Sorti le 9 février en édition physique par M6 Vidéo, Le Petit Nicolas : Qu’est-ce Qu’on Attend Pour Être Heureux ? est une délicieuse plongée animée dans l’œuvre iconique de Sempé et de Goscinny. Un must see plein de douceur.
Un jour d’été 1955, le dessinateur Jean-Jacques Sempé et le scénariste René Goscinny conversent à la terrasse d’un café parisien et les deux amis se lancent sur un nouveau projet de bande-dessinée autour d’un petit garçon de classe moyenne, le Petit Nicolas. Une origin story qui, en plus d’illustrer la naissance et la création de cette œuvre mondialement connue, prend un malin plaisir à raconter la vie de ses auteurs via celle de leur petit personnage. Un délice on vous dit.
Réalisé par Amandine Fredon et Benjamin Massoudre, ce Petit Nicolas met donc un point d’honneur à servir la mémoire de ses pères notamment via la co-scénarisation chapeautée par la fille de Goscinny et la supervision du style graphique par Sempé himself. Un souci du détail et de la filiation qui permettra au film de remporter le Cristal du long métrage au festival d’Annecy 2022, de concourir pour la Caméra d’Or à Cannes 2022 et d’être nominé comme meilleur film d’animation aux César 2023. Une prouesse technique et narrative on ne peut plus méritée pour ce petit bijou de simplicité et de tendresse.
Les petits Jean-Jacques & René
Via le prisme de la création, le film Le Petit Nicolas, qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? s’ouvre sur une dimension très intime et personnelle de ce petit héros gribouillé. Si la vie fictive du personnage affiche les idées couchées sur le papier de ses auteurs, l’aspect poétique de ce développement narratif permet surtout de découvrir les hommes derrière le crayon. Une amitié fascinante, intemporelle, féconde en terme de créativité, qui est surtout l’occasion de mettre en lumière les vies respectives de Goscinny et de Sempé.
Tandis que le premier jouit d’une enfance en Argentine puis aux quatre coins du monde, ne cessant de rêver de la vie parisienne et de raconter des histoires, le second a des débuts plus difficiles, en banlieue bordelaise avant de s’expatrier vers Paris et le monde de l’illustration. Des destinées marquées par l’après-guerre et la reconstruction après la libération mais qui se croiseront au début des années 50 avant de créer conjointement ce Petit Nicolas. Des directions différentes, mais chacune marquées par de dures épreuves qui étonnamment ne se trouvent ici nullement aseptisées. On peut donc suivre la déportation de certains membres de la famille Goscinny, juive, ou celle très dysfonctionnelle de Sempé lors de séquences très fortes et intenses pour un animé de cette douceur graphique. Un bien beau paradoxe pour un projet très fort et parfaitement assumé.
Ainsi le film s’offre le luxe de dévoiler les souffrances de l’occupation lors d’échanges un peu méta entre les auteurs et leur création, littéralement extraite des pages et qui vient, un peu à la manière d’une conscience innocente, leur insuffler des idées et les interroger sur leur parcours respectifs, leurs méthodes créatives ou leurs traumatismes ou tragédies personnelles. Une oeuvre singulière donc, qui met autant en avant son héros que ses pères spirituels, une oeuvre ambivalente et pleine de malice.
Le beau Nicolas
Il est attendrissant de voir comment l’expérience et les souvenirs de Goscinny et de Sempé viennent également approvisionner le paysage familial du Petit Nicolas, de son rapport à sa grand-mère, horrible avec son père, ses relations avec les filles ou ses vacances en classe de mer. Autant d’improvisations que de références personnelles ou d’envies inavouées pour créer un paysage enfantin, mais universel. Un angle très doux, très émotionnel, pour dévoiler l’intime derrière le génie de ces auteurs, bien vite dépassés par le succès de ce Petit Nicolas, mais qui jamais n’oublieront leurs racines, ni leur amitié face au star system.
Un tour de force narratif, avec une ligne très maligne donc, mais bien mise en valeur par un traitement graphique de toute beauté. Avec une illustration reprenant parfaitement le style de Sempé, colorée pour l’occasion, le film est magnifique et offre ainsi deux directions distinctes pour aider à différencier la vie du Petit Nicolas, qui s’écrit sous nos yeux, avec celle des auteurs.
La première, s’anime comme des cases, sans bordure ni fond perdu de l’image, pour nous donner la sensation légère de flotter au milieu d’une planche aux côtés de Alceste, Agnan ou Marie Edwige. L’aquarelle ne remplit donc pas tout le cadre, certains traits sont enlevés, comme juste esquissés, soit une dimension plus onirique et légère. Tandis que le second style, plus réaliste, est réalisé avec plus de soin pour peindre le quotidien de Goscinny et de Sempé. Si les deux s’apparentent à de l’animation traditionnelle, la partie sur les auteurs est inévitablement plus précise, plus classique, que l’autre qui paraît plus surréaliste, plus fantasmée.
Enfin, pour parfaire ce déjà très chouette tableau, il est de bon ton de noter la qualité du casting vocal. En effet Alain Chabat vient doubler Goscinny et lui apporter toute la bonhomie dont il est capable tandis que Laurent Lafitte offre à Sempé une belle prestance tout en retenue, une nostalgie presque timide. Evidemment, la prestation du petit Simon Faliu est également notable tant le Petit Nicolas parait tangible, réel. Une belle alchimie entre l’animation des studios Bidibul Productions & Kaibou Productions, la narration de Anne Goscinny et ce doublage vocal aux petits oignons.
En résumé, Le Petit Nicolas : qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? est un petit bijou d’animation en plus d’être une fraicheur narrative assez rare, notamment via son intime description de la vie de Goscinny et de Sempé, soit une belle transposition de la bande-dessinée éponyme. Un must see délicieux.
Le Petit Nicolas : qu’est-ce qu’on attend pour être heureux ? est disponible en Blu-ray, DVD & VOD édité par M6 Vidéo depuis le 9 février.
Avis
Véritable petit bijou d'animation, tout en respectant parfaitement le matériel originel de Goscinny et Sempé, ce Petit Nicolas, qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ? est une oeuvre délicatement méta, mettant autant en avant le petit personnage que ses auteurs.