Top Gun fut un tonitruant succès en 1986, et propulsa Tom Cruise au rang de star hollywoodienne totale. 36 ans plus tard, Top Gun : Maverick vient pourtant (presque) contredire son aîné, l’occasion d’un retour.
Top Gun a ses fans comme ses détracteurs. On a ainsi presque tout dit au sujet du film du regretté Tony Scott, qui consacra alors Tom Cruise au rang de superstar (15 millions de dollars investis pour 350 millions de recettes). Refus de la star, alors qu’on envisageait en parallèle Matthew Modine, puis feu vert après un tour en avion avec la patrouille américaine de voltige. Histoire ensuite démentie par Tom Cruise, qui comptait juste faire un tour d’avion avant d’officiellement accepter le rôle. Film pro-armée, distribution de tracts à la sortie des salles, augmentation de 500% de l’engagement, gloire à l’Amérique, théorie gay de Quentin Tarantino… mais que reste t-il vraiment de Top Gun au vu de sa suite, Top Gun : Maverick qui pourrait actuellement dépasser son aîné au box-office ?
AMERICA
Top Gun, c’est avant tout un film né d’un article de presse relatant l’école Marine Corps Air Station Miramar. Tom Cruise, après avoir tourné dans l’esthétisant mais creux Legend de Ridley Scott, se voit alors propulsé par le frère, Tony Scott dans le rôle de Pete Maverick Mitchell. Ce dernier sort du compliqué Les Prédateurs, devenu culte mais pas encore à l’époque, et d’une centaine de pubs où le réalisateur a pu imposer un style à l’esthétique clipesque faisant sa marque de fabrique. Rendre l’armée américaine cool, c’est bien là la grande réussite de Top Gun, qui sur fond de coucher de soleil très 80’s, de lunettes aviateurs de blousons en cuirs, de la musique synthpop d’Harold Faltermeyer et du tube Take My Breath Away composé par Giorgio Moroder, en fait un produit propre à son époque.
Mais le véritable héros de Top Gun, derrière l’armée américaine, c’est bel et bien Tom Cruise, ici propulsé en héros américain total. Parce que si nous sommes en pleine présidence Ronald Reagan et que la toute gloire de l’Amérique se passe au cinéma avec des héros comme L’Inspecteur Harry, Rocky où Rambo, Top Gun et son héros Maverick en sont peut-être l’un des plus emblématiques. Génie casse-cou, insoumis et coureur de jupons, Tom Cruise incarne ici la quintessence d’une Amérique victorieuse contre une Russie diabolique. Éloignant dès le départ du film des avions russes, Top Gun creuse pourtant les ambitions du héros tel que l’a imaginé Joseph Campbell, multi-cité et revisité avec Star Wars en tête de liste.
Top Cruise
Parce qu’après le succès de Risky Business en 1983, Tom Cruise se frotte à de très grands noms. Suivront alors Martin Scorsese et La Couleur de l’argent en 1986, un passage de flambeau entre Paul Newman et la star, Rain Man de Barry Levinson, succès total en compagnie de Dustin Hoffman, l’un des plus grands acteurs de sa génération, l’antimilitariste Né un 4 juillet d’Oliver Stone et surtout le Cocktail de Roger Donaldson en 1988. Si certains ne pourront n’y voir qu’un reflet désuet de son époque, Cocktail consacre pourtant de la même façon Tom Cruise en égérie cool de son époque, avant un revirement inattendu et dramatique creusant sa prestation d’acteur.
Parce que si depuis Tom Cruise a tourné avec les plus grands, c’est sa collaboration avec Steven Spielberg sur La Guerre des Mondes qui sonne la fin des prestigieux réalisateurs pour l’acteur. La promotion fut en effet désastreuse, entamée sur Le Dernier Samouraï et mettant au centre du message l’appartenance de Tom Cruise à la secte scientologue. Depuis, l’acteur ne s’est cantonné qu’à des films d’actions tenus par peu de franchises (Mission : Impossible, Jack Reacher, Edge of Tomorrow et Top Gun) signant en 2010 sa décennie la plus pauvre artistiquement. C’est donc entouré du peu de metteurs en scène qu’il côtoie aujourd’hui, Christopher McQuarrie, l’architecte (ici scénariste et producteur de Top Gun : Maverick), à l’œuvre depuis Jack Reacher jusqu’aux deux prochains opus de Mission : Impossible et Joseph Kosinki (Oblivion) qui sont derrière ce retour de Maverick.
Pilote touché
Que reste t-il alors de Top Gun dans sa suite, 36 ans plus tard, Top Gun : Maverick ? On connaît la propension de Tom Cruise à se raconter au travers de ses films, et ce dernier projet est peut-être l’un de ses plus personnels. Exit la gloire à l’armée américaine, Kelly McGillis, Take my Breath Away, malgré un retour d’ Harold Faltermeyer à la composition et de Jerry Bruckheimer à la production. Top Gun : Maverick voit ainsi Tom Cruise relire sa carrière et son statut de légende hollywoodienne à la manière d’un Clint Eastwood.
Maverick n’est plus qu’un renégat, moqué par la jeune génération, qui voit son statut d’icône immortelle se confronter au quotidien de ses anciens compagnons de route et à ses erreurs de parcours. Maverick est une légende, mais n’a pas de compagne, ni de famille, juste des exploits au compteur, et est confronté au doute (sublime scène avec Val Kilmer) comme Tom Cruise aujourd’hui.
Un peu plus près des étoiles
Devant sans cesse se remettre en danger pour prouver qu’il existe toujours, Top Gun : Maverick parle ici d’un des derniers purs héros américain et d’un sacrifice offert en pâture pour le grand spectacle. Loin du cool de Top Gun, le film de Joseph Kosinski laisse ainsi beaucoup de moments de suspension où Tom Cruise se trouve confronté à des vies qu’il n’a pas vécues, et d’un passé qui revient le lui rappeler de la plus douloureuse des manières.
Moins plaidoyer cool pour l’armée américaine et pur produit culte revenu faire du fan-service de bas-étage que l’œuvre intimiste d’un acteur relisant son propre statut de dinosaure, Top Gun semble ainsi ici rangé au placard pour proposer un blockbuster à l’ancienne. Plus intime et moins explosif qu’il n’y paraît, le passé est ici ressorti comme un fantôme, venu hanter un Maverick beaucoup plus fragile et faillible que dans ses jeunes années.