Requiem pour Pessoa nous emmène dans un voyage théâtral et musical sur les traces du poète Fernando Pessoa.
Requiem pour Pessoa faisait partie des espoirs de notre sélection pour cette nouvelle édition du Festival OFF. La raison est très simple : nous sommes assez fan de la prose de cet immense poète portugais. Nous l’avions malheureusement manqué l’an passé, nous nous devions donc d’être au rendez-vous cette année.
Un homme part pour Lisbonne afin de s’imprégner de la vie passée du poète. Le charme de la ville, de ses ruelles pavées, et son atmosphère enivrante dans laquelle la vie palpite nous parviennent au rythme des mots de Pessoa qui viennent nous caresser l’âme…
Une déambulation imaginaire
Après quelques respirations soufflées par l’accordéon muet, le voyage commence. La musique résonne alors avec les mots qui alternent entre français et portugais. Plus qu’un voyage, c’est une immersion poétique. Dans un décor intimiste et chaleureux, des bribes de vie nous parviennent, et Benjamin Perez fait vivre les mots du poète.
« Il n’y a rien à faire la veille de ne jamais partir. »
En partenaire complice et malicieuse, Theodora Carla incarne les diverses rencontres qui vont jalonner ce voyage. Tour à tour diseuse de bonne aventure, mère veilleuse de Pessoa ou musicienne de rue, elle se révèle envoûtante dès lors que son violon ou son accordéon prennent possession de l’espace. Le duo – tout en sensibilité – fonctionne bien, se complète et s’enrichit.
Un voyage intérieur
Il est toujours un peu risqué de bâtir un spectacle sur un poète ou un écrivain car il est tentant d’en faire un recueil de citations indigeste pour le public. Pour autant, en allant voir ce type de création, on a envie, bien sûr, d’entendre les mots de celui que l’on célèbre. Benjamin Perez a su trouver le bon équilibre, le juste dosage.
En effet, au-delà de citer raisonnablement le poète, il s’inspire de ses mots, de son univers, de ses innombrables questionnements pour faire infuser un propos, une réflexion. Ainsi, par sa propre introspection, c’est à la nôtre qu’invitent les mots du poète. Qui sommes-nous, que sommes-nous ? Et si nous étions toutes ces sensations qui nous animent à la fois ? Et si nous n’étions rien d’autre que les rêves que nous portons ? Et si nous n’étions rien ?
Drôle et poétique
Dommage que le récit soit parfois un peu saccadé, notamment lorsqu’il est entrecoupé des traductions en portugais. Les phrases tendent alors à s’étirer ce qui leur fait perdre un peu de leur force. En revanche, nous avons adoré les subtiles et poétiques touches d’humour qui viennent se glisser de temps à autre dans la mise en scène.
Ainsi, les tressautements provoqués par le trajet en tramway deviennent une chorégraphie ; les applaudissements se changent en pas de flamenco ; ou encore les coups de talon marquant l’attente se font percussions ! De quoi apporter à l’ensemble le soupçon de fraîcheur, de modernité, et le rythme qui lui permettent d’échapper à la monotonie qui pourrait rapidement menacer ce genre de spectacle.
On ne s’ennuie pas dans ce moment hors du temps, et l’on sort de ce spectacle avec une seule envie : nous replonger dans les écrits de ce génie dont le nom signifiait « personne », tandis qu’il était précisément tout le contraire.
Requiem pour Pessoa, d’après Fernando Pessoa, avec Benjamin Perez et Théodora Carla, mise en scène Benjamin Perez, se joue du 07 au 30 juillet, les jours pairs, à 17h45 au Théâtre de la Carreterie.
Retrouvez tous nos articles consacrés au Festival Off d’Avignon ici.
Avis
Bien qu'un peu déstructurée, cette aventure intérieure à la recherche des multiples soi(s) nous entraîne dans un univers chimérique inspirant. L'interprétation sensible de Benjamin Perez et Théodora Carla nous captive et rend un hommage charmant à ce poète intranquille.