Pour son premier long-métrage, le rappeur Ed Lily s’est inspiré de son expérience personnelle dans le milieu des battles de rap en Angleterre. Le résultat, VS (distribué par Wild Side), se montre prometteur : rythmé, bien ficelé et parfaitement interprété. Plus de dix ans après 8 Mile, qui retraçait le parcours d’Eminem, ce film pourrait bien être sa version anglaise.
L’histoire ne date pas d’hier : celle d’un jeune homme perdu, passant d’une famille d’accueil à une autre entre deux bagarres, à la recherche d’une bouée de sauvetage. Cette situation sert de base à bien des épopées, notamment celle d’Adam, héros de VS. Ce jeune Anglais, que sa mère a cédé à la DDASS alors qu’il avait 5 ans, enchaîne les familles d’adoption et tombe dans la petite délinquance. L’air constamment paumé, il erre dans les rues de sa petite ville natale, jusqu’au jour où il rencontre Makayla. Alors que les deux adolescents sympathisent, celle-ci lui parle des battles de rap organisées par un groupe d’amis. Adam s’y rend et participe. Rythmé par un festival de rimes assassines et jubilatoires, le film ne manque pas non plus de décrire des personnages intéressants et approfondis.
Aperçu de la frange « paumée » de la jeunesse anglaise
Entre look décalé haut en couleurs et baggies plus « ghetto », on retrouve dans VS la jeunesse anglaise underground comme on l’aime ! Makayla et Miss Quotes, tout en cheveux multicolores rasés sur le côté et shorts courts sur bas résilles représentent les filles, tandis qu’Adam et Carnage optent pour des casquettes très « NY » et chaînes en or chez les garçons. Malgré les maillots de basketteurs apportant une touche US au film, la mode si typique de l’underground anglais est respectée ! En dehors de leurs identités vestimentaires fortes, les protagonistes du film se distinguent par des personnalités bien définies.
Makayla, jeune fille au look clinquant reste assez réservée sur sa vie privée et garde un secret qu’elle ne sait comment dévoiler. Adam, qui parle très peu et s’exprime plutôt à coups de poings n’a, de son côté, pas réglé ses problèmes avec sa mère, à qui il en veut de l’avoir « abandonné ». Cette dernière nous est aussi présentée tout en finesse, craignant la haine de son fils mais revenant malgré tout vers lui. Le contraste entre l’apparence parfois tapageuse des personnages et leur attitude plus réservée renforce leur crédibilité. On peut d’ailleurs souligner la performance des acteurs, notamment Connor Swindells qui délivre une excellente performance dans le rôle d’Adam.
VS, un affrontement de A à Z
Ces protagonistes semblent tous mener un combat contre eux-mêmes, entre la rage, la frustration et les non-dits qui les animent. Si le film ne tombe pas dans les stéréotypes de personnages agressifs et vulgaires, il n’en demeure pas moins un film sur la violence dans un milieu particulier. Cette dimension psychologique ajoutée à l’univers des battles de rap souligne d’ailleurs la dualité de l’atmosphère qui les entoure. L’objectif des concours auxquels ils participent consiste à se montrer le plus violent possible avec son adversaire sans jamais le toucher. Pour ce faire, les rappeurs doivent produire les rimes les plus percutantes possibles.
Loin de montrer des caïds castagnant au bas d’un immeuble, cette œuvre propose des jeunes tout aussi déboussolés mais préparant des « batailles de clashs ». Un passe temps qui se révèle fascinant lorsque l’on se prend au jeu. Là encore, la dichotomie entre look de rappeur de cité et rimes recherchées consolide l’intérêt que le spectateur peut porter aux personnages.
Un résultat final soigné
Pour sa première œuvre, Ed Lilly n’a laissé aucun détail de côté. Le rap représentant le terrain de base de l’œuvre, sa bande-son a été particulièrement étudiée. Les compositeurs anglais parmi les plus reconnus ont été mis sur le coup : Stormzy, Ray BLK ou encore Little Simz. Les photographies du film ainsi que les costumes valent aussi le coup d’oeil. Les artistes maquillage se sont également appliqué sur les personnages de Miss Quotes et Makayla.
L’ensemble donne un rendu dynamique, qui tient le spectateur en haleine du début à la fin du film. Véritable ballet ininterrompu de mots, de rimes, de paillettes et de sang, VS se révèle un très bon divertissement. Des qualités qui lui ont valu de remporter le prix du meilleur scénario au festival du film britannique de Dinard.