Les documentaires ne sont pas les films les plus attendus au Festival de Cannes – il suffit de regarder le nombre de personnes dans la salle – néanmoins il serait triste de se priver de All that Breathes, une œuvre touchante et particulièrement esthétique.
C’est l’histoire de deux frères qui tiennent une minuscule clinique pour oiseaux dans leur cave. Ils soignent plus spécifiquement un type de rapace dénommé le milan dont la population à New Delhi est conséquente. Étant donné que ce sont des prédateurs – donc non végétariens – ils ne sont pas toujours soignés et pris en charge par la population hindou. Le cinéaste indien Shaunak Sen suit ses personnages et leur quotidien pendant de nombreux mois pour livrer un récit des plus sincères.
la société indienne vue par le regard de l’homme et des rapaces
À travers ce portrait intime d’une famille et de ses « patients », c’est le portrait de toute une société qui se dessine sous nos yeux. La faune erre à travers les déchets humains et se nourrissent de ceux-ci. Ils subissent la pollution aberrante qui étouffe Delhi, mais étrangement survivent et se développent. On est scotché à nos fauteuils en découvrant la vie de toutes ces créatures qui parcourent la ville : singes, vaches, chèvres, rats, moustiques et escargots qui sont présents sans qu’on ne leur prête plus d’attention que cela. Comme le dit si bien l’un des deux frères dans le film : ils ne font que mettre un petit pansement sur une plaie béante. À leur échelle, ils savent qu’ils sont utiles, mais le problème est plus grand.
Ce constat quelque peu amère n’en cache pas moins une note d’espoir. C’est par le biais de personnes qui dédient leur existence à sauver celle des autres qu’on peut garder foi en la société. Qu’importe les labeurs, le manque d’argent, les problèmes de matériel qui tombent tout le temps en panne parce qu’usés jusqu’à la moelle… L’humain avec sa détermination peut tenter de soigner un monde dont il est lui-même le virus.
Décrochage de rétines à répétition
All that Breathes nous rappelle que l’image documentaire n’est pas synonyme d’images basiques et sans grands intérêts. Bien au contraire, on est face à un film qui montre encore à quel point la plus cinématographique des images est la réalité elle-même. Le cinéaste accorde une importance des plus remarquables à chaque composition, chaque captation de la lumière et de la vie. Dès la première image (un plan séquence somptueux), on sait qu’on a affaire à un parti pris esthétique fort, quitte à masquer dans un premier temps l’écriture documentaire dernière une narration assez proche de la fiction. On est viscéralement happé par ce monde qui est sensible et que l’on pourrait toucher (avant de se faire agripper par la sécurité et éjecter de la salle).
Le film se révèle donc comme un documentaire très réussi avec une esthétique remarquable, ce qui ne dessert pas l’aspect réel du récit. On gardera en tête de nombreuses images, mais avant tout on se souviendra de cette leçon d’humanité pour tous les êtres qui nous entourent.
All that Breathes est présenté en séance spéciale au Festival de Cannes 2022.
Avis
Ce documentaire avec son sens esthétique incroyable et son humanisme de tous les instants inspire le respect. Une très belle œuvre qui nous ouvre les yeux sur le monde et les êtres qui nous entourent.