Le choix de Gabrielle raconte l’histoire de trois femmes aux destins entrelacés, et de liens vibrants entre les morts et les vivants.
« Le vrai critère de l’intelligence est de savoir déplacer son point de vue. » Voilà une phrase extraite de la pièce et qui la résume bien. Une vieille dame se recueille sur la tombe de son mari lorsque une jeune femme arrive pour se recueillir sur celle de ses parents. Elles ne se connaissent pas. Pas encore. Enfin, c’est ce que l’une d’elles croit. Mais un lien fort les unit en réalité, à mi-chemin entre la mort et la vie. Le choix de Gabrielle nous amène avec sensibilité à réfléchir sur le thème plus que jamais d’actualité : le droit de mourir dans la dignité.
Deux comédiennes émouvantes
Sylvia Roux et Bérengère Dautun forment un bien joli duo, complémentaire, intense et généreux. Tandis que la première est davantage dans l’énergie et la pudeur, la seconde nous donne la chair de poule par sa simple présence, sa sensibilité à fleur de peau. En effet, il émane de Bérengère Dautun un subtil mélange de force et de douceur qui la rendent délicate, mais certainement pas fragile.
Les émotions sonnent juste, elles sonnent vrai. Ainsi, en à peine quelques minutes, et tandis qu’elle raconte ses vagues de désespoirs et ses conversations avec l’absent, le chagrin de cette vieille dame devient le notre. Un chagrin néanmoins gorgé de vie et de souvenirs lumineux. Car « rien ne meurt, tout se poursuit différemment ».
Un rebondissement un peu maladroit
Tandis qu’elles s’apprivoisent dans ce cimetière, se livrent tour à tour l’une à l’autre, un lien d’affection se tisse entre ces deux femmes et leurs solitudes. Mais alors qu’elles se revoient quinze jours plus tard, les véritables raisons qui ont mené à cette rencontre sont soudain dévoilées. Et c’est là – et seulement là – que nos sourcils se sont froncés…
Car ce moment de bascule nous semble un peu mal amené et trop précipité. Si la colère de la jeune femme peut aisément se comprendre, ce désir brutal de vengeance tel qu’il est exprimé ne nous a vraiment pas convaincus. Mais nous avons bien vite fait abstraction de ce détail. Car la pièce prend alors une toute autre tournure et nous plonge dans le vif du sujet.
Une réflexion sur l’aide à mourir
Sans chercher à imposer quoi que ce soit malgré la prise de position, cette pièce invite à réfléchir sur le droit de mourir dans la dignité. En effet, en amenant les personnages à expérimenter différentes postures d’une même situation, elle permet d’illustrer plusieurs points de vue possibles, leurs arguments, et le cheminement de pensée qui peut s’opérer.
Cela rappelle également que certaines situations nécessitent d’être vécues pour être comprises pleinement. Le choix de Gabrielle nous parle avant tout d’amour et de compassion ; nous invite à remettre nos existences en perspective ; à pardonner et à se pardonner certains choix délicats. Et comme l’a très bien rappelé Sylvia Roux après les longs applaudissements amplement mérités : « Partager l’émotion et y réfléchir ensemble : c’est bien ça la mission de spectacle vivant, non ? ». Et quel bonheur quand cette mission est remplie avec autant de tact et d’intelligence !…
Le choix de Gabrielle, de Danielle Mathieu-Bouillon, avec Bérengère Dautun et Sylvia Roux, mise en scène par Marie Broche, se joue à l’Espace Roseau Teinturiers, à Avignon, du 05 au 28 juillet 2019, à 11h30. Relâche les 09, 16 et 23.
Retrouvez tous nos articles consacrés au Festival Off d’Avignon ici.