Congo réunit une partie de l’équipe magique de Jurassic Park pour une version sans les crocs, mais avec beaucoup plus de poils et de peine que son glorieux modèle.
Prenez Jurassic Park, et gardez son auteur, le grand Michael Crichton, sa productrice, l’autrefois acclamée Kathleen Kennedy, et le créateur de ses fantastiques dinosaures animatroniques, le génial Stan Winston. Ensuite, retirez-y à la fois les dinosaures, que vous remplacerez par une poignée d’humains costumés en gorilles, Steven Spielberg, cédant la place à son grand ami et fidèle producteur Frank Marshall, Jerry Goldsmith remplaçant John Williams, et le parc à dinosaures par une jungle artificielle censée se trouver en pleine Afrique Centrale, et vous obtiendrez Congo, ou Jurassic Park en presque pareil sur le papier, mais en ersatz complètement rincé dans la réalité.
Il faut déjà revenir à l’origine du projet, c’est à dire l’ouvrage de Michael Crichton, auteur, scénariste et cinéaste reconnu (réalisateur et scénariste de Mondwest, ayant engendré Westworld, de La Grande Attaque du train d’or, et auteur, entre autres du 13ème Guerrier et de L’Homme terminal) qui avait vendu les droits de son ouvrage avant même d’en avoir écrit une seule ligne (désirant à l’époque retravailler avec Sean Connery), et de cette précipitation qui s’en ressent dans ce qui parait aisément comme son œuvre la plus roublarde. On a ainsi déjà l’impression, à la lecture de Congo, d’un gigantesque gâchis, et d’un brouillon plutôt indigeste, rassemblant nombre de thématiques, de l’informatique à des personnages de scientifiques jetés en plein enfer, d’un certain Jurassic Park, écrit dix années plus tard.
Gare au(x) gorille(s)
Congo, ça raconte quoi ? C’est ainsi l’histoire de Karen Ross (incarnée par la jeune Laura Linney, qui s’en sortira heureusement mieux par la suite), envoyée en Afrique Centrale par son patron afin de récupérer des pierres précieuses, après qu’une équipe sur place ait été mystérieusement décimée, et de celle de Peter Elliot (Dylan Walsh) , menant des études sur le langage depuis plusieurs années avec son gorille Amy, désireuse d’enfin renouer avec ses racines, au cœur des Monts Virunga. Il suffit alors d’un mystérieux financier roumain (Tim Curry, étonnamment lisse) afin de mettre sur pied l’expédition, afin de réunir ces deux personnages, de les perdre dans la jungle congolaise accompagné du guide Monroe (Ernie Hudson, heureusement toujours aussi sympathique) les menant rapidement au milieu des gorilles et, surtout, vers une mystérieuse cité perdue.
Et si l’on devait résumer Congo en vous parlant une fois de plus de Jurassic Park, ce serait au détour d’une réplique frustrée de Ian Malcolm « Auriez-vous projeté de mettre des dinosaures dans votre parc à dinosaures ?« .Parce que si le film de Frank Marshall demeure raté sur quasiment tous les points, il demeure surtout étonnamment chiche en créatures exotiques. On pourrait ainsi (presque) compter sur les doigts d’une seule main l’hippopotame, le petit serpent et les quelques gorilles aperçus au sein de cette aventure qui ajoute l’ennui à tous ses défauts. Et ce n’est donc pas Amy, le gorille domestiquée fumant quelques cigares et dégustant un verre de Martini, qui sauvera la tambouille : incarnée par la pauvre Lorene Noh, elle parvient heureusement à émouvoir quelques maigres instants, au milieu de décors jamais dépaysants, et d’humains déguisés en gorilles que l’on cherche le plus souvent à dissimuler.
Gori-naze
Exit les dinosaures, la menace sera donc gorille, mais ne sera surtout pas. Parce que le talent immense de Stan Winston n’y pourra rien : ses gorilles se révèlent ainsi aussi grossiers qu’inexpressifs, et on ne croit jamais vraiment en leur menace, surtout lors d’une invasion finale où l’on semble tenter de nous les cacher dans l’ombre, les costumes se révélant presque au grand jour dans une grotte toute rouge. Parce que si Frank Marshall rêvait de créatures entièrement numériques, la qualité des poils ne faisant pas encore le poids, il a alors fallu créer des panoplies à différents acteurs, la photographie d’Allen Daviau et les décors de J. Michael Riva ne parvenant cependant jamais à créer l’illusion. Ainsi, ce seul argument un tant soi peu excitant de ce film d’aventure au scénario, personnages et rebondissements complètement génériques, se trouve ici mué en dérive vers le ridicule pur et dur.
Avec 50 millions de dollars investis, Congo parvient cependant à en rapporter plus de 150 millions au box-office mondial, avec plus de 500 000 entrées dans nos contrées, six fois moins que Jurassic Park, pour une escroquerie qui a de plus (et heureusement) complètement déserté les mémoires collectives. Ainsi, s’il ne reste absolument rien de Congo, ou même six fois nommé aux Razzie Awards, il devra injustement céder sa place, au fantastique Showgirls de Paul Verhoeven, il demeure même aujourd’hui complexe de le visionner, indisponible en France, et à l’heure où nous vous écrivons ces lignes, de la plateforme Paramount+, comme si l’on essayait volontairement de nous le faire oublier.