Avec Omar la fraise, Elias Belkeddar offre un écrin parfait, illuminant le charisme de ses deux acteurs, mais rien de plus.
Omar la fraise est le premier long-métrage d’Elias Belkeddar, qui reprend les thèmes de son précédent court-métrage, Un jour de mariage, déjà présente à Cannes lors de la 57ème Semaine de la Critique. Dans ce dernier, on y suivait le spleen d’un voyou français traînant dans les rues d’Alger, synopsis très similaire à ce Omar la fraise qui peut ainsi se voir comme une prolongation de ce précédent projet. Aussi, on peut logiquement se demander, au vu du résultat, si l’idée d’un long-métrage était forcément nécessaire, même porté par le charismatique duo Reda Kated et Benoît Magimel. Parce que même en s’entourant d’un duo de scénaristes chevronné en la personne de Thomas Bidegain et du journaliste spécialisé en criminologie Jérôme Pierrat, le film d’Elias Belkeddar manque totalement de direction, et ce malgré ses très belles images.
On comprend pourtant ce qui a pu motiver le cinéaste à étendre son court-métrage. Le décor de l’Algérie, formidable terrain de cinéma (évoquant à la fois le western-spaghetti et une impression de purgatoire), et des influences, telles que Jim Jarmusch pour le spleen et une (toute petite) pincée de Tarantino pour ses gangsters pieds-nickelés, sa géniale bande-originale, et surtout son inutile dose de violence. Parce que voilà, malgré son duo d’acteurs, qu’Elias Belkeddar prend un évident (et abondant) plaisir à iconiser, Omar la fraise ressemble parfois plus à un simple écrin pour les faire briller, et surtout à un interminable clip émaillé de très belles images mais nénanmoins et surtout complètement dénué de direction et de scénario.
Omar n’a pas la pêche
Omar, dit Omar la fraise (Reda Kateb), est donc un voyou à l’ancienne contraint de se réfugier en Algérie avec son fidèle acolyte Roger (Benoît Magimel). Condamné à vingt années de prison en France, le pays de ses origines se transforme donc en purgatoire, où Omar étouffe et s’ennuie, entre une proposition de reprendre une usine de biscuits (pour l’image de réinsertion), où il s’entichera de la responsable (lumineuse Meriem Amiar) et la tentation de céder à ses vieux démons, et ainsi de replonger dans son quotidien émaillé de violence. Et dès sa formidable scène d’introduction, tout est déjà dit, et formidablement résumé : nos deux charismatiques gangsters perdus en plein désert, transfigurés en de simples figurants d’un faux mariage, et confrontés à l’hyper-violence d’un pays dont ils ne connaissent rien. Accompagné de titres géniaux, toute l’énergie de la proposition d’Elias Belkeddar n’aura ensuite malheureusement de cesse de s’étouffer, et surtout de se répéter.
Parce que le cinéaste ne sait jamais vraiment quoi faire de ses deux formidables acteurs, qui peu importe les situations, apportent une perpétuelle énergie à un projet qui s’en voit ensuite complètement dénué. Ses personnages, s’ils n’avaient pas étés incarnés par Reda Kateb et Benoît Magimel auraient ainsi pu n’être que d’épuisantes carricatures, n’ayant de cesse d’agresser de pauvres figurants n’ayant absolument rien demandé de cette épuisante avalanche de violence à la fois gratuite et inutilement stylisée. Entre quête des origines, déracinement, acceptation de soi-même et des autres, ode à l’amour et à l’amitié et sous-récit de règlement de comptes exécuté sans la moindre inventivité, Omar la fraise manque totalement de direction et se réfugie derrière sa mise en scène ultra-léchée pour tenter d’effacer ses errements scénaristiques et sa perpétuelle quête d’identité.
Bateau sans capitaine
Omar la fraise en deviendrait ainsi presque insupportable. Parce qu’Elias Belkeddar semble trop conscient de son talent de faiseur d’images sans ne jamais se douter qu’il aurait fallu un autre véritable argument pour mener de front un navire qui se voit complètement dénué de véritable capitaine. Filmer le spleen aurait pu demeurer un argument intéressant, mais pour cela il aurait fallu y instiller une véritable poésie dont Omar la fraise surjoue jusqu’à l’overdose en de plans étirés rappellant plus un interminable clip qu’un véritable long-métrage. Sa succession d’images voulues comme iconiques (Benoît Magimel sous la drapeau algérien, la pauvreté des enfants rendue presque esthétique, et la naissance d’une histoire d’amour dans une bataille de farine), provoquent surtout une certaine fatigue, tant le récit n’épouse jamais cette surenchère de mise en scène, rendue tout à fait vaine.
On ne peut donc garder d’Omar la fraise qu’une promesse noyée sous une envie de clip qui ne va jamais plus loin que ses belles images, et de héros rendus uniquement supportables par le seul charisme, infaillible il faut le dire, de ses interprètes. Les influences sont là, ne servant surtout que d’arguments visuels pour maquer un récit en manque total de direction, de fougue, et surtout d’inventivité. De cette longue et éreintante démonstration de vide, ne demeurent que la scène inaugurale, de deux acteurs, perdus en plein désert, traduisant à merveille le sentiment que laisse finalement le trop long film d’Elias Belkeddar, qui aurait finalement très bien pu se cantonner à un beau court-métrage.
Omar la fraise est actuellement au cinéma.
Avis
Omar la fraise ne vaut que pour ses deux interprètes, dont le charisme apporte une identité à un projet en perpétuel manque de direction. Ainsi, si Elias Belkeddar semble (trop) conscient de son talent de faiseur d'images, il aurait fallu un véritable scénario pour rendre ce long clip moins vain, et surtout moins interminable, d'un projet qui aurait gagné à ne rester qu'un beau court-métrage.
2 commentaires
Je viens de sortir du cinéma où j’ai vu Omar la Fraise. J’adhère totalement à votre analyse. D’origine algérienne j’ai été très contente de revoir Alger et sa belle lumière. Trois autres raisons de voir ce film , kateb et magimel comme vous le dites très bien et une très belle BO.
Merci d’avoir lu notre critique et d’avoir pris le temps d’y répondre avec bienveillance !