The Changeling est la nouvelle grosse série d’Apple TV. L’adaptation du bouquin éponyme nous place ainsi auprès d’un père de famille, qui va tenter de retrouver son enfant et sa femme dans un univers teinté de fantastique et d’horreur. Un canevas original qui séduit avant tout de par sa manière d’appréhender le genre.
Les plus grands et les convertis le savent : la marque d’une œuvre fantastique de qualité tient dans sa manière de traiter de problématiques du réel par le prisme du genre. Ainsi The Changeling s’appuie sur un canevas tout à fait tangible en lien avec la parentalité, avant de basculer vers l’horreur. Les prémices sont donc les mêmes que dans le roman éponyme de 2017 signé Victor LaValle, étendues en série par la scénariste/showrunneuse Kelly Marcel (Terra Nova, Dans l’Ombre de Mary, Venom).
Coup de foudre à Manhattan
The Changeling nous présente Apollo Kagwa (Lakeith Stanfield), alors qu’il rencontre Emma Valentine (Clark Backo), une bibliothécaire new-yorkaise. De fil en aiguille, cette relation va évoluer en amour des plus sincères, tandis que quelques flash-back parallèles nous content la jeunesse de Lilian Kagwa (la mère d’Apollo donc) dans les 70’s.
Alors qu’Apollo et « Emmy » se retrouvent après que cette dernière ait fait un voyage au Brésil, la naissance de leur enfant va être le début d’une série d’évènements plus étranges les uns que les autres. Et après ce qui s’apparente à un funeste traumatisme, Apollo va tenter de retrouver sa femme et son enfant, en visitant des recoins abandonnés de New York.
La passion avant le frisson
The Changeling désarçonne et intrigue dès son très bon épisode pilote signé Melina Matsoukas (Queen & Slim), où la note d’intention est simple : placer les sentiments et l’humain au premier plan, tandis que l’occulte et le fantastique va croître de manière insidieuse. En effet, via des inserts utilisés à la fois avec parcimonie et efficience, Matsoukas construit ce couple principal à l’alchimie débordante (jusque dans une scène de métro irrésistible), et au capital sympathie immédiat !
Le talent de Lakeith Stanfield (Le Manoir Hanté, Judas & the Black Messiah), aussi excellent en amoureux transi que père endeuillé rongé par les remords, et Clark Backo (jouant sur un tableau pétillant et également plus sinistre) y est évidemment pour quelque chose, parvenant à rapprocher ces deux âmes complémentaires avec une aisance déconcertante, supplantant déjà une bonne caractérisation du personnage plus flou/survolé de la mère Kagwa. Ce sont eux la charpente de The Changeling, et la série ne loupe jamais le coche quand il s’agit de traiter ses personnages via leurs doutes, rêves et malheurs !
Il faut vraiment voir les 3 premiers épisodes comme un seul pilote, dans chacun fait à la fois avancer l’intrigue, mais s’articule comme la profession de foi de The Changeling. En effet, alors que tout semble aller pour le mieux pour le couple principal, Emmy va commencer à devenir paranoïaque et penser que son enfant n’est in fine pas le sien. Alors que nous suivons l’intrigue avant tout du point de vue d’Apollo, c’est évidemment la dépression du post-partum que la série décide de mettre en lumière.
Un focus tout à fait bienvenu et traité avec une étonnante forme d’authenticité, avant de définitivement basculer vers l’œuvre de genre passées les 3 premiers épisodes. Dès lors, The Changeling parvient toujours à intriguer et rajouter quelques petites sur-couches créatives pour faire du récit une sorte de conte plus désenchanté et noir. Le tout en puisant même dans le folklore germanico-scandinave, ou bien l’histoire même de New York avec la North Brother Island (son hôpital réellement désaffecté offre un setting complètement pertinent dans la seconde moitié de cette saison 1).
The Changeling : l’art du trop-peu
La réelle faiblesse de The Changeling ceci dit tiendra cependant dans cette gestion du fantastique, définitivement au rabais vis-à-vis de ses intentions pures. Un goût de trop peu en fin de compte ! Le début de cette saison marche sur un équilibre tenu, usant de quelques visions de cauchemars (le retour du père !), de « l’inquiétante étrangeté » (prémonition maléfique de sorcière, sensation d’être observé..) et d’un mystère global donnant du coffre au voyage émotionnel d’Apollo.
Car oui, si The Changeling accuse d’un certain manque d’imagination flagrant en terme de production design ou bien de représentation d’un monde caché aux frontières du réel, c’est définitivement les personnages qui se veulent le moteur du récit. Et outre les acteurs impeccablement castés (dont un Samuel T. Herring campant un personnage pour le moins surprenant), la série jouit d’un certain soin de fabrication global.
Parentalité démystifiée
Outre cette mise en scène carrée, le caractère fonctionnel global ne retrouve que trop rarement la douce sensibilité du pilote de Matsoukas, malgré un épisode 7 relativement audacieux centré sur la catharsis du personnage de Lilian Kagwa. Un épisode déroutant mais in fine touchant, parvenant à redonner une certaine place à la figure matriarcale, jusqu’alors curieusement délaissée passés les 2 premiers épisodes.
Il faudra cependant s’armer de patience, car cette saison 1 se conclue presque sur le début d’un plus grand voyage après d’évidentes révélations qui ne permettent pas encore de comprendre toutes les règles de cet univers. Quoiqu’il en soit, The Changeling se présente comme une chouette surprise malgré quelques heurts regrettables. Une saison 1 intrigante et pertinente dans ces thématiques abordées, portée par un casting réussi.
The Changeling débute sur Apple TV le 8 septembre 2023
avis
Sous ses airs de Rosemary's Baby version light, The Changeling dresse un portrait touchant, authentique et pertinent de la parentalité dans un écrin fantastique plutôt timoré. Malgré tout, c'est dans son économie que cette saison 1 intrigue au fur et à mesure, portée par son très bon casting. Reste à voir où nous mènera la suite du voyage !