T’es toi ! est un seule en scène plein d’humour et de finesse, dans lequel Éva Rami nous plonge dans son parcours pour devenir comédienne.
Après nous avoir raconté le passage périlleux de l’adolescence à l’âge adulte en 2014 avec son premier seule en scène, Vole !, Éva Rami revient nous raconter la suite des aventures du personnage d’Elsa dans ce second volet. L’occasion pour nous de découvrir cette artiste qui est sans aucun doute notre révélation de cette fin d’année !
Des personnages plus vrais que nature !
Nous suivons donc le parcours d’Elsa, dont l’obsession pour le théâtre l’amène à intégrer le conservatoire de Nice, malgré l’incompréhension de son père – figure centrale de l’histoire. Elle raconte le travail acharné, les cours avec des professeurs parfois sexistes et humiliants, d’autres fois excessivement empathiques et un peu barrés. Ce qui donne lieu à quelques scènes désopilantes, notamment avec Claudette, cette fameuse prof qui semble planer dans une autre dimension !
D’autres émotions nous saisissent parfois, notamment lors du tournage de son premier court-métrage avec un réalisateur misogyne. Et puis il y a cette attendrissante « mémé », que l’on a envie de prendre dans nos bras et qui nous semble tellement présente que s’en est troublant. C’est d’ailleurs le cas pour chacun des personnages tant il y a de finesse dans leur construction et leur incarnation.
En effet, tous sont travaillés avec une précision impressionnante, tant dans la posture, la gestuelle, les mimiques, la voix, ou encore l’énergie. On a l’impression de véritablement voir chacun d’eux ; et on en vient même à regarder ces personnages invisibles sur une scène vide (!) en même temps que la comédienne lorsque la prof de théâtre qu’elle incarne se place à notre niveau pour animer son cours ! L’illusion est parfaite !
Une maîtrise impeccable
Une très jolie présence, une belle sensibilité, une diction parfaite, une énergie étonnante, une subtile maîtrise du rythme… et on pourrait continuer ainsi l’énumération longtemps. En résumé : Éva Rami est tout simplement épatante. Pour tout dire, nous avons rarement été à ce point bluffés par la qualité de jeu d’un(e) artiste dans un seul(e) en scène.
Et on ne peut qu’être admiratif de tout le travail que l’on devine en amont et qui rend ce spectacle absolument brillant. Ainsi, si le personnage d’Elsa confie être « esclave d’une sensation d’illégitimité permanente » sur scène – sensation encouragée par le manque de soutien d’un certain nombre de proches et professeurs – T’es toi ! offre une belle leçon de vie et encourage à oser poursuivre ses rêves, en dépit des peurs et des doutes qui parsèment le chemin. À oser être soi.
Un envoûtement
On reste scotché d’un bout à l’autre devant cette incroyable valse de personnages qui se succèdent à un rythme assez dingue, souvent même au cœur d’une même scène. Et cela sans que jamais la comédienne ne trébuche. Tout est fluide, dosé juste comme il faut, dans une mise en scène efficace à laquelle des jeux de lumière et de fumée très aboutis apportent une touche de mystère, de surréalisme.
Et puis, il y a ces touches de poésie, comme de petites parenthèses qui viennent distiller l’émotion dont ce spectacle avait besoin pour permettre à chacun de s’identifier à des éléments de l’histoire. Ainsi, la comédienne prend parfois le ton de la confidence et offre quelques moments très touchants. Comme lorsqu’elle nous parle de la déception de son père qui rêvait pour elle d’une carrière de médecin ou d’avocate ; ou dans la dernière partie du spectacle où semble jaillir d’elle tout ce qu’elle avait contenu jusqu’alors, mélange de rage, de désillusion, de combativité.
Et puis il y a ces tout derniers instants, d’une infinie délicatesse, où tout ralentit soudain à la lueur d’une flamme qui vacille. Véritable étreinte poétique. Le voilà, le coup de cœur de cette fin d’année que nous attendions…