Wandering Souls est sélectionné pour le Prix des collèges du festival d’Angoulême 2021. Gage de qualité pour ce manga français surprenant.
Wandering Souls, écrit et dessiné par Zelihan, conte le destin atypique de la jeune Ayten. Bannie de son village car elle communique avec des carcasses d’animaux (presque aussi ragoûtant que le doigt de Jujutsu Kaisen), elle se réfugie dans la forêt. Dans un temple abandonné, elle rencontre Zêd, un shagaï (divinité locale) à l’apparence d’un enfant. Il ressemble à un humain car il est prématuré. Pour devenir un véritable shagaï, il lui faut trouver des os bleus. Avec Ayten, ils parcourent alors les montagnes à leur recherche. Cette production française en deux volumes est en cours de parution aux éditions H2T.
Expectations VS reality
Wandering Souls s’inscrit dans un décor hors du temps. Les présentations sont succinctes pour rapidement se focaliser sur le destin tragique d’Ayten, mais en montrent assez pour instaurer une ambiance mystique. Elle est issue d’un village traditionnel de chasseurs qui ne semblent pas s’inscrire dans une chronologie nette; comme s’ils avaient toujours été là, et qu’ils le seraient indéfiniment. Ceux-ci sont installés dans une forêt qui semble chaleureuse et accueillante. D’autant qu’elle cache des temples abandonnés anciens empreints d’une aura mystérieuse des temps passés. Un cadre, en somme, aux allures propices à l’établissement d’une intrigue enchantée.
Pourtant, il ne s’agit que d’apparence ; Wandering Souls entame rapidement les hostilités. Dès son premier chapitre, ce shonen bascule rapidement dans le glauque. Le lecteur se sentira rapidement dérangé par le contraste fort entre ce décor accueillant et ce qu’il s’y déroule. Voir un enfant discuter avec des carcasses d’animaux et se blesser grièvement à plusieurs reprises choque indubitablement. Suite à cette mise en bouche des plus crues, la face cachée des bois se découvre ; ils recèlent de créatures maléfiques et la mort y semble omniprésente.
Les masques tombent
Wandering Souls tire sa force de l’écriture soignée de ses personnages. Zelihan explore la psychologie de l’enfant pour nous exposer des portraits recherchés qui évoluent au fil de l’intrigue. Ayten se caractérise rapidement comme impulsive et profondément meurtrie par les rejets qu’elle a subi durant toute son enfance. L’on peut alors établir un parallèle avec Zêd, lui aussi abandonné par les siens. Le manque de confiance en lui est également causé par le rejet, ce qui le pousse à mentir constamment pour être accepté. On se trouve donc en présence de deux petites fortes personnalités marquées par leur immaturité. Un duo avec lequel il semble difficile de s’ennuyer !
Cette production se révèle toutefois un peu molle. L’intrigue a du mal à avancer en raison des mensonges de Zêd qui la ralentissent. Dès lors, l’objectif principal du manga, à savoir exposer la nouvelle vie d’Ayten dans une forêt inhospitalière, n’émerge vraiment que dans son dernier tiers. Sachant qu’il se conclut en seulement deux tomes, tant s’attarder sur les seuls portraits de ses personnages au détriment d’autres aspects, est un pari risqué…
Et, malheureusement pour lui, ses planches n’aident pas vraiment à s’immerger dans cette aventure. Les plans ne font pas frémir par leur recherche; les angles de vue demeurent tout à fait classiques et ne prennent pas de risques. Pour autant, Zelihan parvient à doter ses personnages d’expressions faciales convaincantes.
Bonne surprise
Wandering Souls démontre que les mangas français ont du potentiel pour rivaliser avec les productions japonaises. Zelihan nous expose une aventure atypique marquée par le soin qu’elle accorde à l’écriture de ses protagonistes. Et, malgré un trait de crayon encore un peu sec, l’atmosphère à la fois mystique et glauque de ce shonen happe le lecteur.