Fantasio, d’Alfred de Musset, est un conte philosophique étrange et rempli d’espoir réinventé avec audace et énergie.
Fantasio est une comédie de Musset qui nous ouvre grand les portes d’un royaume désenchanté. Quittant l’Allemagne pour l’Italie, la compagnie de l’Éternel été s’approprie l’œuvre pour en exacerber toute la fantaisie.
À vrai dire nous ne savions pas trop à quoi nous attendre en allant découvrir ce Fantasio. En effet, si cette pièce faisait partie de nos espoirs pour cette nouvelle édition du Festival OFF, c’est parce que nous nous impatientions d’y retrouver un comédien dont le talent nous a émerveillés à deux reprises au cours des derniers mois, à savoir Victor Duez. Pour le reste, ce serait donc la surprise. Et alors, quelle surprise !…
Un peu d’extra dans l’ordinaire !
C’est jour de fête au palais. On attend l’arrivée du Prince de Mantoue qui doit épouser (et rencontrer par la même occasion !) la princesse Elsbeth. Et quand on dit que c’est la fête… c’est qu’on se retrouve en plein concert de rock ! Et quand on dit « princesse »… ce n’est pas tout à fait de Cendrillon que l’on parle. Non, c’est une princesse bien plus improbable, et elle aussi assez rock n’ roll à sa manière. D’ailleurs, on ne peut pas dire qu’elle soit très emballée à l’idée d’épouser, pour des raisons purement politiques, un homme qu’elle n’a jamais vu…
Fantasio, lui, un jeune homme fantasque, désargenté et désabusé, a plutôt le cœur à la mélancolie. Mais son tempérament rêveur, son esprit vif et sa quête de sens le rendent audacieux. Il aspire à être quelqu’un d’autre, à vivre des choses nouvelles. Aussi, quand il apprend que le bouffon de la Cour vient de mourir, il décide de prendre sa place pour semer la zizanie dans les hautes sphères du pouvoir… et notamment dans le cœur de la princesse.
Un Fantasio fantaisiste
Nous nous sommes donc totalement laissé surprendre par la fantaisie avec laquelle la compagnie l’Éternel Été s’est attaquée à l’œuvre de Musset. En effet, c’est un classique qui part en lumière, en fumée, en musique, en excentricité ! Et qui nous laisse un peu sans voix. Pour autant, et précisément pour ces raisons c’est vrai, nous avons eu un petit peu de mal à entrer dans le spectacle, dans l’univers, à en saisir les codes et à embarquer dans l’histoire.
Mais, une fois admis que l’excès était ici la norme et que toutes les fantaisies étaient permises, nous avons lâché prise et posé un regard curieux, intrigué, et finalement conquis sur cette création qui frôle le burlesque et touche au merveilleux. Car si l’ensemble a un peu l’air de partir dans tous les sens, c’est en réalité un travail très précis et abouti qui prend forme sur scène.
Un spectacle qui déborde de toutes parts
On est fasciné par ces personnages hauts en couleurs et en extravagances, par les merveilleux costumes et le maquillage de Valentin Perrin qui habillent les comédien.ne.s d’une véritable féérie ; par la scénographie et le décor enchanteurs d’Emmanuel Besnault. Tiens tiens… Ce nom ne nous est pas inconnu… Et pour cause, on lui doit la mise en scène de deux autres superbes pièces : Moi vivante, également dans notre sélection de ce OFF, et La tempête, découverte à Paris il y a quelques mois, avec le brillant Ethan Oliel.
La musique tient également une place importante dans l’énergie survoltée de ce spectacle. Dissimulés derrière un rideau rouge qui s’ouvre aux moments propices, dévoilant une scène dans la scène, les instruments s’animent régulièrement pour faire résonner des airs rocks et accompagner des scènes chantées qui offrent de jolis tableaux. Ainsi, jouées par les comédien.ne.s, des reprises live de Nick Cave, Bowie, PJ Harvey ou les Doors portent avec beaucoup de modernité l’esprit de révolte intemporel qui gronde en filigrane de l’œuvre.
De l’énergie à revendre !
Avec ses mimiques, sa gestuelle, et son impertinence enfantines, Élisa Oriol est une princesse comme on aimerait en voir plus souvent ! Son personnage nous fait beaucoup rire et forme un duo attendrissant avec Fantasio, interprété avec une belle intensité par Benoit Gruel. Lui aussi nous fait rire d’ailleurs, avec ses calembours et autres jeux de mots. Il nous touche aussi lorsqu’il se laisse aller à des élans plus romantiques ou engagés.
« Que cela m’ennuie que tout le monde s’amuse ! Je voudrais que ce grand ciel si lourd fût un immense bonnet de coton, pour envelopper jusqu’aux oreilles cette sotte ville et ses sots habitants.«
Fidèle à ce que nous connaissons de lui, Victor Duez s’impose ici encore avec une belle présence. Il nous démontre d’ailleurs aussi son talent de musicien dont nous avions déjà eu un petit (et excellent !) aperçu dans son seul en scène Tout va bien. Élisa Oriol, Deniz Türkmen & Manuel Le Velly, dont les rôles prennent un peu moins la lumière, participent néanmoins avec la même fougue à cette folie furieuse !
Il se dégage quelque chose de fantasmagorique de ce spectacle dans lequel la poésie, l’humour et la fantaisie forment une heureuse combinaison. Dans un mouvement perpétuel, une explosion de couleurs, et une énergie délirante, cette troupe réinvente Musset avec une impertinence savoureuse.
Fantasio, d’Alfred de Musset, mise en scène Emmanuel Besnault, avec Victor Duez, Benoit Gruel, Elisa Oriol, Deniz Türkmen & Manuel Le Velly, se joue à La Fabrik Théâtre, du 7 au 29 juillet, à 15h50 (relâche les mercredis).
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Avis
Bien loin de la construction classique de la version originale, cette adaptation de l’œuvre de Musset brouille la réalité pour nous plonger dans un univers psychédélique. La surprise est totale, et on se laisse contaminer par l'énergie folle de cette troupe.