Traversée en eau claire dans une piscine peinte en noir nous plonge dans l’existence de Cookie Mueller, figure emblématique de la contre-culture américaine des années 70 et 80.
Traversée en eau claire dans une piscine peinte en noir aurait pu avoir un titre plus court, plus classique, plus « dans la norme ». Mais ça n’aurait pas collé à l’univers de cette actrice underground qu’était Cookie Mueller.
Pour être honnête avec vous : nous ne serions pas allés voir cette pièce si elle ne nous avait pas été chaudement recommandée. Car rien ne nous donnait envie : ni ce titre à rallonge, ni cette affiche étrange, ni le pitch autour de cette actrice dont nous n’avions jamais entendu parler ; et certainement pas non plus l’horaire de programmation… Bref, nous n’étions pas préparés à passer un moment… aussi génial et vivifiant en compagnie d’une merveilleuse comédienne !
Un personnage fascinant
Car c’est aussi ça la magie du Festival OFF : oser aller vers l’inconnu, se laisser surprendre à dénicher des pépites là on ne l’aurait jamais imaginé. Bon, ça ne fonctionne pas à tous les coups on vous l’accorde ! Mais quand ça fonctionne, alors c’est un petit feu d’artifice à l’intérieur. Et c’est ainsi que vous vous retrouver à conseiller à tout le monde d’aller voir « la pièce sur la piscine peinte en noire » (parce que vous avez un peu de mal à vous souvenir du titre entier) !
Cookie Mueller est morte, mais « c’était il y a longtemps, c’est digéré » commence-t-elle avant de nous entraîner dans le bouillonnement de son existence. Et en quelques secondes à peine, on comprend qu’on ne regrettera pas d’être venu. Car l’énergie et la spontanéité de ce personnage qui n’a que faire du regard des autres a quelque chose de puissamment libérateur. On se sent immédiatement bien en sa présence.
Méconnue en Europe, cette icône avant-gardiste de la culture new-yorkaise des années 70-80 est surtout une femme incandescente, un brasier de vie, un tourbillon de liberté. Composée à partir d’extraits de ses ouvrages, cette pièce nous immerge dans cette vie marginale qui finira par la consumer, à l’âge de 40 ans.
Une traversée en duo
La mise en scène de Justine Heynemann apporte beaucoup de fraîcheur au récit et rend particulièrement bien l’ambiance de l’époque et l’atmosphère des différents lieux traversés. On a l’impression d’être chez Cookie, aux côtés de sa mère et de son petit garçon ; puis dans cette voiture qui file à travers les déserts arides ; ou encore dans la salle du Pretty Purple Pussycat où elle se produit ! Et quand sa voix grave et sensuelle nous enveloppe, nous sommes totalement sous le charme.
Car Cookie chante et danse aussi. Que ne fait-elle pas, au fond ! Et, depuis un coin de la scène dans lequel il est installé, Valerian Béhar-Bonnet l’accompagne en musique et pose un regard tendre sur la jeune femme indomptable. Il fait également exister avec subtilité les personnages divers et variés qui traversent la pièce. Leur duo fonctionne à merveille. Ils sont attachants, drôles, touchants. Et ils collaborent avec une belle complicité à élaborer ces atmosphères, à entretenir le rythme effréné du spectacle.
Une comédienne éblouissante
Promeneuse de chevaux de course, écrivaine, gogo danseuse, tatoueuse, critique d’art, actrice…Cookie Mueller était surtout un esprit libre et indépendant. Troublante, touchante, lumineuse jusque dans ses douleurs, elle nous hypnotise. Et si nous avons adoré cette pièce et ce personnage, le coup de cœur c’est pour Éléonore Arnaud que nous l’avons eu.
En effet, c’est une comédienne incroyable, au charisme renversant, que nous avons découverte. Elle incarne avec une formidable générosité cette femme à la personnalité extravagante et aux mille vies. Mais ce n’est pas que cela. Elle déborde de la scène, du personnage. On devine quelque chose de Cookie Mueller en elle. Ça ne s’invente pas une telle intensité.
Éléonore Arnaud est ce genre de comédienne qui sublimerait n’importe quel rôle de son empreinte, et que l’on a envie de voir encore et encore sur scène.
Traversée en eau claire dans une piscine peinte en noir, de Cookie Mueller, avec Éléonore Arnaud & Valérian Béhar-Bonnet, mise en scène Justine Heynemann, se joue au Théâtre du train bleu, à Avignon, du 07 au 26 juillet, à 22h30 (relâche le mercredi).
Retrouvez tous nos articles consacrés au Festival Off d’Avignon ici.
Avis
Sur des airs des Stones et des Doors, cette pièce nous livre une tranche de vie exaltante qui donne envie de s'intéresser de plus près au personnage de Cookie Mueller. Elle ouvre aussi une fenêtre sur la réalité sociale de cette période tristement marquée par les ravages du sida.