un spectacle magnifiquement construit qui manque pourtant d'émotivité et d'intensité. On reste trop en dehors.