Gardiennes est un seul en scène qui retrace un siècle de témoignages poignants de femmes d’une même famille.
Rencontres amoureuses, difficultés à procréer, fausses-couches, avortements clandestins, transmission… Gardiennes nous plonge au cœur de l’intimité de femmes sur les cent dernières années. Une pièce forte et douloureuse, portée par une comédienne suffisamment lumineuse pour que la vie triomphe de ces récits douloureux.
Un thème rare
Nous avons eu un peu de mal, c’est vrai, à nous laisser embarquer par le monologue de Fanny Cabon. Et les premières minutes nous ont paru assez longues. Sans doute parce que nous avons eu du mal à cerner le propos du premier témoignage. Mais, au fur et à mesure qu’ils se succèdent, comme autant de confidences, le tout nous a semblé gagner en profondeur. Et nous nous sommes finalement laissé toucher par ces récits de vie intimes forts. En effet, c’est à dix femmes de sa famille, de 1920 à notre époque, que la comédienne donne successivement la parole. Dix histoires secrètes, souvent tragiques et bouleversantes, tricotées autour de l’amour, de la maternité et de l’avortement.
Une interprétation délicate
C’est avec beaucoup d’élégance que Fanny Cabon incarne ces différentes femmes qui pourraient être nos mères, nos grands-mères, nos filles, nos tantes, nos amies… Son interprétation, à l’image de la mise en scène, est pudique, discrète. Elle laisse ainsi le texte au premier plan pour que chacun, chacune puisse trouver un écho dans ces fragments de vie qui rappellent à notre mémoire que la liberté de la femme est un concept récent et pas encore totalement abouti. Voir encore absent de certains endroits du monde.
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Une pièce qui rafraichit la mémoire
En effet, cinquante ans plus tôt, le choix de disposer librement de son corps n’existait pas. Alors, face à l’inexistence des moyens de contraception et à une absence totale de responsabilisation et d’implication de l’homme dans le contrôle de la maternité, les avortements illégaux étaient la seule issue pour de nombreuses femmes. Bien plus de femmes, à vrai dire, que nous l’imaginions. D’ailleurs, il y a beaucoup de choses que nous ignorions et que cette pièce nous a fait découvrir. Et si quelques zestes d’humour et d’ironie viennent alléger un peu l’atmosphère, le récit de ces actes fait tout de même froid dans le dos.
Un hommage vibrant
Il faut dire que nous ne sommes pas habitués à les entendre, et qu’il était peut-être temps de leur donner voix. Et on admire la force de caractère de toutes ces femmes qui ont vécu cette souffrance physique et psychologique dans la clandestinité et la solitude, risquant souvent leurs vies. C’est un seul en scène généreux, qui s’abstient de prendre partie, de juger ; qui ne cherche pas à apitoyer ou à culpabiliser. Rien de tout cela, non. Une simple offrande ; un hommage au courage, à la beauté d’âme, à la solidarité, aux sacrifices de ces femmes bien souvent meurtries. Une ode à ces Gardiennes de vie, de secrets.
Gardiennes, avec Fanny Cabon, mise en scène par Bruno De Saint Riquier, se joue au Théâtre des 3 soleils à Avignon, du 05 au 28 juillet à 20h. Relâche les 8, 15 et 22.
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