Parce qu’on est décidément très en retard, on vient seulement de terminer The Alienist qui conclue sa saison 2, et peut-être son épopée télévisuelle, magistralement.
Notre trio d’enquêteurs tente de retrouver une voleuse d’enfants en bas âge, mais également tueuse en série. Diffusée cet été sur la TNT, The Alienist : Angel of Darkness (notre critique du season premiere) retrouve avec saveur son ambiance si creepy dans un développement de personnages follement pertinent et qui s’apparenterait presque à une délicate conclusion.
Toujours adaptée à la lettre des romans de Caleb Carr, la série poursuit son bonhomme de chemin dans un New York cosmopolite mais terriblement xénophobe, à la toute fin du XIXe siècle. La première saison se voulait introductive, plus classique dans sa construction et sa focalisation pour nous permettre d’appréhender cette période de révolution industrielle et démocratique. De cette entrée en matière, ces nouveaux épisodes tentent de renverser la vapeur en mettant en avant une intrigue et des protagonistes féministes. Une bouffée d’air frais dans un format trop souvent patriarcal pour illustrer un postulat qui se veut à la hauteur des revendications de The Alienist.
Hello darkness, my old friend
Avec l’exceptionnelle Elle Fanning, magnétique à chacune de ses apparitions, The Alienist : Angel of Darkness met la jeune détective au centre de son fil narratif. Daniel Brühl et Luke Evans ferment avec élégance le trio, en prenant soin de rester en retrait pour continuer de valoriser l’émancipation de Fanning. Cette fois face à une tueuse, une voleuse de nouveaux nés, cet antagonisme féminin finit d’apposer un récit inclusif du plus heureux effet à une série sombre comme nulle autre.
Prenant place dans une maternité où les femmes sont stérilisées comme des animaux, isolées, spoliées, humiliées, l’enquête et furieusement glauque, brutale et sans concession, pour finir de montrer l’inconcevable place de la femme dans une Amérique puritaine et conservatrice. L’intellect au milieu de la bourgeoisie bien-pensante et démagogique. Les flics masculins sont ridiculisés par l’enquêtrice quand la psychopathe, plus dangereuse que ses compères à moustache, passe son temps à se volatiliser, à l’instar des spectacles de l’illusionniste Houdini.
Car en plus d’une écriture engagée, The Alienist : Angel of Darkness s’inscrit dans une reconstitution soignée, en distillant ici et là références syndicales ou révolutionnaires tout en peignant une ambiance empreinte de changement dans le paysage occidental. Des premières automobiles à la construction de gratte-ciels, le show de TNT s’insurge également contre le journalisme jaune, sensationnaliste, la corruption ou l’imminente guerre contre l’Espagne. De quoi nous offrir une série aussi novatrice que terriblement angoissante.
Tout y est oppressant, de l’image noire et granuleuse à la musique organique, plaintive, douloureuse. The Alienist présente non seulement les ravages psychologiques et déviances de l’esprit humain mais le fait dans un thriller haletant, à la tension palpable, sans faute de rythme. Ainsi, à l’imagerie gothique dégoulinante, presque lovecraftienne, vient s’ajouter une narration lancinante, brumeuse où jump scares et violence crue, plein cadre, finissent de faire de la série un must-see pour les fans du genre.
Dérangeante à bien des endroits mais indéniablement fascinante, The Alienist : Angel of Darkness s’offre même le luxe de nous gratifier d’une fin satisfaisante. Du grand art.