NieR Replicant ver.1.22474487139… – n’essayez pas de le lire vous risquez de vous blesser – est le remaster par Toylogic de NieR Replicant, la version exclusivement japonaise de NieR Gestalt ou plus simplement NieR pour l’occident. Un jeu de base qui était l’œuvre du Studio Cavia et de ce cher Yoko Taro, également game director sur la série Drakengard, mais surtout NieR Automata, le jeu qui l’a révélé aux yeux du “grand public”. Voilà pour les présentations, maintenant, que reste t-il de NieR Replicant 10 après, dans sa version “remaké”, que nous abrégerons NieR Replicant ou plus simplement encore Replicant pour d’évidents soucis pratiques.
NieR, d’autant cet épisode original Replicant, est un morceau de jeu vidéo assez compliqué à aborder. Déjà parce qu’il est sujet à toutes les mystifications de ses fans, mais aussi parce que c’est un jeu qui, comme Automata, déborde du cadre. Il est souvent conseillé d’éluder la partie jeu de sa question, celle-ci n’étant pas le cœur de l’exercice Yoko Taro, mais seulement un point dans une somme de points, qu’il convient d’aborder d’un bloc.
Si dans Automata, on passait donc volontiers sur ces considérations – finalement mineures – et que l’on s’accordait sur l’exceptionnelle qualité du titre somme de Platinum, ne pouvant pas être pris pierre par pierre au risque de louper le coche de sa proposition, ce n’est pourtant pas le constat que l’on fera sur Replicant. Un chemin de croix de plus de 40 heures pour le constat empirique suivant : NieR Automata est la version réussie d’un jeu qui l’était beaucoup moins.
Il faut bien admettre que nous sommes assez curieux de savoir quelle sera de façon plus large, la réception des gens comme nous, qui ont découvert Yoko Taro avec son plus récent titre. Si les joueurs déjà convaincus par le titre d’origine et contents d’y trouver une nouvelle fin semblent être aux anges, qu’en sera-t-il de ceux qui n’ont pas « subi » la version de 2010. Comment leur corps réagira au contact d’un titre forcément plus archaïque, mais également bien moins dense narrativement et pas que ? Seront-ils aussi “cléments” et « illuminés » ? Peut-être avons-nous, cette fois-ci, fauté et “loupé le coche”, allez savoir. En tout cas, le résultat de nos dispositions est finalement que nous sommes bien plus partagés aujourd’hui que nous l’étions en 2017 pour NieR Automata.
Texture visuelle et sonore de NieR Replicant
Promis, on ne vous fera pas l’affront de parler technique trop longtemps. Pour le portage PC trois petites choses à noter : brancher ou débrancher sa manette tue le framerate, dépasser les 60 fps ou descendre en dessous de 30 altère le comportement du jeu et enfin, le curseur de la souris pop parfois au beau milieu de l’écran si vous touchez à votre souris ou clavier puis que vous retournez sur votre manette. Finalement, ça reste moins pire qu’Automata, le plus gros souci étant réglable en deux coups de cuillère à pot dans le menu de configuration de votre GPU. Nous n’avons pour le reste, rencontré aucun souci. Sur une Geforce 980 Ti, ça tourne même bien – encore heureux. Voilà pour le portage PC, notez bien qu’il s’agit de notre expérience, les heureux possesseurs de cartes 2000 ou surtout 3000 rencontreraient apparemment plus de problèmes.
Graphiquement, le jeu dépoussière comme il faut son prédécesseur de 2010, et impose un standard appréciable. Ce n’est pas un foudre de guerre, mais quelle importance cela a, est-ce qu’un jeu NieR techniquement musclé serait un meilleur jeu NieR ? N’y perdrait-on pas un peu du charme de ce dépouillement ? Cette “petitesse” graphique ne sert-elle pas la mélancolie particulière qui est celle de l’Univers de Yoko Taro ? Les réponses sont dans les questions. Les considérations techniques au-delà de l’optimisation ou l’accessibilité – pas si mal pour un jeu japonais notons-le – sont un peu futiles dans son cas. NieR Replicant est beau comme il faut, pas moins.
La direction artistique et le chara-design, si on n’est pas toujours au niveau de richesse d’Automata – y compris côté mise en scène et jeu sur les placements de caméra -, le titre garde toute cette singularité propre à la “licence”. Cette “simplicité” charmante et soignée, à l’image de la zone Littoral. Un monde lisible, sobre, austère mais évocateur avec sa musique qui vient finir de matérialiser tout ce dont vos yeux pourraient manquer.
On ne vous fera pas le sempiternel couplet sur la musique de NieR, c’est indescriptible. D’ailleurs, si on vous a mis une orchestration en début d’article, c’est bien pour botter en touche et vous laissez vous en imprégner plutôt que de nous confondre en phrases toutes faites. Peut-être un poil moins varié que sa suite, la texture musicale du titre reste un sérieux objet de fascination et il est clair qu’elle est une part fondamentale de l’identité de Replicant.
C’est simple, écouter la sountrack, c’est être soudain pris de l’envie de coller un 10… sauf que Replicant est souvent un meilleur album qu’il est un bon jeu. Peu importe ce que l’on pourra lui reprocher par la suite, y jouer ne fera que donner plus de résonance à ses musiques, et rien que pour ça, comme le clip jusqu’au boutiste de sa partition sonore, il mérite peut-être d’être arpenté.
Au charbon comme un lundi
NieR Replicant donne l’impression de ne pas trop savoir quoi faire de son joueur, il est un peu embêté. Très motivé narrativement, il se retrouve pourtant bien incapable de trouver comment nous faire participer au tout. Comme si Yoko Taro avait écrit un script plus long que le code source. C’est alors la foire aux allers-retours et aux combats déjà peu intéressants qui s’éternisent… Des choses qui passent une fois, deux fois à la limite, mais qui venu le temps des fins C et D a de quoi prendre des allures de purgatoire du fun.
Vous n’êtes pas épuisés par ce que le jeu vous demande d’endurer narrativement – comme The Last of Us Part II -, vous êtes épuisés par sa structure et son gameplay affreusement barbant – comme The Last of Us Part II diront certains, pas forcément à tort non plus. Il y a le “pas fun” “amer” et le “pas fun” “super chiant”, là c’est du “pas fun” “super chiant”, soit du “pas fun pas fun”… C’est clair ?
Si la fin E pourrait “mériter le voyage”, on est loin d’être aussi convaincu par les multiples fins du jeu original. La conclusion A nous semble déjà être parfaite, “amer”. On ne comprend pas vraiment comment cette épreuve d’endurance pour aller jusqu’à la fin E – et donc faire 3 fois et demi le jeu – est censée augmenter le propos.
Contre-exemple
Le fait qu’Automata soit intéressant d’un bout à l’autre nuit-il à son discours ? Le fait qu’il soit plaisant à parcourir l’amenuise t-il ? Les deux jeux ont des champs thématiques proches et on voit mal comment la médiocrité et la répétitivité de Replicant le ferait se transcender. Automata nous prouve le contraire, mieux, son agréabilité met le joueur dans les bonnes dispositions émotionnelles ! Un égard que n’a pas Replicant et qui en bout de course le dessert, parce qu’arrivés à la fin C et D, on en a juste plein le c**.
Le second run travail cependant quelques points intéressants, l’histoire Kaine est poignante et pareil pour celle d’Emil, même si la fin en elle-même reste décevante tant elle ne nous apprend rien de plus que la première, qui – à nous – paraissait équivoque. Le troisième run a contrario est simplement laborieux, sans compter qu’il faut avoir au préalable réuni toutes les armes pour y accéder. Yoko Taro veut de votre temps. Ce n’est pas The Witness qui vous demandera de résoudre des puzzles pour découvrir les mystères, réponses et sensations de son île fictive, non, NieR Replicant n’a rien à faire jouer, pour en découvrir les secrets il vous demandera “simplement” de serrer les dents et de le subir pendant qu’il ne sait pas quoi faire vous. C’est simple, c’est plus fun de lire le wiki que d’y retourner une énième fois.
La difficulté est en plus mal calibrée. En difficile, les ennemis sont d’immondes sacs à PV avec un design qui rend leurs animations pas toujours lisibles et en normal, il s’agit d’un “button mashing” efficace, mais qui ne tient ni la longueur ni la comparaison. C’est simple, heureusement qu’il y existe la possibilité de mettre les combats en automatique. Passé les 20 premières heures de jeu, on comprend la présence de la fonctionnalité et on remercie infiniment les développeurs de leur lucidité… pour ce qui reste une piètre compensation au fait que Replicant n’est pas intéressant à jouer. Combat et système de progression, les deux se révèlent largement moins prenant que dans Automata, qui n’était pourtant pas un cador, mais faisait plus agréablement “le job” en plus bénéficier d’un soin « meta » pas désagréable… Puis cette plus grande emphase sur le shmup avec ces remix 8 bit qui se rappellent à nos oreilles, quel frisson. BREF, nous divaguons.
Le souci c’est que les contre-exemples réussis existent. On peut être méta, profond et utiliser les spécificités du médium sans être inutilement pénible. The Witness, on l’a déjà évoqué, The Beginner’s Guide, qui dure 5 heures mais se ressasse largement plus et surtout, Metro Exodus et NieR Automata sur des champs thématiques proches. On peut concilier Yoko Taro et ses perceptions du médium dans un titre qui n’est pas daubé, c’est possible.
Force d’opposition
L’apothéose de NieR, c’est sa fin, sa première fin et le chemin qui y conduit. Vous n’avez forcément pas fait un tour exhaustif du jeu, mais le cœur de NieR vous a déjà été largement ouvert et offert. Peut-être qu’il vous manquera de quoi pleinement l’intellectualiser, et il est certain que vous ne viendrez pas à bout de son lore tout seul, mais vous avez goûté au cœur émotionnel de Replicant. Recommencer le jeu est… accessoire ? L’idée est brillante peut-être, mais son exécution laborieuse ne lui fait pas honneur.
NieR Automata ne peut pas s’arrêter au premier run. Vous ne savez rien à ce moment-là, il y a tellement de couches qu’il vous faut le reparcourir et même en découvrir la suite sur ses 3 parties qui au final n’en forment qu’une. NieR Automata n’a pas à proprement dit de mode “new game plus”, il n’est qu’une aventure crantée. Ici, il n’y a qu’un run que vous répéterez 3 fois, la même partie déjà mal pensée une fois, mais plusieurs fois… La fascination fait place à l’exaspération. Le jeu n’a pas la matière et s’étaler comme il le fait, c’est du sabotage.
NieR Replicant porte en collier narratif les qualités dont héritera Automata, ses personnages, le naturel désarmant de sa gravité palpable, ce drame qui se joue dans l’indifférence du monde… Cette quête, cette perte, ce retour du sens, la force dramaturgique est là. Les autres comme points fixes dans le mouvement, cette banale horreur de l’existence, à mi chemin avec Drakengard… bref NieR reste des kilomètres au-dessus de la mêlée sur le plan émotionnel, sa profondeur thématique et son art du contrepoint, pour autant, la mise n’est pas sauvée devant l’ampleur des soucis de construction, de rythme, d’interface et de jouabilité. Nous n’arrivons pas à oublier. Logique pour “première tentative”, logique pour son “budget”, logique rapport à son “historique”, et pourtant pas transparent, les soucis accumulés bouchent la vue.
NieR Repliqué
Fluidifié et joli-ifié, Replicant reste le jeu qu’il était, ce qui rappelle d’ailleurs doucement que la facture est salée, 60€. C’était le prix d’Automata à sa sortie, un jeu qui avait bien plus à sa charge que de passer le polish technique et ajouter 2 heures de jeu à un titre déjà existant. L’argument marchand ne scelle pas son sort, mais il contribue à cette gonflette risquée où Replicant n’a pas l’avantage.
NieR est le fruit de son développement long et difficile pour asseoir une nouvelle aire de l’univers Yoko Taro, un travail dont il a pu bénéficier avec Platinum, pour sublimer chaque idée dans Automata. On ne peut pas vous le déconseiller, parce que des jeux vidéo comme ça on en veut tous les jours quelque part, pour autant ce serait malhonnête de nier tout ce qui mine concrètement l’expérience, malgré ses intentions louables. Dans un monde post-Automata, le pre-Automata a pris un sérieux coup dans l’aile.