Tentacules s’engouffre dans la voie ouverte par les Dents de la mer ; l’horreur en mer peut rapporter gros dans les années 70. À condition qu’il y ait de l’horreur…
Tentacules émerge à l’idée d’Ovidio G. Assonitis, son réalisateur, juste après le carton des Dents de la Mer. Le tournage de cette production italo-américaine débute alors en 1976, pour s’établir dans les salles obscures en 1977. Le concept surfe sur la manne bien lucrative des attaques animales des années 70. On a vu les requins, les piranhas, les rats et pourquoi pas une pieuvre ? Cette dernière sème la terreur sur les côtes californiennes et attaque les humains à cause des ondes que leur talkie walkie ou radio potable génèrent. Une énième créature mutante qui s’inscrit donc à merveille dans cette Amérique de l’époque traumatisée par les tomates géantes bourrées d’OGM et les piranhas survoltés. Le film ressort en version remasterisée par les Editions Rimini ce 3 mai 2024, en combo Blu-ray, DVD et livret documentaire exclusif « Ovidio G. Assonitis, Business is business » conçu par Marc Toullec.
California dissertin’
Tentacules compose avec un budget resserré en grande partie englouti par son casting exceptionnel pour ce genre de production. Henry Fonda (12 hommes en colère, Les raisins de la colère), John Huston et Shelley Winters se partagent l’affiche pour brosser une belle variété de personnages. Tentacules se dote en effet d’une contextualisation solide. La pieuvre constitue un gros problème, qui met toute la société en branle. Henry Fonda dirige une société peu scrupuleuse, dont les magouilles océaniques sont suspectées d’exciter la pieuvre par le journaliste et charismatique John Hudson. Shelley Winters, quant à elle, incarnera cette société civile américaine démunie et meurtrie par cette menace nouvelle.

Si le portrait se veut flatteur de prime abord, Tentacules dérive vite vers la dissertation. John Hudson mène son enquête d’une main de maître, mais elle prend rapidement le pas sur la menace. Le titre dévie presque du côté du documentaire animalier, dans ses descriptions passionnées des habitudes comportementales des pieuvres, des orques et des dauphins. Au final, il ne parvient pas vraiment à se démarquer de son référentiel, Les Dents de la Mer. Les personnages tentent tant bien que mal d’appréhender la menace, afin de lui régler son compte. Hélas, le scénario est moins bien maîtrisé, jusqu’à souvent oublier qu’il porte une étiquette de film d’horreur.
Bain de soleil
Alors, entre les couleurs chatoyantes de la plage, l’ambiance récréative de l’été et les débats très longs, Tentacules réduit ses scènes d’horreur à une portion congrue. Les attaques de la pieuvre sont annoncées par un thème aux sonorités très italiennes, mais fort peu inquiétantes. Et lorsqu’elle montre le bout de son nez, toujours en raison d’un budget restreint et de moult problèmes lors du tournage, les scènes ne sont ni angoissantes, ni chagrinantes. Les attaques se font avec des modèles réduits de bateau et une petite pieuvre (la grande est décédée tragiquement avant le début du tournage…). En raison de ces difficultés techniques compliquées à résoudre en 1977, Ovidio G. Assonitis préfère complètement se passer des exécutions. Le bateau coule, Bill tombe à l’eau et libre au spectateur d’imaginer l’agonie. Seule la montée en puissance de la musique et les enjeux (la pieuvre attaque une course de près de 50 régates) dans l’avant-dernier acte fera s’emballer le rythme cardiaque. Et ce, surtout grâce à une caméra qui tente d’insuffler une patte de haut standing à cette production.

Tentacules s’apprécie aujourd’hui pour sa réalisation soignée et son remaster qui l’est tout autant. La caméra propose beaucoup de plans fixes et resserrés sur les visages, dans la mouvance des standards des années 70, mais toujours en recherchant une certaine esthétique. Elle joue habilement sur les flous d’arrière-plan pour donner de la profondeur à ses scènes de dialogues. Tandis que les passages de tension se dotent de travelings, d’un montage rapide et saccadé et même de séquences filmées depuis un hélicoptère. Visuellement, Tentacules constitue donc une très belle surprise. Ambitieux et réussi, sa qualité d’image lui permet de briser la monotonie de l’intrigue et même de le redynamiser par moment.
Vamos a la playa
Tentacules, en 2024, est plus une baignade nostalgique dans les mers des années 70 colorées, qu’un film d’horreur. Son tournage chaotique a eu raison du produit fini. Son très beau casting et ses images pétillantes garantissent une forme charmante. Néanmoins, le fond n’accuse pas de la même qualité. Le scénario s’alourdit de trop nombreux dialogues, tandis que les attaques de la pieuvre se montreront trop anecdotiques pour marquer.
Tentacules, initialement sorti en 1977, a bénéficié d’un remaster Blu-ray + DVD aux Editons Rimini le 3 mai 2024.
Avis
Tentacules ne montre pas assez son sujet pour être qualifié de film d'horreur. Les attaques de la pieuvre se montreront trop sporadiques et succinctes pour susciter l'effroi. En revanche, le film peut se targuer d'un joli casting et d'une réalisation tout aussi séduisante.