Kelly Reichardt revient avec The Mastermind, présenté en Compétition au Festival de Cannes ! La réalisatrice de First Cow et Wendy & Lucy signe un anti-film de casse à la fois singulier et étonnamment décevant.
The Mastermind est le tout dernier film de Kelly Reichardt, cinéaste assez peu connue du grand public étrangement, alors qu’on lui doit deux décennies de récits sensibles comme le western La Dernière Piste, le rural First Cow ou bien l’aérien Showing Up. De retour sur la Croisette, la réalisatrice abandonne son Oregon fétiche pour le Massachusetts des années 70.
Josh O’Connor (Challengers, The History of Sound) incarne JB Mooney, un père de famille sans particularité : un everyday man à la situation stable, mais qui a la particularité de se reconvertir dans le vol d’art ! Et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agit du vol de peintures dans les musées des environs, avec quelques autres lascars à la petite semaine.
Qui vole un œuf ne vole pas de bœuf
The Mastermind est ainsi un titre astucieux, jouant avec le côté amateur du protagoniste. Nous sommes donc loin des professionnels à la Ocean’s Eleven, tandis que l’identité pastorale et minimaliste de Reichardt est à nouveau de la partie. Cela tombe bien, le charme opère dès la séquence d’intro sans réel dialogue et porté par la photographie automnale, où Josh O’Connor fait diversion en compagnie de sa femme (le retour d’Alana Haim après Licorice Pizza) et leurs enfants.

Toute la première heure qui s’ensuit tient donc le contrat initial dans un savant mélange de tendresse et d’humour pince-sans-rire. Le récit embrasse ainsi une quotidienneté pittoresque de le Côte Est des USA, où la classe ouvrière est dominante à l’écran (chose qui a complètement disparu du cinéma américain moderne, mais qui faisait la sève de celui du Nouvel Hollywood).
Ce faisant, The Mastermind prend le contre-pied d’un Thomas Crown ou Topkapi, accentuant l’ironie ritualiste d’un voleur en apparence méthodique, mais incapable de pleinement contrôler chaque paramètre impactant la réussite ou l’échec de son coup. De l’anti-Michael Mann en somme, et qui se veut curieusement ludique dans sa première heure.
Un équilibre tenu avant l’abandon
« Curieusement », car Kelly Reichardt réussit un équilibre entre banalité du quotidien et poncifs du film de casse : repérage, briefing, fuite, dissimulation d’objets (cette scène en temps réel où Josh O’Connor monte dans la grange)…. Tout est orchestré en décalage via la sensibilité de Kelly Reichardt, qui laisse souvent les séquences s’étirer pour mieux faire ressortir l’ironie du sort réservé aux personnages.
Mais point de film à la Coen où les losers sont magnifiques, The Mastermind conserve une tonalité neutre dans le déroulé de son canevas. Une trame simple, mais ludique, tournant rapidement à un jeu du chat et de la souris. Problème : la 2e portion du métrage ne parvient pas à renouveler une mécanique dont le tempo humoristique ou dramatique devient complètement congru à mesure que le film avance.

Comme si Kelly Reichardt ne savait pas où amener son personnage au-delà d’une heure rondement menée dans sa rythmique pépère. Pourtant, la réalisatrice ancre son histoire dans un contexte fort, celui de l’émergence des mouvements de libération des femmes et ceux contestant l’implication des USA au sein de la guerre du Vietnam.
Et excepté un final plutôt bien tenu (et à l’issue peu surprenante), tout cela ne reste qu’en nappe de fond. On appréciera l’arrivée de Joe Magaro, mais celle-ci se fait au détriment d’Alana Haim, complètement évacuée de la trame à mi-parcours. The Mastermind donne ainsi une impression bicéphale (au mieux), et brouillonne (au pire). Reste un Josh O’Connor toujours aussi bon, mais l’impression d’arrêt au milieu du guet subsiste…
The Mastermind sortira au cinéma en 2025. Retrouvez tous nos articles du Festival de Cannes ici.
avis
Malgré le charme de son interprète et d'une première heure bien équilibrée dans sa tonalité, The Mastermind tombe à plat dans une 2e heure n'exploitant jamais ses personnages ni son contexte historique évocateur. La tendresse habituelle de Kelly Reichardt rend le visionnage agréable certes, mais au détriment d'une intrigue minimaliste rapidement rachitique.