Après avoir fait un carton au cinéma fin 2024, mais aussi aux César, Vingt-Dieux sort enfin en Blu-Ray, DVD & VOD, pour notre plus grand bonheur. Alors pourquoi c’est si bien, et pourquoi le revoir ?
Vingt-Dieux nous plonge dans la vie de Totone, adolescent fils de fromager, habitant en pleine campagne du Jura. A la suite d’un accident de voiture, le père de notre héros décède, et ce dernier va se retrouver confronté à la réalité, et à ses responsabilités de grand frère. Le film s’ouvre sur un plan séquence qui débute en nous montrant un veau dans une voiture, et qui continue en suivant un homme transportant un fût de bière. Lorsqu’il arrive au bar, la caméra passe sur Totone, que l’on rencontre pour la première fois. Ses amis vont ici l’inciter à danser « le Limousin », qui consiste plus ou moins à se déshabiller devant toute l’assemblée. Puis Totone monte sur le bar, lève les bras en signe de victoire. Applaudissements général. Titre. Un homme hurle « Vingt-Dieux ». Fin de séquence. Une ouverture marquante, dont la construction montre la réflexion et le travail de la réalisatrice Louise Courvoisier, et qui pose le ton du film, mais aussi la manière avec laquelle les personnages et les situations seront traitées.
Tout est dans la scène d’intro
Ce qui interpelle déjà dans cette scène, c’est le soin apporté au son, que l’on retrouvera tout au long du film. Lorsqu’on déambule en suivant notre barman, on est très proche de lui, et par conséquent on ne discerne pas tout le reste du décor et de l’action. Or, on comprend quand même très bien ce qu’il se passe. La situation nous est évoquée par tout les bruits alentours. La voix de la speakeuse, les beuglements des vaches, les bribes de paroles des personnes assistants à l’événement, le vrombissement des véhicules. Tout ces bruitages nous permettent d’avoir une image claire du lieu hors-champ, seulement à l’oreille. Ce travail de réalisme, de détail dans le son ancre nos personnages dans un environnement réel et concret, et rend leurs relations d’autant plus crédibles.

Ces relations, point central dans Vingt-Dieux, sont portées par des personnages incarnés justement par des acteurs tous amateurs. C’était une volonté de la réalisatrice de tourner avec des habitants du Jura, région dans laquelle elle-même a grandi. Certains jeunes, dont Maïwene Barthélémy, césar de la meilleure révélation féminine, ont été casté dans des lycées agricoles, et viennent de ce milieu, de la campagne. Qui donc pourrait incarner mieux qu’eux les personnages du film ? Clément Faveau notamment, qui joue Totone dans le film est parfait pour représenter cet adolescent. Dès la première scène, lorsqu’il danse sur le bar, on sent sa personnalité dans la manière qu’il a de se mouvoir. Un jeune encore en train de grandir, pas forcément très à l’aise dans son corps, qui est toujours en train d’apprendre à connaître le monde.
L’émotion par les corps
Louise Courvoisier a aussi fait le choix d’écrire un film peu verbeux. Vingt-Dieux n’est en effet pas le lieu des longs monologues d’exposition. Au contraire, la réalisatrice fait montre d’une grande qualité dans l’écriture de ses dialogues, et des silences. Beaucoup des émotions sont passées par des regards, des gestes et des actions des personnages. Les situations évoluent par du mouvement, et non par de la parole. Même lors de scènes de dialogues importantes, les gestes accompagnent la parole, comme par exemple lors de la scène de vêlage (qui est réalisé sans effet spéciaux). Ce choix de l’économie de dialogue peut donc paraître audacieux, mais prend tout son sens dans le chemin initiatique sur lequel marche Totone.

Car c’est ce qu’est Vingt-Dieux : un film initiatique. Il est difficile à ranger dans une autre catégorie, jonglant entre de nombreux genres : le drame social entre agriculteurs, le teen movie léger ou même le western jurassien. C’est en effet une histoire de deuil, de la confrontation de Totone au monde des adultes, et de son évolution vers la responsabilité. Et ce chemin, il le fait à travers la fabrication du comté, élément central du film et dont les scènes de fabrication à la main viennent rythmer sa progression. Le film est donc unique en son genre, même lorsqu’on le range auprès des films d’initiation.

Vingt-Dieux est donc une belle réussite. Pour un premier film, l’œuvre est frappante de maîtrise de la narration et de la direction des acteurs. Le César du meilleur premier film est amplement mérité ! Le DVD comprend en plus une interview de Louise Courvoisier, son premier court-métrage (dans lequel on voit déjà apparaître son envie de mettre en scène des corps), mais surtout les castings des acteurs. A voir et à revoir sans modération, comme on mangerait un comté bien affiné.
Vingt-Dieux est sorti en Blu-Ray, DVD & VOD le 6 mai 2025.
AVIS
Vingt-Dieux est vraiment une perle rare dans le cinéma. En seulement 1h30, le film est d'une richesse émotionnelle comme on le voit très peu. Un des plus beaux portraits de nos campagnes.