The Brutalist arrive enfin sur les écrans français, en plein buzz pour ses nominations aux Oscars. C’est une fresque longue de 3h34 avec entracte et réalisée avec des moyens dérisoires (10 millions de dollars) ce qui est ridicule pour ce type de projet à Hollywood.
Le réalisateur, Brady Corbet (Vox Lux), s’attaque au mythe du rêve américain à travers la figure d’un architecte hongrois, László (Adrien Brody), survivant de l’holocauste, fuyant la misère de l’après guerre dans son pays. Il rejoint un cousin qui s’est installé dans le pays longtemps auparavant et il se retrouve rapidement à travailler sur un projet d’ampleur pour un puissant et riche entrepreneur qui souhaite la création d’un lieu à la hauteur de sa mégalomanie (interprété par Guy Pearce).

Suite à sa projection au festival de Venise en 2024 (Lion d’argent du meilleur réalisateur), la critique s’est très vite emballée sur le film. On a eu le droit aux classiques louanges à base de « chef d’œuvre » et aux multiples comparaisons avec les grandes fresques qui ont fait les lettres de noblesse au cinéma américain (Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino pour n’en citer qu’un).
Une fois qu’on pose notre regard sur l’œuvre, il faut avouer que l’ampleur inhérente à ce genre de projet est bien présente. Outre la durée de The Brutalist qui lui permet de traiter son sujet en profondeur, Brady Corbet approche avec finesse sa mise en scène mettant toujours en avant la psychologie de ses personnages qui prennent ainsi pleinement vies.

Retrouver le grand cinéma
Le cinéaste construit sa narration en deux grandes phases, accompagnée par une troisième et dernière partie qui aurait mérité un traitement plus long et complexe (ce qui est assez paradoxal pour un film de 3h34). À l’image des grandes fresques dont il s’inspire, Corbet développe son sujet avec parcimonie, faisant apparaître des personnages clefs seulement en seconde moitié du récit. Sans entrer dans le détail du déroulement de l’histoire, il s’inspire fortement d’un architecte de renom, Marcel Breuer, ce qui lui permet d’apporter un semblant d’ancrage dans le réel qui rend le film plus palpable. Certes, il y a quelques facilités par rapport au traitement du sujet de l’architecture brutaliste en elle-même et il nous impose pour une énième fois dans l’histoire du cinéma la figure de l’artiste torturé et solitaire… Bref, il ne réinvente pas la roue, mais d’une certaine manière il ne le prétend pas. À l’heure du streaming, le cinéaste cherche à retrouver les lettres de noblesse du cinéma en allant à contre-courant avec ce qui se fait actuellement et cela fonctionne !
De plus, le 7ème art étant avant tout un travail d’équipe et on ne peut que saluer la superbe musique de Daniel Blumberg, à la fois sobre et magnétique et qui structure impeccablement le film. On se souviendra longtemps de ce plan d’ouverture tout aussi bien pour le choix du plan séquence qui nous immerge dans le récit que pour pour la musique qui culmine à la fin du plan, offrant un moment d’extase en accord parfait avec l’émotion ressenti par László à cet instant de son histoire.

Au centre du film, l’acteur Adrien Brody revient au devant des projecteurs avec une prestation tout en nuances, pleine de volonté et de passion pour le sujet et son personnage. Malgré le débat sur l’utilisation de l’IA pour améliorer les accents hongrois des personnages, qu’on ne fera que mentionner ici car cela mérite un autre article, il livre une très sincère et touchante performance. C’est également le cas pour l’ensemble de l’équipe impliqué dans le projet devant et derrière la caméra. Aux côtés de Brody, le rôle de Felicity Jones qui joue Erzsébet Toth (épouse de László) prend une ampleur remarquable dans la seconde partie du film.
Portrait viscéral de l’Amérique
Si The Brutalist s’inscrit dans une tradition de la fresque américaine, il en joue beaucoup avec les codes pour mieux les actualiser. Il propose ainsi un portrait bien plus sombre et viscéral des États-Unis, loin des fantasmes. Le doux rêve américain de László et de ses compatriotes est vite démoli par une société qui semble les accueillir, mais qui les méprise de tout son être. On souligne la performance de Guy Pearce en riche magnat mégalomane qui incarne avec férocité cette haine et, n’ayons pas peur des mots, cette stupidité crasse.
Au final, est-ce que The Brutalist mérite vraiment le titre de chef-d’œuvre ? Eh bien, seul le temps et les revisionnages futurs nous le diront. Pour l’heure, c’est une fresque américaine qui a su trouver sa singularité avec une mise en scène intelligente, des performances subtiles de ses acteurs et bien entendu par le traitement d’un sujet d’une grande richesse. On est moins convaincu par son épilogue qui arrive un peu comme un cheveu sur la soupe, mais il n’en reste pas moins que The Brutalist est un film qui reste longtemps en mémoire après sa découverte… Et à l’heure du trop plein de « contenu », voir un film qui a toute sa place dans les salles obscures et qui laisse un véritable souvenir, c’est à la fois une petite victoire pour le 7ème Art et un grand plaisir pour le spectateur.
The Brutalist sort le 12 février 2025 au cinéma.
Avis
Est-ce que The Brutalist mérite vraiment le titre de chef-d’œuvre ? Eh bien, seul le temps et les revisionnages futurs nous le diront. Pour l’heure, c’est une fresque américaine qui a su trouver sa singularité avec une mise en scène intelligente, des performances subtiles de ses acteurs et bien entendu par le traitement d’un sujet d’une grande richesse. On est moins convaincu par son épilogue qui tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, mais il n’en reste pas moins que The Brutalist est un film qui reste longtemps en mémoire après son visionnage… Et à l’heure du trop plein de « contenu », voir un film qui a toute sa place dans les salles obscures et qui laisse un véritable souvenir, est à la fois une petite victoire pour le 7ème Art et un petit délice pour le spectateur.