Tamasa Distribution émerveille avec la parution d’un coffret de 7 films issus de l’âge d’or de la Hammer, dont on a décidé de vous livrer un terrifiant top personnel.
Il fut un temps où la Hammer fut l’un des plus prestigieux studios de cinéma, s’incarnant comme une référence pour nombre de générations de par ses productions fantastiques et horrifiques, dépoussiérant ainsi tout un genre et des figures telles que Dracula et Frankenstein et imposant une pléiade de noms prestigieux qui allaient peu à peu marquer à tout jamais de sang rouge l’histoire du septième art. Christopher Lee, Peter Cushing et les réalisateurs Don Sharp et Terrence Fisher, entre autres, ont ainsi su imposer un véritable modèle de film de genre qui derrière ses petites bourgades anglaises et ses notables proprets, recelait bien des malédictions et des terreurs enfouies, révélant un sous-texte toujours empreint d’érotisme, qui faisait d’ailleurs scandale à l’époque.
Malheureusement, le modèle finit par s’essouffler, et en voulant s’adapter à l’air du temps, la Hammer finit par perdre tout ce qui faisait son identité, avant de définitivement fermer ses portes en 1979, durant près de trente années. Et malgré un retour dans les années 2000, surtout marqué par le succès de La Dame en Noir, le studio n’a fini que par se perdre en redites dans l’espoir de retrouver sa gloire d’antan, dans des productions qui se sont rapidement révélées aussi anecdotiques que rapidement oubliées. Mais voilà, Tamasa Distribution propose avec son coffret de revenir sur l’âge d’or des productions de la Hammer, couvrant la période 1966-1969, en condensant en sept longs-métrages ce que la maison de l’horreur a su proposer de meilleur, des suites de Dracula et de La Momie à celle de Frankenstein, évidemment, en passant, entre autres, par une femme reptile, une adaptation fantasque et géniale de la vie de Raspoutine et une incursion dans le monde des morts-vivants, que l’on a décidé de vous classer, du moins bon au plus inoubliable cauchemar.
7. La femme reptile
On ne connaît désormais que trop bien le schéma narratif des productions de la Hammer de l’époque, et c’est ce qui fait pencher cette femme reptile du côté de l’anecdotique, malgré son alléchante et originale créature et la volonté d’y aborder des religions méconnues d’Inde. Parce qu’avec son couple débarquant dans une petite ville reculée d’Angleterre suite à la mort mystérieuse d’un des membres de leur famille, cette femme-reptile aurait pu être remplacée par n’importe quelle autre créature du bestiaire du studio, tant son traitement narratif se révèle aussi fade que déjà-vu, ne pouvant même pas compter sur ses trop stéréotypés personnages pour rehausser ne serait-ce qu’un peu une formule trop bien identifiée.
Si John Gilling n’est pas Terrence Fisher, le metteur en scène semble ainsi parfois se contenter de répéter son plus intéressant L’invasion des morts-vivants, qu’il réalisera dans la foulée de cette femme reptile, scénarisé par Anthony Hinds, déjà sur son septième projet estampillé Hammer, qui n’a ici pas fait l’effort d’étoffer sa copie. Incendie final, décors et acteurs parfois identiques, le projet ennuie rapidement au lieu de terrifier, démontrant au passage les limites d’une recette scénaristique autrefois magique qui se révèle ici, malgré la qualité du maquillage et de l’originalité de sa créature, assez générique.
6. Dans les griffes de la momie
Troisième et avant-dernière adaptation de La Momie pour la Hammer, et pour John Gilling, encore un projet qui a de sérieux airs de redite plutôt mollassonne. Ainsi, malgré une intrigue transposée pour la première fois de la franchise en Égypte et non en Angleterre, Dans les griffes de la momie se révèle, sans ses décors victoriens et ses créatures gothiques, bien en peine pour distiller une quelconque tension, qu’elle soit de nature violente ou même sexuelle. Si le personnage de notable insupportable que l’on prend plaisir à voir perdre peu à peu de sa superbe campé par le génial John Philips s’avère plutôt réjouissant, il n’en est malheureusement jamais de même pour la très générique galerie de personnages qui l’entoure.
Le terme générique sied ainsi également parfaitement à l’intrigue, qui semble se contenter de répéter, dans un autre décor, celle des précédents La Malédiction des pharaons et Les Maléfices de la momie, la franchise ne devant attendre que le quatrième et dernier opus La Momie sanglante pour se renouveler quelque peu. Ce projet, tout comme le traitement général opéré sur La Momie paraît ainsi aisément comme l’un des plus faibles de tout le catalogue de la Hammer, qui n’a hélas pas su trouver en cette créature bandée les mêmes qualités que dans celles de Dracula et des créations du Docteur Frankenstein.
5. L’invasion des morts-vivants
Première et unique incursion de la Hammer sur le territoire des morts-vivants, deux années avant La Nuit des morts-vivants d’un certain George A. Romero, cette invasion des morts-vivants se révèle aussi plaisante qu’originale dans son traitement des zombies. John Gilling ne se contente ainsi pas seulement de répéter le schéma narratif observé sur son La femme reptile et sur tant d’autres productions de la Hammer, mais travaille ses personnages, cruellement attachants, et son ambiance, notamment dans une scène de rêve en plein cimetière absolument magnifique. Parce que cette invasion des morts vivants, en plus de s’avérer plaisante, s’avère aussi drôle, que ce soit dans le traitement de ses personnages, de son charmant duo père-fille à des notables locaux complètement détestables, dont l’avidité se révèlera être un parfait contexte à l’irruption de zombies.
Ainsi, la déception viendra d’une énième impression de redite scénaristique qui se fait ressentir, Peter Bryant s’étant pourtant chargé des excellents Le Chien des Baskerville et Les Maîtresses de Dracula, dont on ressent ici, malgré une lecture des zombies tout à fait originale, une certaine filiation avec le projet suivant, La femme reptile, recopiant jusqu’à son décevant final expédié de la même manière. Ce n’est heureusement pas suffisant pour égratigner la qualité, le plaisir et l’intérêt toujours prégnant de (re)découvrir cette première et dernière réussie incursion sur les terres des morts-vivants de la Hammer.
4. Frankenstein créa la femme
Quatrième adaptation de Frankenstein pour la Hammer, qui réunit ici une fois de plus les plus prestigieux de ses fidèles artisans : Terrence Fisher, Peter Cushing Anthony Hinds et James Bernard. Et si ce Frankenstein, créa la femme n’aurait pu être qu’une facile redite, se moulant facilement au milieu de productions du studio alors délivrées à la pelle (cinq films en deux ans, tout de même) le versant tragique ici traité s’avère tout bonnement bouleversant, mettant ici volontiers de côté son duo de savants fous. Parce qu’en traitant l’exécution injuste d’un jeune homme simple et fidèle, alors condamné pour la bienséance de l’époque et le pouvoir carnassier de bourgeois ici toujours aussi détestables, Frankenstein, créa la femme s’avère incarner brillamment en un seul et même film toutes les obsessions de la Hammer.
D’une histoire d’amour condamnée, au rejet de la différence, en passant par une relecture toujours aussi fidèle de son froid docteur, ne voyant que le côté scientifique de ses expériences, Frankenstein créa la femme émerveille. On pourra même y trouver, au regard de notre époque, un regard assez original sur la transidentité, d’un homme vivant dans un corps de femme, et d’une romance tragique ici abordée de la plus cruelle et plus déchirantes des manières.
3. Dracula, prince des ténèbres
On entre dans Dracula, prince des ténèbres, dans une œuvre maîtresse à la fois de la Hammer, et des adaptations du plus célèbre des vampires au cinéma. Pour la mise en scène de Terrence Fisher, soulignant sans jamais l’appuyer la puissance érotique de sa créature, campée par un Christopher Lee mutique, impressionnant de monstruosité et de charisme sans ne jamais prononcer un seul mot, et également pour la musique hypnotique de James Bernard, conférant aux images de cette troisième adaptation des airs d’éternel cauchemar d’orfèvre. On délaissera ainsi plus volontiers ses couples de bourgeois déjà-vus et leurs réactions parfois complètement incompréhensibles pour s’intéresser à l’emprise d’un monstre qui a ici l’audace de s’infiltrer dans un monastère pour une scène d’hypnose inoubliable.
Ainsi, malgré le peu de présence du génial Peter Cushing en Van Helsing, ici uniquement présent dans une virevoltante scène d’introduction, qui s’était taillé la part du lion dans le précédent Les Maîtresses de Dracula, ce Dracula, prince des ténèbres continue de croquer le mythe avec une certaine merveille. Merveille d’effets visuels, dans la résurrection du monstre, d’action, et d’adaptation, avec la présence d’un Renfield très fidèle, et d’un Père Sandor tout bonnement réjouissant. Tout cela pour appuyer le fait que la restauration de ce modèle du genre s’avère tout bonnement merveilleuse et aussi indispensable.
2. Les Vierges de Satan
Les grands Terence Fisher, Christopher Lee et James Bernard s’associent ici à l’illustre Richard Matheson, auteur, entres autres, de Je suis une légende et de L’Homme qui rétrécit au scénario pour délivrer l’une des plus belles productions que la Hammer a su proposer. Les Vierges de Satan délaisse ainsi les poussiéreux décors victoriens pour une intrigue volontiers plus moderne, qui derrière son titre plutôt mensonger, narre la chasse d’un groupe de notables pratiquant la magie noire. Christopher Lee, toujours aussi charismatique en vieil oncle protecteur, mène ainsi une intrigue lancée à tambour battant, sans aucun temp mort, portant vers le haut toutes les obsessions chères au mythique studio. Satanisme, bourgeoisie corrompue, et grands manoirs transfigurés en autels propices à l’invocation et à un mal qui s’empare peu à peu des personnages, Les Vierges de Satan est ainsi un petit modèle.
Malgré des effets spéciaux qui ont logiquement vieilli (dont une amusante araignée géante), Les Vierges de Satan est ainsi une aventure trépidante, ponctuée de poursuites et d’affrontements psychologiques intenses, aux visages de notables toujours aussi réjouissants et monstrueux. Des personnages attachants et un antagoniste diabolique campé par le génial Charles Gray mènent ainsi ces Vierges de Satan vers le haut du panier du catalogue de la Hammer, dont Roman Polanski tentera de s’inspirer avec un certain décalage, plus ou moins incompris, dans La Neuvième Porte, trente et une années plus tard.
1. Raspoutine, le moine fou
Don Sharp, autre grand cinéaste de la Hammer, narre, sur un scénario du fidèle Anthony Hinds (précédemment à l’œuvre sur Dracula, prince des ténèbres) et un Christopher Lee déchaîné, le destin fantasmé de Raspoutine. Raspoutine, le moine fou se révèle ainsi comme la véritable merveille, le petit chef d’œuvre méconnu que cette superbe réédition permet de découvrir et de réévaluer à sa juste valeur. En prenant la figure empreinte de mystère de ce moine ayant côtoyé les plus hauts sommets de l’état russe, le scénario d’Anthony Hinds fait de Christopher Lee une bête satanique aussi impressionnante qu’effrayante, en s’axant sur ses pouvoirs mystiques pour une relecture aussi sanglante qu’ambitieuse, peut-être la plus audacieuse de toutes les propositions de la Hammer.
Portant au parangon tout son sous-texte sexuel, explosant ici en pleine figure, à coup de jeux de domination, de coucheries multiples, de massacres et de pouvoirs, jusqu’à un final en modèle de tension maintenue et éprouvante, Raspoutine, le moine fou, s’avère ainsi être une pure merveille noire. De la toxicité d’un personnage, dépassant en tous points celles des docteur Frankenstein et comte Dracula réunis, Don Sharp réussit avec un budget dérisoire à délaisser le schéma narratif trop bien identifié des productions Hammer pour faire de son récit une fable à la fois politique, fantastique et sanglante en forme de portrait historique d’une figure au charme ici aussi fascinant que bestial et tout bonnement monstrueux.
Autant de raisons, en plus d’une pléiade de bonus intéressants, dont les documents du précieux Nicolas Stanzick, auteur de l’indispensable Dans les griffes de la Hammer et des interventions, à la technique certes modeste, mais aux analyses de scènes toujours pertinentes de le docteure en études cinématographiques et audiovisuelles Mélanie Boissonneau, de se ruer sur ce superbe coffret, aux restaurations impeccables qui conférent à cette proposition des airs d’incontournable pour tout cinéphile.