Avec Memory, Liam Neeson s’entête à surfer sur la vague Taken depuis bientôt 15 ans. On revient sur les trois derniers faits d’armes de l’acteur, en vous expliquant pourquoi il faut que ça s’arrête.
Liam Neeson est un grand acteur. Ayant collaboré avec les plus grands metteurs en scène de ce monde, de Martin Scorsese à Ridley Scott en passant par Woody Allen, Christopher Nolan et Richard Curtis, Liam Neeson aura su au cours de sa longue et impressionnante carrière flirter avec les genres, pour des réussites notables ayant marqué beaucoup de monde. Malheureusement, et malgré quelques notables exceptions, l’acteur s’est presque trouvé empoisonné par le succès monumental de Taken, se muant aujourd’hui en actionner fatigué délivrant des prestations léthargiques à une cadence infernale dans des DTV plus que passables. Cet article avait été écrit pour la sortie de Blacklight, et a été mis à jour pour la sortie de Memory.
Liam Bronson
Liam Neeson aura ainsi encaissé de plein fouet la réussite commerciale immense (et inattendue) de la trilogie Taken. Jalousé et copié par nombre de ses pairs, notamment de Sean Penn et son navet The Gunman ou Kevin Costner et son non moins oubliable 3 Days to Kill (tous deux encore produits par EuropaCorp), le succès de l’acteur dans la peau d’héros d’action aura ainsi fini par mettre à mal sa belle filmographie. On aura ainsi vu Liam Neeson dans (à peu près) 15 films d’action en quinze ans, depuis la sortie de Taken.
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Et si au début, ces sympathiques incartades avaient au moins le mérite de ne pas être réalisées par de vulgaires tâcherons, de Jaume-Collet Serra (Sans identité, Non-Stop, Night-Run et The Passenger) en passant par Joe Carnahan (L’Agence tous Risques et Le Territoire des Loups, deux belles surprises), la formule s’enraye depuis deux années à une cadence infernale. The Good Criminal, de Mark Williams, annonçait ainsi déjà la retraite du héros d’action de Liam Neeson de la plus douloureuse des façons : l’acteur se vengeait une fois de trop dans un thriller d’EHPAD dont chaque scène parvenait à être un puissant anxiolytique. On revient sur donc ses trois derniers films d’action, en vous prouvant, et en espérant que l’acteur nous lise, qu’il est définitivement temps pour lui de rendre les armes.
Le Vétéran
Le Vétéran n’aura ainsi pas eu le privilège d’une sortie en salles. Sorti cet été dans la plus grande indifférence sur CANAL+, puis disponible en VOD peu après, le long métrage de Robert Lorenz, producteur et assistant-réalisateur attitré de Clint Eastwood, se propose comme un Cry Macho dopé à l’hémoglobine et aux cassages de dents où Liam Neeson devra protéger un jeune immigrant mexicain face à un redoutable cartel de drogues.
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Ce Vétéran fait ainsi de sa filiation avec Clint Eastwood son principal intérêt (on l’aperçoit même à la télévision). Surprenant n’est ainsi pas vraiment l’adjectif qui collera le mieux à cet énième (et fade) road-movie traitant de l’amitié naissante entre un vieil américain bourru et un jeune orphelin mexicain. Pourtant, les amateurs de Liam Neeson en casseurs de dents seront déçus, car il y a au final très peu de scènes d’action dans ce film de Robert Lorenz, qui, doté d’une direction artistique convenable, se contente de filmer Neeson comme le dernier étendard d’une Amérique révolue. Si le film aurait gagné à être une sorte de champ du cygne pour l’acteur dans ce genre, il n’en est malheureusement rien qu’un fade téléfilm remplissant honnêtement mais sans aucun artifice son contrat.
Ice Road
Ice Road est quand à lui sorti au cinéma, quasiment en même temps que la sortie VOD de Le Vétéran. Réalisé par un nom reconnu du cinéma d’action, on doit ainsi à Jonathan Hensleigh les scénarios du troisième opus de Die Hard, des Ailes de l’enfer de Simon West, du Rock et d’Armageddon de Michael Bay, et la mise en scène du raté The Punisher sorti en 2004. Ice Road met en scène Liam Neeson en camionneur chevronné qui devra mener un convoi dans le Grand Nord Canadien et emprunter la « route de glace », un océan gelé et instable…
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Et c’est la catastrophe. Ice Road est ainsi un DTV mal fichu, risible et doté d’un scénario débile, où les effets spéciaux bas de gamme soulignent le manque d’intérêt total du projet de la part de toute son équipe. Liam Neeson n’est pas le seul à être éteint, étant confronté à un Laurence Fishburne venu chercher son chèque le temps de quelques scènes. Ice Road marque ainsi brillamment la descente aux enfers artistiques de Liam Neeson, rejoignant ainsi un certain Bruce Willis dans sa volonté d’autodestruction artistique offerte en pâture, et à pas cher, dans des navets sans le sou.
Blacklight
The Good Criminal était déjà très mauvais, mais la collaboration entre Mark Williams et Liam Neeson ne pouvait s’arrêter là : les revoici réunis pour Blacklight, dans lequel l’acteur rejoue l’actionner fatigué dans un rôle de grand-père vengeur, se retournant contre son employeur, une petite PME nommée FBI.
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Et peu de suspense pour ce Blacklight : oui, le film est un peu mieux que The Good Criminal, mais en possède la même léthargie et le même effarant manque de moyens rendant ce scénario attendu ultra risible. Liam Neeson y paraît une fois de plus fatigué, semblant éviter les trop lourdes confrontations physiques et s’échignant à jouer les papys-gâteaux revanchards avec la motivation d’une tortue sous Lexomil.
Memory
Après avoir (vraiment) touché le fond avec Blacklight et le navet gelé Ice Road, Memory laissait augurer d’un (minime) regain d’intérêt. Martin Campbell (GoldenEye, Casino Royale) à la réalisation, Monica Bellucci et Guy Pearce au casting n’y changent cependant rien. Même si l’on peut observer avec Memory un atone chant du cygne pour Liam Neeson dans les films d’action, l’acteur y paraissant étonnamment en retrait, amoindri et souffrant de la maladie d’Alzheimer, le film de Martin Campbell s’avère aussi mou et ennuyeux que les dernières incursions de l’acteur dans le genre. De ce remake d’un polar belge, Memory n’est rien d’autre qu’une énième démonstration d’un acteur à bout de souffle dans un genre qu’il a désormais exploré sous toutes les coutures, jusqu’à la navrante limite.
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L’acteur prouve, une fois de plus, qu’il est ainsi pour lui temps de raccrocher les armes. Et s’i c’était enfin la fin ? On devrait en effet retrouver Liam Neeson dans un film noir avec en toile de fond l’industrie cinématographique hollywoodienne des années 50 dans Marlowe de Neil Jordan, et s’éloigner, enfin, d’un genre qu’il semble avoir lessivé. Pour un palpitant come-back ? L’avenir nous le dira.