37 – l’ombre et la proie marque plusieurs début : celle de Parasomnia Productions, une société tout juste créée ayant pour but de mettre en avant le genre français à petit budget et celui du jeune cinéaste Arthur Môlard, grand vainqueur de l’appel à projet de ce studio et qui réalise ici son premier long métrage. Est-ce un démarrage calé pour les deux ?
37 – l’ombre et la proie (ou Trente Sept , l’équipe marketing et celle du film ne semble pas s’être mis d’accord) raconte l’histoire de Vincent, chauffeur routier qui prend en stop une jeune femme d’origine étrangère ayant pour nom le numéro éponyme du titre. Mais le comportement de l’auto stoppeuse se révèle des plus suspect jusqu’à ce que la situation dégénère sans retour possible. Mais rien n’arrive par hasard dans ce film où les doubles jeux et la culpabilité sont de mise… Il est difficile d’exercer la tâche de critique pour un film comme celui-ci. Nous sommes nécessairement tiraillés entre l’objectivité, où on jugerait ce film comme on jugerait un Jordan Peele, et notre bienveillance qui nous pousse à être indulgent avec un premier film louable dans ses intentions et qui s’inscrit dans une démarche de production, impulser par Marc Missonnier, qui l’est tout autant.
Grand amateur de cinéma de genre que nous sommes, la quasi absence de celui-ci dans le paysage cinématographique français nous attriste, même si le vent tourne grâce à des Julia Ducournau ou des Coralie Fargeat. Mais au sein de cette problématique intellectuelle, nous allons clairement prendre partie : bon nombres de confrères/consœurs professionnels oublient souvent de remettre les films dans leur contexte de production et de juger l’intention derrière, comme si chaque métrage devait être le nouveau Kubrick. Pour Trente Sept, nous allons adopter l’approche opposée car c’est une œuvre balbutiante et remplie de défaut mais qui mérite d’être encouragée.
Le projet est doté d’un atout dès ses prémisses et qui a sans doute joué dans sa sélection au sein du programme Parasomnia, celui de présenter une arène originale. En effet, quel film peut se vanter de mettre en avant des chauffeurs routiers, d’autant plus dans un contexte de genre ? Souvent oublié par la société (et ce ne sont pas les seuls dans cette histoire mais on vous laisse découvrir), ce thriller met les pleins phares sur cette galerie de citoyen dont le quotidien est compliqué. Que ce soit par ce biais ou une autre branche narrative qu’on ne révélera pas, ce récit a le mérite de porter un message politique fort, même s’il est aussi subtil qu’un 38 tonnes. Et cela sans pour autant tomber dans un manichéisme enfantin car tous les personnages marquent les esprits par leurs faiblesses humaines et ambiguïtés morales, dépeignant avec maturité des portraits nuancés.
Highway to Hell
De plus, Arthur Môlard semble s’amuser comme un petit fou avec son scénario, écrit certes à l’économie, mais avec malice pour fournir des jeux de tension et de pure genre dans cette prise d’otage/traque lorgnant, de loin, vers le suspens hitchockien. De simples éléments décors se verront octroyés un rôle fonctionnel dans le récit avec une maîtrise efficace de la préparation/paiement. Une marque que l’histoire a été un minimum réfléchi et qu’elle n’essaie pas de prendre son spectateur pour des pneus crevés. La gestion de la dilution d’informations est suffisamment gérée avec aisance pour créer un mystère rutilant et des retournements de situation solides sur leurs suspensions.
La réalisation n’est pas non plus déméritante puisqu’elle s’accommode parfaitement de son économie avec une bonne gestion, parfois rare pour des premiers longs métrages, de son découpage. Sans tomber dans un spectaculaire qui pourrait virer au “kitsch and cheap”, Trente – Sept (ou 37 – L’ombre et la proie, donnez nous une réponse bon sang !) gère ses effets astucieusement pour tout de même nous offrir des moments aussi clinquants qu’une belle carrosserie. Le casting est dans la même veine avec des acteurs tout aussi inconnus (Guillaume Pottier serait-il le petit frère de Denis Ménochet ?) qu’ils sont convaincants.
Cependant, le réalisateur/co-scénariste ne slalome pas les écueils des premiers films. Scénaristiquement, la structure a du mal à se renouveler correctement, malgré le regard nouveau sur les personnages qu’offrent les rebondissements. Les événements/péripéties finissent par se répéter et donnent parfois le sentiment de voir un moyen métrage un peu trop étiré. Toujours dans cette problématique de structure, certaines scènes n’ont pas été pensé dans le bon ordre. Il est dommage d’avoir une scène très dramatique dans la première moitié du film pour ensuite enchaîner sur des événements moins puissants et des scènes plus posées de lourdes expositions et mettant à mal la cohérence en vue de l’urgence des personnages.
37, le petit début de grandes choses ?
Dans la même veine, il y a un gros effort de suspension d’incrédulité à effectuer pour croire à la logique de certaine mécanique. Les rouages du moteur scénaristique sont parfois fragiles, grippés avec l’impression que certains semblent forcés pour faire avancer le récit sur cette autoroute narrative. La reflexion du spectateur sur le fait que le personnage principale pourrait faire ceci ou cela à tel moment pour reprendre le dessus (difficile de croire qu’un homme de son gabarit ne puisse pas reprendre le dessus sur cette femme enceinte et assez frêle), est la preuve que les joints de l’histoire sont mal usinés. On sent clairement que le script manque d’un bon polissage. Il n’y avait certainement pas le budget pour un script doctor. Et faussement sous couvert de vouloir une fin ouverte qui laisse des questions sans réponses et finit abruptement, on a juste l’impression de se retrouver devant un énième film français ne sachant pas clôturer toutes ses arches narratives. Serait-ce une allergie collective à l’épilogue au sein des auteurs hexagonaux ?
Mais malgré ces griefs, assez symptomatiques des premiers films à faible budget, on ne peut s’empêcher d’avoir une grande sympathie pour 37 (on va garder ce titre, c’est plus simple) et le projet Parasomnia. A l’heure où le film de genre hexagonal a du mal à trouver preneur au sein des studios ou semble réservé à une élite cannoise brandé “elevated horror” (si tant est que ce terme ait un sens), ce métrage et ce Blumhouse à la sauce française renoue avec les petites productions de série B efficaces. Et en ce sens avec les origines même de ce style de cinéma. Rien que pour ça, bravo à eux. Une chose est sûre, on ira voir le deuxième long-métrage d’Arthur Môlard et le deuxième film de Parasomnia Productions.
37 – L’ombre et la proie est actuellement à découvrir au cinéma.
Avis
37 - L'ombre et la proie est un film balbutiant et très imparfait mais qui marque par sa bonne volonté et ses bonnes idées. Un début plus que prometteur autant pour ce jeune réalisateur que cette jeune société de production.