La Tour du Diable s’engouffre dans les brèches permises par l’assouplissement de la censure pour du sang et de l’épouvante sur fond de mysticisme opaque.
Début des années 70, une bande de jeunes nunuches met les voiles vers une île inquiétante au large de l’Écosse. Sur ce rocher sinistre se dresse La Tour du Diable, un phare abandonné depuis la Seconde Guerre mondiale. Les quatre lurons aux mœurs frivoles n’en tiennent rigueur et s’adonnent à leurs occupations naturistes. Mais voilà que la nuit tombée, le diable sort de son antre pour décapiter, amputer et empaler. Seule Penny s’en sortira vivante, ramenée à la berge par un pêcheur passant par là et qui s’empressera de la faire interner (il faut dire que sous le choc, elle a confondu son collègue avec le diable et l’a abattu). Le slasher La Tour du Diable, initialement sorti en 1972 sous la houlette du réalisateur Jim O’Connolly, revient cette semaine sur nos écrans en version remasterisée par les Éditions Rimini.
Slash : t’abats ou tu canes
La Tour du Diable préfigure de quelques années ceux qui deviendront les pontes du slasher, Black Christmas (1974) et Halloween (1978). Et c’est une performance dont il peut se montrer fier au vu de sa qualité notable. Le film manie les codes du genre slasher avec aisance, en s’ouvrant sur une scène de massacre sanglant menée de toute évidence par un psychopathe. Mais la caméra se détourne de son visage ; un peu de suspens, un peu de patience ! L’individu reste discret, disparaît et réapparaît dans ce décor escarpé propice aux cachettes, tandis que la caméra multiplie les plans sur les corps déchiquetés ou empalés de nos loustics. Le rythme tient en haleine et seules les têtes et les mains caoutchouteuses qui jonchent le sol rappellent cette époque révolue des accessoires, un peu kitsch aujourd’hui. Sans parler des accoutrements qui ont pris un sacré coup de vieux.

La seule survivante, Penny, se réveille chez un psychiatre dont les pratiques et le cabinet inspirent tout à la fois cette patte kitsch et un certain ésotérisme. Sous hypnose, elle fixe des carreaux de ces couleurs exotiques que les années 60 et 70 connaissent si bien, pour se remémorer avec précision cette nuit fatale. Là, psychanalyse et archéologie se rejoignent par quelques pirouettes scénaristiques douteuses. En effet, la jeune fille relate des rituels suspicieux, qui attirent l’attention vers une société d’archéologie louche. Et selon ses analyses, cette attaque en Europe du Nord serait directement liée au culte de Baa, une divinité de la Phénicie antique. Ni une ni deux, le film met les voiles pour un huis-clos sur cette île habitée par les forces occultes.
Baa contre badauds
L’équipe d’archéologues suspects est accompagnée sur l’île par ce même pêcheur qui a retrouvé Jenny. Un décor qui n’a pas encore révélé tout son potentiel, et c’est le point fort de La Tour du Diable. Les extérieurs se prêtent au jeu des course-poursuites pour la vie et l’intérieur du phare lugubre et poussiéreux fait monter la tension. Les membres disparaissent un à un sous les griffes d’un diable presque un peu trop vaporeux. Le diable se trouve-t-il parmi nous ? Les jeux de regard accusateurs font mouche, malgré le jeu souvent douteux des acteurs.

De suspicions en découverte d’un souterrain dédié au culte de Baa, les masques finissent par tomber. Le (ou les !) diable absolument cauchemardesque porte le film à son point culminant. Les morts en cascade accélèrent le rythme dans le sprint final vers le dénouement. La caméra se laisse de plus en plus glisser vers cette main qui porte la mort. Et comme fort peu de diables ont les moyens de se payer du Prada, guenilles et allure sauvage s’accorderont mieux avec rites païens. Ces costumes, ce maquillage et ces implants capillaires d’une rusticité rarement égalée se montrent terriblement efficaces. Rarement le cinéma aura-t-il vu une chose aussi épouvantable qui justifie cris d’effroi. Imaginez un homme roulé dans la boue. Puis, car un malheur arrive rarement seul, s’est pris une décharge électrique dans la foulée. Et la scène finale, plus effroyable encore, clôt dans un soupir de soulagement cette abominable excursion.
Au diable le manque de budget
Des ressources restreintes contraignent La Tour du Diable à des acteurs peu aguerris et à vêtir son diable de piteux costumes. Mais le film exploite un concept simple et efficace. Des jeunes laminés par une force occulte sur une île menaçante, qui devient théâtre d’un huis-clos persuasif. Épouvante et tension ont bien survécu au poids des ans pour nous arriver dans cette version remasterisée par Rimini, toujours aux petits oignons sur la qualité de l’image et du son. De surcroît, La Tour du Diable s’enrobe aujourd’hui d’une esthétique kitsch qui le distingue assurément dans le catalogue des slashers.
La Tour du Diable, initialement sorti en 1972, a bénéficié d’une remasterisation HD par les Éditions Rimini. Cette nouvelle version paraît le 6 juin 2025 en DVD et Blu-Ray.
Avis
La Tour du Diable se saisit de son sujet de manière efficace. Ses décors, ses personnages et ses thèmes sont exploités habilement pour en tirer de l'horreur bien kitsch, bien effrayante. Ainsi, ses qualités lui permettront souvent de passer outre les défauts de jeu et de ressources.