Claire Denis continue sa carrière à l’international avec Stars at noon, présenté en compétition officielle du Festival de Cannes 2022, et propose un film aussi bizarre que charmant.
Claire Denis est une cinéaste assez atypique dans le paysage français. Forte de son expérience et de sa riche carrière (Chocolat, High Life), elle s’attaque à l’adaptation du livre éponyme de Denis Johnson sur une rencontre passionnelle entre une journaliste et un homme mystérieux dans le contexte d’un Nicaragua en proie à l’instabilité politique et à la guerre civile.
Romance à l’ancienne avec une touche très contemporaine
Au centre du récit se trouve la relation complexe entre ces deux personnages principaux. Liés par un désir compulsif et insatiable, ils se lient pour le meilleur et pour le pire tandis que le monde semble s’écrouler autour d’eux. L’intrigue avec sa romance sur fond de tensions politiques en Amérique du Sud avec également des histoires de CIA et de polices secrètes a été maintes fois vues et revues au cinéma. Pourtant Claire Denis ne veut pas faire comme tout le monde et propose une actualisation du récit (le livre se déroule dans les années 80) en le téléportant en 2020 pendant la pandémie du Covid.
De plus en mélangeant les genres (espionnage, romance, aventure…), elle saisit l’opportunité pour sortir des sentiers battus. Parfois, on a l’impression de se retrouver devant Out of Africa ou encore African Queen, mais la mise en scène et la façon d’aborder le sujet s’éloignent constamment de ces archétypes. Claire Denis distille dans son récit une forme de bizarrerie insaisissable qui s’exprime aussi bien dans des choix de montage que dans des dialogues qui sont parfois surprenants (dont un magnifique spécimen lors d’une très brève séquence à la réplique inoubliable).
Réalisation inventive et charnelle
Claire Denis reste au plus près des corps. Elle ne les quitte tout simplement pas pendant presque 2h20, filmant de nombreuses séquences de sexe et captant les moindres regards et mordillement des lèvres. Elle multiplie les angles de caméra avec une capacité assez déconcertante à briser les codes de mise en scène sans perturber le spectateur dans la compréhension du récit. Néanmoins, elle impose un parti pris narratif si fort qu’il en est parfois perturbant.
Heureusement les acteurs sont là pour véhiculer l’émotion nécessaire à la réussite du film. Sans l’alchimie entre Margaret Quelley (Once upon a time… in Hollywood) et Joe Alwyn (la Favorite) la narration de Stars at noon s’effondrerait probablement très vite.
Même si le récit peine à gagner en intensité et le résultat demande à être digéré après la fin de la séance, il en reste un souvenir doux et sensuel pour ce film qui entre les mains de 99% des réalisateurs/trices de ce monde aurait été d’une grande banalité. Avec Claire Denis, le banal n’est pas de mise et pour cela on la remercie.
Verdict
L'étrangeté de Stars at noon risquent de faire peur à plus d'un, mais il serait dommage de se priver d'un film aussi atypique sur un sujet maintes fois abordés au cinéma.