Toxique est un recueil de petites histoires de toxicité, souvent issues de témoignages ou d’histoires vécues, dans nos relations, au travail, en vacances. Et si c’est un miroir de nos vies, l’ouvrage interroge sur ce qu’il reflète.
Il est venu le temps de la psychanalyse et des œuvres qui nous font faire notre thérapie, si ce n’est pas déjà fait. Et c’est une bonne chose. Il y a peu, la série Bref 2 a mis des gens en souffrance, les poussant à l’introspection et la remise en question de leur choix de vie. Certains ont même compris qu’ils étaient « le mec du film », soit le personnage toxique.

L’ouvrage qu’on tient entre les mains propose une expérience approfondie sur la toxicité, vécue, subie, peut-être infligée. On ne sait pas si on va lire quelque chose de drôle, ou quelque chose d’un peu moralisateur. Ni l’un ni l’autre (normalement). Le dessin reste simple, compréhensible, souvent répétitif. On peut même se demander s’il était utile d’illustrer des conversations. Les personnages sont interchangeables, le lieu de leurs échanges est rarement important. Mais après digestion (comprendre : avoir dormi et laissé reposer en tête), on comprend que c’était LE format qu’il fallait. Des choses sont montrées, comme justement le fait que la toxicité n’a pas de genre ou de classe sociale. Et surtout les réactions des personnages victimes.

Parfois ils n’ont plus de visages, d’autres fois ils sont dans l’obscurité ou de dos. Et c’est là que ça en dit le plus. Une relecture rapide, en observant particulièrement les visages, apporte encore au propos. Ainsi, le trait n’est pas si simple. Les strips effeuillent des morceaux choisis de la vie, et ce qu’ils renvoient fait sourire, mais jamais vraiment rire. Car hélas la plupart des histoires sont vécues, et c’est pour ça qu’on s’y retrouve.
C’est drôle parce que c’est vrai (non)
Dans Toxique, l’intérêt d’aborder la toxicité dans plusieurs domaines, comme le travail, la famille, l’amour, n’importe quel endroit où des relations humaines s’établissent, c’est que le rendu peut évoluer au fil de cette lecture- miroir. A nous de voir ce que ça reflète. Car tel un T-1000, ce miroir liquide protéiforme peut nous renvoyer tour à tour le reflet de ce que nous subissons, ou de ce que nous faisons nous-même aux autres. Le sujet n’est pas binaire et les situations présentées permettent de placer un curseur.

A minima, ça dénonce. L’objectif n’est pas de moraliser, il s’agit « juste » de montrer des scénettes, pour voir justement où ça coince, où ça gratte. Et il y a plusieurs façons de le vivre. Le postulat est que ces situations ne sont pas normales. Si vous les subissez, vous pouvez en voir le ridicule. C’est toujours plus facile de voir un problème quand il s’agit de quelqu’un d’autre. Si dans une histoire rien ne nous choque, il faut relire et comprendre quel est le comportement anormal. Enfin, il se peut que nous soyons la personne toxique.
C’est grave docteur ?
On comprend qu’il devient difficile de considérer quelqu’un, ou de se considérer soi-même comme complètement innocent. La violence de la manipulation, des desseins égoïstes ou des jugements peut nous être familière. Cette violence, on ne s’en rend pas toujours compte, voir jamais, et l’objectif de Toxique est justement de nous la montrer. A travers un regard extérieur, de ce côté de la barrière c’est plus facile là aussi. Et une fois qu’on sait, alors on peut décider de ce qu’on en fait. Mais ce travail n’est plus celui de l’auteur. L’intention est de montrer la violence absurde des situations pour qu’on décèle ces mêmes absurdités dans nos vies. Le dernier chapitre est là pour clarifier si c’était nécessaire. Ça fait mal ? Possible. Mais si une simple graine de réflexion peut germer, ça peut faire du bien, pour nous et pour les autres. Le reste ? C’est une autre histoire.
Toxique, de Matthias Bourdelier, sortie le 11 avril

Avis
Toxique se lit facilement, avec le juste dosage de verbosité. Il nous permet de tout lire ou de prendre les histoires selon que les titres nous inspirent, comme des pickles.