Les marchands d’étoiles nous emmène dans un dépôt de tissus parisien où l’on essaie de continuer à vivre, à aimer, à travailler, malgré l’Occupation.
Les marchands d’étoiles est l’une de ces pièces où tout fonctionne. Une sorte d’Adieu Monsieur Haffmann que l’on s’attend à retrouver de festival en festival avec une salle toujours pleine et ravie.
Nous sommes en juin 1942, dans un dépôt de tissus parisien où la vie tente de suivre son cours tandis qu’au dehors, l’Histoire gronde. Les Martineau ne sont ni résistants, ni collabos, mais ils se réjouissent d’avoir récupéré le « marché des étoiles juives » qui leur permet de confectionner les étoiles jaunes pour toute l’Europe. Une joie qui va toutefois être de courte durée… Pour eux en tout cas, car pour nous le plaisir s’étendra du début à la fin !
Un visiteur indésirable…
C’est l’inventaire, cette nuit, dans le dépôt de tissus de la famille Martineau. Raymond, le propriétaire, sa femme, sa fille, Louis, son plus vieil employé, et Joseph, le plus jeune, s’activent dans une ambiance plutôt conviviale, et chacun y va de ses anecdotes. Mais deux-trois « détails » vont venir corser les choses. En effet, le nouvel ami de Louis est un collabo de la pire espèce. Quant à Joseph, son père était breton… et sa mère juive. La suite sera donc sans suspens…
Dès lors que Mr Marcel, officier de la milice zélé et intrusif, frappe à la porte de cet atelier en sous-sol, tout le monde se tend un peu. Surtout qu’ils n’ont pas obtenu l’autorisation pour faire l’inventaire de nuit en dépit du couvre-feu. Mais, contre quelques économies, Mr Marcel accepte de les couvrir. On devine pourtant qu’il n’en restera pas là et que la Marseillaise, rythme auquel il frappe pour avertir de sa présence, n’a pas fini de retentir sur la porte de l’atelier…
Une formidable distribution
Avec sa fausse désinvolture et sa générosité feinte, ce personnage insupportable est excellemment joué par Nicolas Martinez, que l’on pouvait également voir à l’écran dans la série de TF1 que l’on adore, HPI . Ses apparitions nous régalent à chaque fois tant elles parviennent, par quelques mots à peine ou un simple changement d’intonation, à faire basculer l’atmosphère. Il nous scotche littéralement quand il évoque sur un ton des plus banals la déportation tout en se régalant d’un repas auquel il s’est sournoisement invité.
Guillaume Bouchède est, lui, un patron d’atelier exquis qui nous fait beaucoup rire. Notamment avec ce sympathique accent provençal et cette liste qu’il tient des hommes qui ont approché sa fille d’un peu trop près ! Son jeu très naturel, coloré et expressif le rend aussi captivant qu’attachant et offre de jolies variations à son personnage. Aussi, si tous les comédien.ne.s sont très bon.ne.s et participent à la belle énergie qui se dégage de la pièce, ces deux-là nous ont particulièrement marqués.
Stéphanie Caillol livre un monologue très touchant dans lequel elle parle à Paulette, lumineuse Axelle Dodier, de son père. Anthony Michineau et Julien Crampon sont quant à eux un Louis troublant et un Julien touchant. Et tandis que la peur s’invite et que la menace rôde, les langues se délient et les révélations qui émergent ne seront pas sans conséquences…
Les marchands d’étoiles nous séduit sans nous surprendre
Les marchands d’étoiles avait objectivement tout pour figurer parmi nos coups de cœur. Tout sauf l’originalité… En effet, là où des pièces comme Les crapauds fous de Melody Mourey, ou Rentrée 42, Bienvenue les enfants ! vue pendant ce festival, parviennent à aborder cette période de l’Histoire sous un angle original, l’intrigue ici est des plus classiques. Elle nous emmène sans surprise là où nous sommes déjà allés mille fois avec d’autres créations, à savoir une cave dans laquelle une famille dissimule un juif tandis que les SS rôdent…
Et, bien qu’efficace, la mise en scène de Julien Alluguette, que l’on retrouve par ailleurs dans La vie est une fête, l’une des pièces de notre sélection, ne fait pas non plus souffler de brise de nouveauté sur l’ensemble. La scénographie de Georges Vauraz n’en est pas moins réussie et nous plonge dans un décor charmant et réaliste.
Pas de coup de cœur donc, mais une pièce que nous avons néanmoins adorée et qui devrait être promise à une belle et longue vie !
Les marchands d’étoiles, d’Anthony Michineau, mise en scène Julien Alluguette, avec Guillaume Bouchède, Nicolas Martinez, Stéphanie Caillol, Axelle Dodier, Julien Crampon & Anthony Michineau, se joue au Théâtre des Corps Saints, du 8 au 28 juillet, à 13h45.
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Avis
L'humour omniprésent apporte de jolies couleurs à cette pièce au demeurant dramatique. Les décors, les costumes et les musiques nous plongent dans cette période où l'horreur côtoyait de beaux élans d'humanité et où certains compromis devenaient parfois la seule manière de survivre.