J’irai danser avec les requins est une pièce passionnante et instructive qui changera à jamais votre regard sur cet animal fascinant et indispensable à notre survie.
Nous suivons avec attention le travail d’écriture et de mise en scène de Violaine Arsac depuis que nous avons découvert son talent et sa sensibilité à travers la pièce Les passagers de l’aube. Dans J’irai danser avec les requins, elle a mêlé sa plume à celle de Julia Duchaussoy, qui est aussi la comédienne de ce seul en scène qui mérite d’être très largement vu. Car il aborde avec beaucoup d’intelligence – aussi bien dans le propos que dans la mise en scène – le problème de l’extermination des requins.
Une thématique plus que jamais d’actualité
« J’ai plus peur des requins. J’ai peur qu’il n’y en ait plus. » Une phrase forte du spectacle, qui résonne douloureusement mais qui traduit on ne peut mieux la gravité de la situation. La nécessité, aussi, de s’informer pour adopter les comportements indispensables à la survie de la planète. En effet, selon les prévisions des océanologues, la vie des océans aura disparu en 2048. Une échéance terriblement proche qui impose une prise de conscience et une mobilisation urgentes.
Un récit initiatique
Les parents de Bulle sont morts dans l’accident d’un bateau de croisière. Elle vit avec son parrain, travesti dans un cabaret, et sa tante, une comédienne pour qui « Mieux vaut avoir une mauvaise réputation que pas de réputation du tout »! Et si les excentricités de cette dernière nous font rire, Bulle, elle, ne se sent pas à sa place dans cet univers de paillettes et d’apparence. D’un naturel plutôt introverti, c’est la lecture qu’elle aime, et la nature.
Alors, la petite fille se confie à Terrestre, sa lampe en forme de globe. Nous la voyons grandir – un peu vite – puis partir à la découverte des eaux du monde et de leurs requins dont elle avait si peur jusqu’à présent. Elle découvre alors un univers dont elle ignorait tout. Sous l’eau, elle se sent enfin à sa place. Et sa phobie des requins disparaît à mesure qu’elle en rencontre quelques spécimens… plutôt bavards !
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Émerveiller pour sensibiliser
Après un démarrage qui a eu un peu de mal à nous embarquer, et malgré quelques transitions qui nous ont semblé précipitées, la pièce a su nous captiver. Aussi bien par son propos et par le ton employé que par sa mise en scène. Avec ses effets sonores et visuels, auxquels s’ajoute la gestuelle ralentie de la comédienne et les mouvements du corps propres à cet exercice, la scène de plongée sous-marine est formidablement gracieuse !
C’est une véritable immersion dans les fonds sous-marins et un pur moment de contemplation. Cette scène aurait pu durer dix minutes de plus, ça ne nous aurait pas dérangés le moins du monde ! Faire parler les requins et en faire des personnages à part entière, voilà un autre choix de mise en scène ingénieux ! Et probablement la meilleure manière de sensibiliser : informer tout en donnant le sourire.
Éduquer sans culpabiliser
Ainsi, à travers leurs conversations avec Bulle, les requins s’attaquent aux préjugés et aux peurs déraisonnées dont ils sont l’objet. Et la sensibilisation de la jeune fille à l’égard de l’environnement ne fait que grandir à mesure qu’elle comprend à quel point cet animal largement exterminé et menacé par l’homme est indispensable à l’équilibre de la planète.
Pour autant, elle ne dénigre pas le métier de sa tante. Au contraire, elle reconnaît que divertir et faire rêver les gens, c’est aussi quelque chose de beau et d’important. Pas question, donc, de tomber dans une forme de manichéisme et de culpabilisation qui rendrait la pièce beaucoup moins crédible et percutante.
De la peur à l’engagement
Mais il y a quelques bonnes nouvelles tout de même au milieu de ce constat alarmiste. Et c’est avec elles, et quelques propositions pleines de bon sens comme « le pouvoir de non-achat », que se termine la pièce. Enfin non, pas tout à fait. Elle se termine plutôt sur une surprenante et brillante tirade d’anticipation ! De quoi donner envie d’agir, en gardant à l’esprit que « on peut changer le monde, il faut juste qu’on soit suffisamment nombreux à y croire. »
On aime quand le théâtre permet de transmettre des messages utiles. Quand il éduque avec humour, tendresse et poésie ; quand il fait germer en nous une idée, une envie, une prise de conscience. J’irai danser avec les requins, c’est ce théâtre-là. Celui dont on ressort grandi, enrichi. Celui aussi dont notre planète a besoin – dont l’humain a besoin – plus que jamais. Une création à soutenir et à encourager absolument.
J’irai danser avec les requins, de Violaine Arsac & Julia Duchaussoy, avec Julia Duchaussoy, se joue au Théâtre La Luna, à Avignon, du 05 au 28 juillet 2019 à 15h45. Relâche le 22.
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