Le pilote nous était sympathique, la suite de la première saison de Clarice s’est confirmée comme un spin-off intéressant, à défaut d’être révolutionnaire.
Encore traumatisée par sa rencontre funeste avec Buffalo Bill, Clarice Starling essaye de se remettre en traquant un autre tueur en série. Diffusée sur Salto chez nous et sur CBS outre-Atlantique, la série dérivée du Silence des Agneaux se retrouve donc orpheline de son fameux cannibale puisque les droits de ce dernier appartiennent à la MGM (dont maintenant Amazon Studios), l’occasion pour la jeune agente du FBI de s’émanciper de l’ombre de son célèbre psychiatre.
Ainsi, Alex Kurtzman, l’homme à tout faire de CBS depuis le développement de toutes les itérations télévisées de Star Trek, de Discovery à Picard, se frotte donc à l’emblématique personnage féminin en tentant, avec l’aide de la fille du grand Sydney Lumet, de lui offrir des aventures singulières. Si l’initiative est louable, quoique potentiellement peu nécessaire, on s’est laissé emporter par cette version feuilletonnante, gentillette.
Les origines du Mal
Déjà, on note évidemment l’attention portée par la série pour faire des enquêtes de Clarice la digne héritière de l’esthétique visuelle des différentes adaptations des personnages de Thomas Harris. Ainsi on retrouve les enquêtes crasses teintées de bleu métallique des films, un ton aseptisé pour coller à l’aspect rétro des années 90 où les talkies walkies remplaçaient difficilement les smartphones tandis que le fax et autres Minitels assuraient tout le soutient informatique auquel pouvait aspirer nos policiers destinés à faire marcher leurs méninges et à arpenter le bitume. De plus, Clarice essaye de se rapprocher de la série Hannibal dans des exemples criants d’un mimétisme visuel quand les close-ups et ralentis en macrophotographie finissent d’apposer un filtre doucereux et glauque à une série très référencée.
Ainsi, les affaires semblent former un paysage bouclé, avec un cas par épisode, mais l’ensemble finit inévitablement par former un puzzle plus adéquat qu’un schéma morcelé, le tout pour mettre davantage l’accent sur la réelle force du show, son analyse des traumatismes et séquelles psychologiques. Notre Clarice souffre de stress post-traumatique dont elle n’aura, sinon de cesse d’essayer de se guérir, au moins l’intention de comprendre et d’isoler les éléments susceptibles de l’induire dans une peur panique de tous les instants. Flashbacks incomplets, jump scares psychédéliques à base de papillons, cette intrigue déconstruite est finalement la fascinante plus-value de cette série qui à de nombreux égards parait très intimiste. D’autant plus quand le show fait de Catherine, la fille de la sénatrice, le parfait reflet de la folie induite par le trauma du kidnapping de Buffalo Bill. Une plongée dans le puit, assourdissante, immuable image de la propre psyché de notre protagoniste.
Par ailleurs, le show évoque également nombre de discours sociaux qui résonnent assez bien. De son propos sur la ségrégation raciste en milieu professionnel, la série aborde aussi la notion de liberté sexuelle et de genre de façon pertinente. Enfin, c’est avant tout un féminisme appliqué dans une intrigue exposant un patriarcat accablant qui est ici plébiscité et ce en opposant la petite stature de Rebecca Breeds, remarquable dans le rôle de Clarice, aux menaces masculines incommensurables. D’agréables ajouts narratifs qui cependant tentent un peu facilement de cacher la misère scénaristique de la série, à la lenteur éléphantesque incroyable.
Sous prétexte de dresser un portrait fragilisé, Clarice s’offre des digressions qui n’en finissent plus. Des états d’âmes et des morceaux de psychologies de comptoir trouvent en l’éternelle colocataire la parfaite épaule sur laquelle notre héroïne se reposera et se confiera dans d’interminables introspections personnelles. Certes on apprécie de voir un personnage s’interroger, mais de là à nous rabâcher trois fois par épisodes des plots twists assez prévisibles, on dit non. Surtout quand l’intrigue finale repose évidemment sur l’eugénisme inspiré du régime nazi, soit le point Goldwin ultime des scénaristes de thriller en peine.
Bref, on termine assez brutalement sur des points qui finissent par ternir l’image qu’on affiche de cette Clarice télévisée, mais qui reste néanmoins un produit tout à fait honnête, agréable, mais qui ne casserait pas cinq pattes à un agneau.