The Franchise transfigure un plateau de blockbuster super-héroïque hollywoodien en terrain idéal de satire, où la douloureuse vérité n’est malheureusement jamais loin.
The Franchise, en prenant pour décor le milieu du blockbuster super-héroïque hollywoodien, propose déjà sur le papier un ressort de comédie tout bonnement idéal. Il suffit ainsi de se pencher sur les vidéos de making-of de productions du genre récentes, et de constater l’absurdité de ces tournages où se répètent les tristes spectacles d’acteurs couverts de prothèses déambulant, dans des gigantesques hangars, devant d’immenses fonds verts. Des galipettes sur des tapis de sport et des émotions dignes d’un spectacle shakespearien doivent alors jaillir de l’interprète, se trouvant devant un figurant recouvert d’une tenue verte fluo.
Et l’on ne parle même pas des scénarios, devenant de plus en plus limités car devant répondre à un cahier des charges de plus en plus immense, limitant ainsi la créativité aux univers partagés et autres productions à la chaîne censés simplement remplir un catalogue. The Franchise, c’est tout cela à la fois, mené sous la houlette de Jon Brown et d’Armando Iannucci, tous deux à la fois scénaristes, réalisateurs et producteurs passés notamment sur des projets tels que Veep, Succession, La Mort de Staline et Shaun le mouton. S’y accole à cette liste de talents le nom d’un certain Sam Mendes, officiant en tant que producteur et metteur en scène du premier épisode, plan séquence millimétré de la zone sous haute tension qu’est un plateau de cinéma.
Héros cachés
The Franchise suit donc de suivre les coulisses impitoyables d’une équipe qui réalise une franchise de films de super-héros, milieu dans lequel le chaos règne et où chaque raté cache une anecdote originale. Et il ne s’agit jamais pour la série d’asséner de multiples clins d’œil ou de grossières références pour que du nom de sa société de production, en passant par les synopsis, les problèmes de production en passant par les titres de films choisis, tout fasse immédiatement penser à une comédie aux relents tristement documentaires. Intelligence d’écriture, dialogues au cordeau faisant monter crescendo problèmes et situations comiques font ainsi merveille dans The Franchise.
L’interprétation n’est pas en reste avec des pointures s’en donnant à cœur joie, d’Himesh Patel à Daniel Brühl (toujours aussi génial après Becoming Karl Lagerfeld, depuis qu’il a quitté… Marvel) en passant par Aya Cash, Jessica Hynes et Richard E. Grant. Tous incarnent à la perfection ces héros de l’ombre, de l’assistante au régisseur, gérant des plateaux de tournage sous la pression de productions faisant absolument tout pour les faire disparaître de manière légale. Demandes et caprices absurdes, réécritures tardives, privation de budget ou crises d’égos, l’on a l’impression dans The Franchise de revivre avec malice dix années d’actualités cinématographiques resservies avec un humour décapant.
De cape et d’effets
Parce que derrière les échanges comiques absurdes absolument hilarants (un acteur qui pense devenir un mouton, ou bien un figurant incontinent condamné à rester enfermé dans un costume des heures durant), et le fourmillement d’idées, de gags et de personnages à un débit continu sur un peu plus d’une vingtaine de minutes par épisode, The Franchise, fait aussi et surtout froid dans le dos. Parce que derrière l’humour ravageur, se cache la réalité d’un cinéma hollywoodien nous resservant la même tambouille, au mépris de l’inventivité et resserrant les budgets sur des créateurs d’effets spéciaux au bout du rouleau et de petites mains lessivées.
The Franchise dresse ainsi un tableau bien noir des studios et de leur incapacité à s’extraire du même type de productions, d’un modèle étouffant absolument toute audace et écrasant tout sur son passage, des hommes en passant par l’art. L’audace de la série, faisant de son sujet un terrain de satire comique idéal, aurait également pu fonctionner au premier degré, et aurait ainsi pu, de par son côté documentaire et son constat peu reluisant, parvenir à tout simplement faire froid dans le dos, sans aucun sourire et laisser poindre une totale inquiétude pour l’avenir de notre précieux septième art.
The Franchise est disponible sur MAX.
Avis
The Franchise est aussi hilarant que triste dans son constat quasi documentaire de l'état du blockbuster hollywoodien actuel. Derrière les dialogues hilarants, les gags et idées à profusion, la série recèle un tableau bien peu reluisant qui fait autant rire que réfléchir avec désespoir à l'avenir du cinéma.