Zourou au-delà des mots offre un regard intime et poétique sur le handicap à travers l’histoire d’une jeune fille atteinte d’un trouble sévère du langage.
Zourou au-delà des mots est une pièce inspirée d’une histoire vraie. Celle d’une enfant à part ; une adolescente de 13 ans vivant avec son père, et se trouvant dans l’incapacité de s’exprimer avec des mots. Enfermée dans sa chambre, elle trouve dans la danse une autre forme de langage, un espace de liberté. Jusqu’à ce qu’une rencontre inattendue vienne faire basculer l’histoire de cette famille…
Notre Festival OFF 2022 ne pouvait pas mieux commencer ! En effet, quoi de mieux qu’un coup de cœur pour ouvrir cette chasse au trésor d’une vingtaine de jours ?! Zourou au-delà des mots est une pièce musicale débordante de tendresse qui nous a totalement conquis.
L’espoir d’un chemin vers la normalité ?
Lola n’est pas une jeune fille « normale ». Elle souffre depuis la naissance d’un trouble sévère du langage qui l’empêche de communiquer comme tout le monde. Elle vit avec son père qui déborde d’amour pour elle et compte sur l’arrivée d’un nouvel orthophoniste, Jérémy, pour l’aider à progresser. Et on sent bien qu’au fond de lui, il nourrit l’espoir de voir cette différence s’effacer pour laisser sa fille goûter à l’expérience de la normalité.
Et si Lola se métamorphose bel et bien sous nos yeux au fil des séances, ces progrès ne prennent pas la forme souhaitée par ce père que l’on voit peu à peu perdre patience et douter. Douter de la compétence de l’orthophoniste, mais douter de lui-même surtout, de ses attentes, de ses espoirs, de son rôle de père… Pendant ce temps, dans l’espace protecteur de sa chambre dont la mise en scène judicieuse de Mélodie Molinaro nous permet de profiter sur une moitié de la scène, Lola s’évade et s’exprime autrement, à travers la danse.
Un bijou de tendresse
On s’attache immédiatement à ces êtres dont les personnalités se complètent à merveille. Tout particulièrement à Lola et Jérémy, c’est vrai. Que ce duo est beau ! Qu’elle est jolie et émouvante cette relation qui se créé peu à peu entre eux ! Une relation exclusivement faite de bienveillance et d’une complicité que l’on observe grandir le sourire aux lèvres. C’est d’ailleurs l’un des indices qui nous fait conclure au coup de cœur, ça : quand nous réalisons que nous avons souri tout au long d’un spectacle !
Et c’est précisément ce qui s’est passé ici. La faute à la délicatesse qui se glisse partout ! Aussi bien dans l’enchaînement des scènes et le déroulement du temps qui passe que dans les rapports entre les personnages et la manière dont leurs relations évoluent, se questionnent, s’ajustent.
Dans les touches d’humour également, très habilement amenées. On retiendra notamment l’excellent rap de Jérémy (et Koko bien sûr) ! Mais aussi dans les paroles de chansons, posées sur les très jolies mélodies du compositeur Stéphane Corbin – notamment à l’originie du collectif Les funambules, que nous avions eu l’occasion de vous présenter en 2018.
Un mélange des genres habile
Car là où un certain nombres d’œuvres trébuchent à vouloir à tout prix injecter de la danse, du chant, des projections vidéo (et bien souvent les trois) sans que cela ne serve le spectacle, ici ce mélange des genres est parfaitement harmonieux et nourrit véritablement le récit. Les temps de danse, par exemple, nous permettent de mieux saisir la vie intérieure de Lola tandis que les projections visuelles viennent intelligemment appuyer la poésie de ces instants.
« Celui qui plie mille grues en papier verra son vœu le plus cher se réaliser… »
Ceci dit, la danse n’est finalement pas un élément majeur de l’histoire, contrairement à ce que nous nous étions imaginés en lisant le pitch. Elle prend même plutôt une dimension anecdotique en réalité. Car la véritable passion de la jeune fille ce sont les origamis que lui a appris à faire Jérémy et qu’elle fabrique à longueur de temps. Les « zourous » comme elle les appelle – plus facile à prononcer que senbazuru, la légende nippone que le jeune homme lui a racontée.
Une prestation époustouflante
Il ne fait aucun doute que Morgan L’Hostis fera parler d’elle avec ce rôle qu’elle incarne avec une justesse troublante jusque dans les mouvements du corps, la gestuelle, le regard. Au point que l’on est presque surpris de l’entendre s’exprimer normalement à l’issue de la pièce ! Elle habite d’un bout à l’autre ce rôle complexe, sans faiblir à aucun moment. Et surtout, sans jamais basculer dans la caricature.
L’interprétation très naturelle, très « vraie » de Tristan Garnier nous a aussi beaucoup charmés. Voilà un comédien dont nous guetterons les prochains rôles. Dans celui de la nouvelle compagne du père de Lola, Sophie Kaufmann apporte la douceur et le recul dont ce dernier a besoin pour renouer la communication rompue avec sa fille. Emmanuel Quatra offre à ce rôle les nuances nécessaires et nous rend sensibles à ses questionnements intérieurs.
« Ils ne sont pas pour nous ces chemins tout tracés »
Au final, vous l’aurez compris, toutes les conditions sont réunies pour que ce spectacle fonctionne et nous embarque dans sa poésie. C’est donc par un coup de cœur que s’ouvre notre festival d’Avignon. Voilà qui a de quoi nous rendre heureux !
Zourou, au-delà des mots, de Mélodie Molinaro, François Borand & Stéphane Corbin, avec Morgan L’Hostis, Tristan Garnier, Sophie Kaufmann & Emmanuel Quatra, mise en scène Mélodie Molinaro, se joue au Théâtre Épiscène, à Avignon, du 07 au 30 juillet à 14h40 (relâche le lundi).
[UPDATE 2023] Se joue du 07 au 29 juillet, à 15h05 au Théâtre Episcène, au Festival OFF d’Avignon.
Retrouvez tous nos articles consacrés au Festival Off d’Avignon ici.
Avis
Que l'on soit directement ou non concerné par le handicap importe peu pour apprécier cette pièce. En effet, c'est avant tout de différence et d'amour dont elle parle. Zouzou au-delà des mots nous invite à ouvrir les yeux et le cœur sur toutes les richesses que dissimulent nos "anormalités".