Totems voit s’allier Gaumont avec Amazon Prime Video pour la première série d’espionnage française de la plateforme. Une promesse aussi ambitieuse que prenante.
Totems marque une ambition nouvelle pour Amazon Prime Video. S’alliant ici avec Gaumont, la plateforme déploie ici, après plusieurs récupérations de productions françaises passables et l’annulation injustifiée de l’excellente Mixte, une véritable promesse d’un genre typiquement américain. Réunissant à la création Juliette Soubrier et Olivier Dujols, à qui l’on doit notamment son travail de scénariste sur Le Bureau des Légendes, et les réalisateurs Antoine Blossier (Rémi Sans Famille) et Jérôme Salle (Anthony Zimmer, Largo Winch, Zulu), le casting n’est pas en reste avec Niels Schneider, Lambert Wilson, José Garcia et Ana Girardot. Une proposition alléchante qui dévoile sa mécanique parfaitement bien huilée au détour de ses trois premiers épisodes.
Mensonges d’une époque troublée
Totems débute en 1965, en pleine Guerre Froide. Un jeune scientifique français (Niels Schneider) se trouvera contraint, comme une jeune pianiste russe (Vera Kolesnikova), de jouer les espions pour leurs camps respectifs autour d’arme nucléaire et d’exploration spatiale. Et, que ce soit au niveau de l’ambiance, comme de l’interprétation et du scénario, tout s’avère ici d’une imparable efficacité. On plonge ainsi dans Totems avec une tension déjà habilement menée, au détour d’une scène d’exfiltration entre la frontière russe et allemande, pour un scénario dont l’imposante galerie de personnages et d’un contexte géopolitique contrarié n’empêche en aucun cas l’habile fluidité.
Parce qu’au-delà de son ambition d’une série d’espionnage parfaitement menée, la série de Juliette Soubrier et Olivier Dujols, n’en oublie pas, comme dans Mixte sur une toute autre tonalité, de faire vivre derrière sa belle reconstitution, tout le miroir d’une époque pas si lointaine. Abordant de front la condition de femmes emprisonnées, de situations conjugales étouffantes dictées par le regard de mœurs très étriqués, Totems peut en plus compter sur son prestigieux casting. S’il est ainsi réjouissant de retrouver José Garcia dans un rôle dramatique après plusieurs comédies ratées sur grand écran (et excellent dans Le Couperet de Costa-Gavras), Niels Schneider confirme ici de par son charisme d’un autre temps, toutes les belles espérances placées en lui.
Guerre (trop) froide
Malheureusement, toute cette belle mécanique épousant de front son conflit tendu et anxiogène se décalque pour le moment un peu trop sur ses personnages. On ne s’attache ainsi pour le moment à aucun d’entre eux, et la relation qui se noue entre le jeune scientifique français campé par Niels Schneider et son alliée russe Vera Kolesnikova paraît pour le moment bien trop glaciale pour transparaître au-delà du scénario. Si l’ensemble du casting s’avère parfait et impliqué, on espère ainsi voir dans la suite de Totems voir éclore quelques émotions palpables et sentiments humains réussir à s’exprimer au milieu de cette intrigue menée tambour battant.
Parce qu’on trouve pour le moment les plus belles scènes de Totems lorsque celles-ci sont empreintes d’une tension palpable, délaissant malheureusement de beaux instants de confrontation entre deux existences sacrifiées pour le bien commun. Un défaut qui n’impacte pour le moment que très peu cette proposition haletante et réussie, la plaçant pour le moment aisément, comme l’une des plus belles réussites de la plateforme et du savoir-faire français, qui prouve ici une fois de plus qu’il sait, quand il en a les moyens et l’ambition, sortir des sentiers battus avec beaucoup de maîtrise et de talent.