Annie Colère fait le portrait d’un engagement lumineux et d’une émancipation contagieuse traités avec sensibilité et une infinie justesse.
Annie Colère suit de près les sorties du tendu et très fort L‘Évènement et du plus dispensable et surgonflé Simone, le voyage du siècle. L’avortement et l’émancipation des femmes trouve ainsi avec le film de Blandine Lenoir son pendant le plus engagé, et étonnamment le plus bienveillant et le plus lumineux. Cette dernière, déjà auteure du superbe Aurore, portrait de femme pétri de délicatesse porté par une impériale Agnès Jaoui, s’adjoint ici la plume intimiste d’Axelle Roppert pour un hommage sensible à des pionnières et le portrait d’une femme qui s’émancipe de sa condition, portée par une magistrale Laure Calamy, ici entourée d’un casting non moins épatant.
Les Invisibles
En février 1974, un mois avant la Loi Veil, Annie (Laure Calamy) est ouvrière. Elle confectionne des matelas, et son rôle se voit surtout cantonné à celle d’une femme invisible parmi tant d’autres, rentrant seule la nuit sur son vélo pour s’occuper de ses enfants et écouter les exploits de son mari. Prise d’une grossesse non désirée, elle rencontrera les femmes du MLAC (Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception) et trouvera en elles l’engagement qui changera sa vie. Malgré la violence la situation, le scénario de Blandine Lenoir et d’Axelle Ropert choisit ainsi la voie de la bienveillance.
Sous forme d’hommage enamouré à toutes ces femmes, résistantes engagées comme étouffées par un sentiment de culpabilité, Annie Colère choisit ainsi la voie lumineuse d’un combat mis en scène dans l’écoute et la tendresse. Une prouesse épatante qui sait saisir toutes les nuances de personnages fabuleux, avec en tête la révélation Rosemary Standley (également chanteuse du groupe Moriarty), bénévole toute en grâce à la voix d’ange. Bien au-delà des chiffres tragiques de victimes d’avortements clandestins, Blandine Lenoir y choisit le bouleversement intime suscité par l’engagement, l’entraide et la sororité.
Luttes quotidiennes
Annie Colère est ainsi un film qui fait un bien fou. Le long-métrage observe avec une infinie justesse des voix étouffées qui se font peu à peu entendre et fait écho à l’autre film important sur une parole qui se libère avec le récent She Said. Le portrait d’Annie, ici volontairement sans nom de famille, se fait le porte-étendard de beaucoup d’autres. Des femmes invisibilisées, dont la parole et le combat se voient réduits au silence où sujet à l’hilarité, dont l’engagement est ici mis en scène avec une précieuse intimité. Il en résulte ainsi l’impression d’une sensibilité à fleur de peau qui font d’Annie Colère un film tout bonnement indispensable.
Indispensable, car il choisit de répondre à la violence d’une société patriarcale, et de tout une époque par la voie de l’engagement et de l’union. Du combat de nombre de femmes, dont le sexe était déjà synonyme d’une lutte quotidienne, ici transposés dans un film à la fois noble et délicat. On passe ainsi du sourire tendre, aux larmes salvatrices et devant l’impuissance d’un pouvoir public sourd, Annie Colère met en scène la fièvre de l’engagement avec une délicatesse qu’on oublie trop souvent, et dont le discours aurait le mérite d’être réentendu et réévalué. Annie Colère avec ainsi beaucoup de grâce, de sagesse, et surtout d’amour.
Annie Colère est sorti le 30 novembre 2022.
Avis
Annie Colère est un film précieux. Le film de Blandine Lenoir déjoue la gravité de son sujet dans une approche tendre et délicate, en forme d'hommage enamouré à des femmes pionnières dont le combat injustement invisibilisé prend ici toute sa grâce. Annie Colère est ainsi un projet à l'émancipation contagieuse et salvatrice, dont le discours se fait à la fois intemporel et indispensable.
Un commentaire
Bravo à la critique de Quantain, toute en finesse et en sensibilité.