Pour développer l’univers de Yellowstone, Taylor Sheridan vient de nous offrir la mini-série 1883, en pleine conquête de l’Ouest sauvage.
Peu de temps après la guerre de Sécession, la famille Dutton et un convoi d’immigrés traversent les États-Unis pour rejoindre l’Oregon, accompagnés par différents cowboys. Toujours à même d’étendre l’histoire des personnages de Yellowstone, Taylor Sheridan et Paramount proposent maintenant avec 1883 une mini-série sous la forme d’une anthologie préquelle, pour nous expliquer l’origine de cette dynastie de ranchers impitoyables. Une virée sauvage, joliment mise en boite, mais parfois un peu clichée.
Créée, écrite et parfois réalisée par Sheridan, 1883 recense donc tout ce qui est cher à l’auteur de Sicario ou de Wind River, des vastes paysages immaculés où chevauchent purs sangs et racailles sans foi ni loi, sans oublier d’y inclure un beau message à l’égard des Amérindiens. Un florilège des goûts personnels du cinéaste donc, qui ne peut cependant s’empêcher d’entacher son récit de lieux communs et d’un patriotisme désabusé mais parfois indigent. Mais n’est pas Américain qui veut.
There will be blood
En suivant l’arrière-grand-père du personnage joué par Kevin Costner dans Yellowstone, 1883 revient donc aux origines de la famille Dutton, dans un road-movie d’antan, un western pur jus qui se veut suffisamment réaliste pour nous éclairer sur une facette sombre de l’Histoire américaine. Les comportements de ces voyageurs évoluent au contact des cowboys, bandits et Indiens qu’ils rencontreront alors que le voyage verse progressivement dans le survival brutal. Les européens fraichement débarqués en quête d’une nouvelle vie dans ce nouveau monde, vont en effet tous y passer les uns après les autres, au grès des épreuves apposées par ce pays aride et hostile, qui ne veut pas d’eux. A ce titre, le récit se veut parfois inégal, mais toujours mué par cet esprit de découverte et de sensibilisation à un mode de vie désuet, en communion mais aussi à la merci de la mère nature.
Cette ruée vers les grands espaces permet ainsi de nous montrer les interminables convois d’immigrés venu peupler ce pays désertique, n’hésitant pas à spolier les autochtones de leurs biens, pour essayer d’y installer les leurs. La traversée de rivières en crues, le passage de tornades, de tempêtes de sables ou les morsures de crotales viennent ainsi agir comme autant de rebondissements naturels pour retarder cette entreprise désespérée. Mais si on regarde avec intérêt la dure réalité rattraper cette naïve équipée, on émet cependant des doutes quant à leurs réactions asociales et paradoxalement archaïques face aux cowboys de l’Ouest qui sont d’ailleurs prompts à déblatérer des jugements moraux, parfois plus tolérants que ne le serait un démocrate en pleine campagne électorale. Tous les protagonistes font ainsi preuve d’une humilité et de bons sentiments quelques peu exacerbés, qui tendent à gommer toute aspérité de l’écriture. Les bons et les méchants, en somme. On est loin des zones d’ombres des westerns de Leone ou de Peckinpah.
Les hommes des hautes plaines
Néanmoins, la véritable force de 1883 réside, comme toujours avec Sheridan, dans les relations sociales et les considérations écologiques d’amoureux de la nature. La famille Dutton, dirigée par un Tim McGraw effacé, laconique et bien moins intéressant que derrière son micro habituel, tend pourtant à s’effacer pour laisser la place à une nouvelle génération ou aux anciens. Ainsi c’est la fille, Elsa, Isabel May incroyable de justesse, qui incarne le cœur du récit alors que sa voix off nous guide dans ces étendues désertiques et violentes. Par ailleurs, la caravane est, elle, conduite par le vétéran Sam Elliott et son iconique moustache et si parfois le poids des années pèse sur ses frêles épaules, le bonhomme n’en demeure pas moins ultra convaincant. Un cowboy plus vrai que nature.
De même, nos protagonistes gardent leurs pauvres munitions pour les vraies menaces, comme les bandits de grands chemins, plutôt que de tirer à tout va sur de pauvres Indiens, ici toujours valorisés et porteurs d’un message tragiquement philosophique alors que leur existence même est déjà condamnée. Mais les vraies stars du show demeurent les cowboys véritables qui se contentent de faire honneur à leur nom, en gardant le bétail en parcourant les grandes plaines, à la recherche d’une rédemption silencieuse.
Ainsi, on jouit encore une fois avec 1883 de magnifiques paysages et d’échappées dynamiques qui n’ont d’égales que le discours humaniste émanant de cette avancée inexorable de la civilisation, provoquant encore une fois le conflit immuable entre la nature et l’humanité. Du moins ce qu’il en reste, à l’aube de l’ère industrielle et ce jusqu’à la grande dépression dont traitera la prochaine anthologie sur les Dutton made in Sheridan dans 1932. Affaire à suivre donc.
1883 est disponible sur Paramount+
Avis
Avec 1883, on plonge une nouvelle fois dans l'esprit de Taylor Sheridan qui développe encore un peu plus l'univers de Yellowstone dans un préquel prenant la forme d'une minisérie où la sauvagerie de l'Ouest sauvage aurait cependant mérité un peu plus de nuances sur ses protagonistes un peu lisses.