Kathryn Bigelow revient 8 ans après son incroyable Detroit, avec A House of Dynamite, destiné à la plateforme Netflix. Le passage par la case petit écran aura-t-il été néfaste pour cette grande réalisatrice de cinéma ?
Le synopsis officiel de A House of Dynamite : lorsqu’un missile de provenance inconnue est lancé sur les États-Unis, une course s’engage pour déterminer qui est responsable et comment réagir. On ne peut faire plus efficace pour résumer ce thriller politique comme sait si bien les faire la cinéaste derrière Zero Dark Thirty.

Car d’un point de vue purement formelle, elle continue son exploration esthétique de la mise en scène type documentaire, qu’elle expérimente depuis Démineurs. Une fois encore elle la maîtrise de manière détonante. Alors que ce sont seulement des gens dans des bureaux, elle sait rendre sa mise en scène nerveuse au travers de zoom, caméra portée, gros plans expressifs, sans pour autant tomber dans le piège de la réalisation brouillonne et nauséeuse. (Jason Bourne, on pense à toi). Le découpage est aussi fin qu’une mèche de dynamite, évitant tout didactisme. Il évite la confusion et rythme les scènes d’une tension folle. Le compte à rebours est sous notre siège et on s’en ronge les doigts.
A House of Dynamite tout sur son passage
Le montage de ce film devrait être enseigné dans les écoles tellement il est toujours fluide et rend intelligible le tout malgré la surabondance de personnage, de lieu et de terme technique. Mais au-delà de l’exercice de style, ce choix esthétique retranscrit parfaitement une tangibilité et un sentiment de réel : nous sommes dans les rouages du gouvernement américain, lors d’une situation de crise. C’est comme cela que ça se passe et une fois encore, elle passe sous la loupe les dysfonctionnements du gouvernement américain.
Et c’est par ce biais que le film s’avère payant pour le spectateur. Kathryn Bigelow rend palpable l’inéluctabilité de la catastrophe tout en la confrontant à des choix moraux des plus insolubles. Cet effet appuyée par un Volker Bertelmann en fusion qui nous compose une bande originale crispante, aussi bien par son efficacité folle, que son grand relan d’auto-plagiat de Conclave. On pardonnera tout de même tellement tout cela permet un sentiment de terreur nucléaire tout droit sorti de la période guerre froide ; mais de nos jours. Docteur Folamour n’a qu’à se rhabiller.

Il est bon d’enfin voir un film Netflix d’auteur – dans lequel l’autrice a certainement eu la liberté créative nécessaire pour accepter son passage par le petit écran – qui se donne la peine d’inclure autant son spectateur dans sa volonté de lui faire ressentir des émotions et prolonger de manière cohérente les thématiques déjà abordé précédemment sur la toile. Et non pas un caprice d’artiste tout puissant comme fut les cas de Mank et Roma.
Le film à retardement
Mais c’est malheureusement sans compter sur une goutte qui va quelque peu éteindre la mèche de ce A House of Dynamite. Attention spoiler. Le scénario de Noah Oppenheim s’évertue à s’empêtrer dans un procédé à la Rashômon. C’est à dire chaque acte du film rejoue la même situation, ces mêmes 20 minutes fatidiques avant impact, mais sous différents points de vue. Une intention à la base louable au vue de la multiplicité de personnages qui ont un rôle à jouer dans cette situation de crise.
Mais même si le changement de focalisation offre une vision plus réaliste ; comme chaque segment ne fait pas assez de pas de côté pour offrir de la nouveauté et vu que l’on nous donne pas de nouvelles informations (ou péripéties) lors de ces replays, ces derniers sont dramaturgiquement assez vains. A l’inverse du Le Dernier Duel qui excellait. Et cela n’est pas aidé par le fait que le 1er segment est un chef d’œuvre à lui seul et que les autres n’en sont que son écho.

Une ambition d’exhaustivité qui va enfermer le récit de Bigelow dans un continuel recommencement où au final seule la frustration persiste. Ce sentiment, Oppenheim et sa réalisatrice l’utilise comme fuel pour leur mécanique narrative et garder le spectateur sur la route. Chaque segment se terminant sur la question de “est-ce que le missile a atteint sa cible ? Le président a-t-il répliqué”. Une goupille scénaristique qui finit par lui exploser au visage. Puisque comme le théorisait Hitchcock : “Si la fin échoue, tout le film échoue”. Et une fin il n’y en a pas ici. Ou presque.
En effet, le choix de ne pas faire de fin, est une fin en soi, une intention. Mais lorsque que l’on a joué tout du long avec la frustration, telle un feu d’artifice à retardement qui n’explose jamais, il ne faut pas s’étonner que le spectateur appuie sur le détonateur de la critique lorsque ton point final est en réalité des points de suspension…
La maison de dynamite ou la cabane de pétard mouillé ?
Mais outre cet effet de manche de la frustration, ce refus de fin nuit justement à cette mécanique en trois actes répétés puisqu’ils n’atteignent aucun aboutissement. Et donc appuie leur futilité. En effet, le recadrage sur le ciel et ce qui s’y trouve peut donner une partie de réponse, volontairement ambiguë. Mais pas suffisamment claire pour élever le récit à une dimension supérieure. Par ailleurs, il y a fort à parier que beaucoup passeront à côté du sens de ce plan. Le film aurait donc pu être une bombe, mais les plus stricts diront que c’est plutôt un pétard mouillé. Et on ne pourra pas trop leur en vouloir.
En conclusion, A House of Dynamite est à l’image de ce qui est représenté dans le film : un missile cinématographique, que l’on voit fuser droit au but, nous créant un stress et une angoisse enflammés, grâce à une ingénierie impeccable et aux questions morales qu’il soulève. Mais arrivé à quelques secondes avant la fin de sa trajectoire, on se demande vraiment s’il a bien touché au sa cible, ou non.
A House of Dynamite est à découvrir sur Netflix dès le 24 octobre 2025.
Avis
A House of Dynamite est un film maitrisé par une grande réalisatrice qui continue son œuvre d'autrice. Mais malheureusement handicapé par une mécanique narrative qui ne se justifie pas forcément, d'autant plus par son incapacité à élever le tout dans son absence de fin.

