After the Hunt est le nouveau film de Luca Guadagnino (Call Me By Your Name, Challengers) présenté en Compétition à la Mostra de Venise. Doté d’un casting de talent (Julia Roberts, Andrew Garfield, Ayo Edebiri), le résultat est malheureusement entaché par un script dévitalisé de tout mordant.
After the Hunt est forcément un petit évènement en soit, étant donné qu’il s’agit du nouveau film de Luca Guadagnino ! Le cinéaste italien s’est très rapidement imposé sur la scène internationale via Call Me By Your Name, puis les réussites que furent Bones and All et Challengers. Et après l’intimiste Kafkaïen qu’était Queer l’an dernier, Guadagnino est à nouveau revenu à la Biennale
Fin de chasse
After The Hunt fait penser à un remake de La Chasse de Thomas Vinterberg via ses simples prémices initiales : le récit se déroule en 2019 à l’université de Yale, au sein d’un milieu de professeurs et étudiants en philosophie. Alma Imhoff (Julia Roberts) est une doctorante à succès qui revient après une période de soins médicaux, et organise un dîner mondain aux côtés de son mari psy Frederik (Michael Stuhlbarg).

In fine, son ami (et ex-amant) Hank (Andrew Garfield) quitte la soirée avec leur élève Maggie (Ayo Edebiri). Le lendemain, cette dernière confesse à Alma que Hank l’a agressée sexuellement. Hors, ce dernier rétorque que ses accusations sont fausses, uniquement motivées par une contrariété en lien avec un examen frauduleux. Tiraillée entre ses deux opinions, Alma doit trancher.
Ambiguïté mal dosée
After the Hunt pourrait s’apparenter un thriller universitaire à la Hitchcock saupoudré de Woody Allen (le générique d’intro est évocateur), dans l’ère post-MeToo. « Post » car, la scénariste Nora Garrett s’inscrit délibérément dans une zone de gris, où la vérité n’est pas nécessairement celle de la personne accusatrice, voire ne propose aucune réponse binaire. Une profession de foi audacieuse dira-t-on, d’autant que le récit nourrit sur toute sa durée une réelle ambiguïté censée questionner le spectateur, et bien sûr Alma.
Hors, After the Hunt délaye constamment son intrigue au profit d’un suspense crapoteux. En voulant contrebalancer les hypothèses (fausse ou vraie accusation ?), le métrage ne tranchera jamais réellement, mais pire : passée son amorce, l’histoire n’apportera que peu de nouveaux éléments censés nous faire fléchir vers une des deux pistes.

Il faudra donc se coltiner des témoignages plus ou moins crédibles des personnages intéressés, entrecoupées de scènes de vie nous immergeant dans la peau d’Alma. Le film ne se mouille pas, et reste donc étonnamment superficiel dans le traitement chaste de son sujet hautement sulfureux. C’est bien dommage, tant on a l’impression d’un premier jet de scénario alors que le film bénéficie des qualités habituelles du cinéma de Guadagnino.
Guadagnino en zone grise
Cinéaste du solaire, le réalisateur italien semble revenir sur les traces de l’ambivalent remake de Suspiria en arborant cette fois-ci un visuel plus sombre prédominant de couleurs froides ou brunes. Pour autant, la photographie de Malik Hassan Sayeed (Ex-Factor, He Got Game) jouit d’un vrai travail dans l’exploitation des ombres. Pas de doute, l’identité de thriller transparaît à chaque plan d’After the Hunt, proposant par ailleurs de sublimes plans de visages qu’un Jonathan Demme ou Barry Jenkins n’auraient pas reniés !
Guadagnino oblige, le réalisateur sait monter une séquence, organiser son tempo, et diriger ses comédiens. Et à ce titre, voir Ayo Edebiri et Andrew Garfield devant sa caméra demeure un vrai plaisir, même ses personnages finalement peu contrastés (et profondément antipathiques) restent peu explorés à contrario du personnage d’Alma.

After the Hunt abandonne donc trop aisément ses pistes narratives, au profit du ressenti expérimenté par une excellente Julia Roberts toute en subtilité. Jusque dans les nuances proposées à travers un simple plissement d’yeux, l’actrice domine l’écran dans un personnage beaucoup mieux construit que l’intrigue dans laquelle elle se trouve.
Script qui tourne autour du pot sans rien dire
Il faudra d’ailleurs attendre les quinze dernières minutes pour qu’un témoignage d’Alma ne vienne éclairer une problématique recontextualisant complètement les enjeux d’After the Hunt : de quoi nous prouver que c’est véritablement cette backstory qu’il aurait fallu exploiter à l’écran ! Enfin, la musique de Trent Reznor & Atticus Ross se révèle encore une fois recherchée, très Hermann-esque dans l’âme dans sa tessiture ambiante… mais contrainte d’être régulièrement placardée dans le but de dynamiser un récit qui ne décollera jamais, et qui ne sait comment traiter son sujet.
After the Hunt n’a pas de date de sortie pour le moment
avis
After the Hunt est le grand faux-pas de la carrière de Luca Guadagnino. La faute à un script cultivant une ambiguïté et un sur-place certes pertinent pour aborder l'ère post-MeToo, mais qui refuse catégoriquement une construction cohérente de son récit flirtant avec le suspense Hitchockien. Reste heureusement une facture visuelle travaillée, une mise en scène élaborée, un casting impliqué et une Julia Roberts impériale. Dommage que cela soit au service d'un résultat aussi décevant et chaste...

