Série britannique diffusée en début de mois sur Channel 4, The Undeclared War nous aura offert une virée politique pertinente au sein d’un techno-thriller efficace !
En 2024, le service gouvernemental britannique du renseignement et de la sécurité informatique (GCHQ) est victime d’un hack paralysant également tout le système électoral du Royaume Uni. Comme toujours, les anglais parviennent à nous offrir de petits bijoux télévisuels et The Undeclared War n’y fait pas défaut. Une intrigue ancrée dans l’actualité politique, une réalisation aux petits oignons et un casting dingue, c’est à ne pas louper.
Écrite et réalisée entièrement par Peter Kosminsky, à qui l’on doit notamment des films télévisuels comme Warriors, Britz ou l’excellente mini-série The State, The Undeclared War se compose de 6 épisodes parfaitement tenus, même si certaines dérives narratives peuvent paraître superflues face au propos initial. C’est histoire de chercher la petite bête parce que ce show, qui pourrait très bien être développé dans une éventuelle saison 2, nous aura scotché tout du long.
Mr Roboto
Comme focalisation principale, on nous offre Saara Parvin (premier rôle pour la jeune Hannah Khalique-Brown et qu’on reverra sûrement très prochainement partout), une étudiante en informatique admise en stage au GCHQ, pile au moment où une attaque non-revendiquée en provenance de la Russie paralyse toute l’infrastructure des télécoms britanniques, y compris le système de comptage des votes. En pleine élection du nouveau premier ministre, on suit donc cette déstabilisation électorale d’un angle inédit, celui de la cybersécurité, à la fois en Angleterre et en Russie, d’où provient l’attaque.
Surfant inévitablement sur l’actualité géopolitique actuelle, la série tire également sa force d’un discours progressiste où sont pointés du doigts des stigmatisations de l’électorat immigré, privé de son droit de vote suite au hack. De quoi faire pencher la balance et affirmer une fracture sociale qui se trouve très justement mise en scène entre le déchirement familial de notre protagoniste et son boulot illisible, derrière son écran. Pourtant, loin d’un Mr Robot au postulat révolutionnaire (oui, on t’aime Sam Esmail), la direction choisie par The Undeclared War préfère mettre en avant la désinformation qui entoure les élections des pays (pourtant démocratiques) en critiquant directement la manipulation de masse des médias.
Le récit vient remettre en cause les directives gouvernementales, promptes à choisir la voix belliqueuse plutôt que la raison. Une guerre officieuse mais terriblement publique dont The Undeclared War préfère dénoncer la remise en question de la véracité des révélations relayées par les journaux télévisés. Aussi bien au Royaume Uni qu’en Russie, l’utilisation de propagande, de montage alternatif, d’images truquées ou d’effets visuels permet de diffuser une fausse information auprès du grand public, si bien que celle, pourtant véritable, semble elle aussi controversée.
Dans The Undeclared War, la menace d’une cyber-déstabilisation politique crée le mécontentement et le chaos au moyen de vérités fabriquées. Ainsi, une véritable chasse aux sorcières s’enclenche, imageant une escalade de représailles dont aucun ne peut sortir vainqueur et où chacun avance à tâtons. A l’image de nos hackers, perdus dans des lignes de codes, incapables de lire ce qui semble s’y cacher. A ce titre, la virtualisation du coding, avec des séquences en troisième personne où les protagonistes évoluent dans des environnements surréalistes et interchangeables, aident à visualiser le travail effectué derrière les claviers, même si le réalisme et l’abstraction de l’écran de Eliott nous manque terriblement…
A l’aide d’une caméra précise, lancinante et intrusive, tentant de traduire l’abstractivité du coding par des voyages ludiques, la réalisation de Peter Kosminsky fait des merveilles en s’effaçant justement des clichés du techno-thriller pour s’en servir comme d’un guide, afin de mieux développer son propos engagé. Pour l’aider, le bonhomme a bien pris soin de s’entourer d’acteurs au charisme évidents, du timide et introverti Mark Rylance au génial et sympathique boss du GCHQ, Simon Pegg. Encore une fois, l’acteur prouve qu’il fait des étincelles dès qu’il se trouve face à une caméra, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’un rôle dramatique lui sied à merveille.
Si on voulait chipoter, on pourrait dire que certains arcs scénaristiques paraissent vainement développés pour finalement s’éteindre brutalement sans avoir apporté grandement à l’intrigue sinon une certaine temporisation sur l’action principale. Ainsi une multiplicité des fils narratifs secondaires permet d’enrichir l’empathie envers les personnages, mais n’a que peu d’intérêt au regard de la thématique politique de The Undeclared War. Également, même si la répétition des tâches apposées aux hackers tend à tourner en rond, plusieurs scènes de meetings politiques tentent de faire pareil et viennent nuire à l’ensemble alors que les décisions des dirigeants paraissent immuables, sans aucune évolution possible pour des personnages qui, du coup, restent enclavés dans leur stéréotype. Ça reste anecdotique, mais on se devait de le dire.
Encore une fois la télévision britannique nous aura offert avec The Undeclared War une mini-série pertinente, brisant les codes du techno-thriller pour dénoncer la manipulation de masse et la désinformation politique. Une série démocratique, une série nécessaire.
The Undeclared War est disponible sur Channel 4.
Avis
Sans compter la présence étincelante de Simon Pegg, The Undeclared War est avant tout un techno-thriller où le hacking ne sert qu'à mettre en avant le propos démocratique d'une série politisée et engagée.