Sur les chemins noirs transfigure notre Jean Dujardin national en Sylvain Tesson lancé en plein chemin de croix sur les routes de France, dans un exercice désincarné et caricatural.
Sur les chemins noirs est donc l’adaptation de l’œuvre à succès de Sylain Tesson, mise en scène par Denis Imbert, qui pourrait sembler être le réalisateur idéal au vu du sujet, puisqu’il a récemment mis en scène la beauté de la campagne française dans son honnête Mystère, un gentil film familial sur l’amitié entre un loup et une enfant se déroulant au cœur des montagnes du Cantal. Jean Dujardin, de tous les plans, également co-producteur, revêt quant à lui les cicatrices, les lunettes et l’allure chancelante d’un écrivain en plein chemin de croix, et si le talent de l’acteur n’est plus à prouver, ses choix de carrières restent quant à eux assez inégaux.
Parce qu’après son Oscar du meilleur acteur pour The Artist, et deux petites incursions dans le cinéma hollywoodien (Le Loup de Wall Street et The Monuments Men), le retour en France fut assez décevant pour l’acteur. Mis à part quelques œuvres très réussies (Le Daim, La French, Un plus Une, I Feel Good et J’Accuse), le retour à la comédie fut plus compliqué, du raté troisième opus d’OSS 117 : Alerte Rouge en Afrique Noire, en passant par les peu recommandables Un homme à la hauteur, Le Retour du héros, Chacun sa vie et Présidents. L’acteur semble ainsi avoir quelque peu perdu de sa superbe, l’air absent dans Novembre, et perdu dans les chemins noirs français dans ce Sur les chemins noirs.
Sur les chemins de l’ennui
Sur les chemins noirs transfigure ainsi Sylvain Tesson en Pierre, écrivain alcoolique dont la chute et le long coma vont faire jaillir l’idée de traverser la France au détour de ses chemins noirs, et ainsi parcourir 1300 kilomètres à pied. Et le travail d’adaptation de Denis Imbert, accompagné de Diastème, rejoint ainsi l’écriture caricaturale des œuvres de ce dernier, s’emparant de sujets passionnants mais délivrant des œuvres fades où même poussives (Gueule d’ange, Le Monde d’hier). Sur les chemins noirs met donc en images cette quête spirituelle de la plus fade des façons : Jean Dujardin, l’air taiseux et philosophe, assène des citations au milieu de décors superbes rendus désespérément fades par la flemmardise perpétuelle du procédé.
Émaillé des inévitables flashbacks propres à l’exercice, on est loin, très loin, du superbe et mésestimé Wild du regretté Jean-Marc Vallée, où Reese Witherspoon parcourait près de 1700 kilomètres à pied sans aucune expérience pour se remettre de sa dépression. Le film de Denis Imbert en est ainsi l’opposé, paraissant complètement inhabité, et aussi inanimé que les décors désertiques où se balade son protagoniste. Jean Dujardin, lui, paraît parfois absent, en jeu tout en intériorité qui se traduit par des airs concernés lorsqu’il noircit son petit carnet, où récite pêle-mêle des citations trop lourdement assénées, qui apportent alors à son jeu un certain air de carricature.
Randonnée désincarnée
Sur les chemins noirs peut heureusement compter sur la présence d’interprètes de talent, tels que Joséphine Japy et Izïa Higelin qui viennent apporter un peu de couleur à un ensemble désespérément terne. D’un héros certes peu aimable en pleine quête de rédemption, le scénario de Denis Imbert et Diastème le traduisent ainsi en un personnage quelque peu insupportable en pleine crise de mégalo, et font ainsi ressembler Sur les chemins noirs à un véhicule désincarné uniquement pensé pour la performance d’un seul et même acteur, de tous les plans et également coproducteur du projet. Si le roman proposait ainsi quelques rencontres, et faisait état d’une France délaissée, dont le manque de médecins et de commerces devait alerter, le film de Denis Imbert se contente du minimum.
Filmant jusqu’à la déraison une performance rendue fantomatique par la lourdeur du procédé, Sur les chemins noirs laisse ainsi une impression de randonnée filmée, dont les superbes panoramas auraient pu satisfaire des offices de tourisme locaux mais dont l’absence totale de cinéma s’avère finalement trop peu adaptée à une expérience dans les salles obscures. Alors que Jean Dujardin devrait retrouver Nicolas Bedos pour une série Prime Video, sobrement baptisée Alphonse, on espère que l’acteur retrouvera rapidement le chemin du succès accompagné de metteurs en scènes de talent, lui qui semble ici tranquillement s’effacer au milieu du paysage.
Sur les chemins noirs sortira le 22 mars 2023.
Avis
Sur les chemins noirs transfigure le chemin de croix de Sylvain Tesson en une randonnée complètement désincarnée où seul règne un Jean Dujardin fantômatique. L'air faussement concerné, délivrant des citations assénées au sein d'un scénario caricatural, le film de Denis Imbert manque ainsi cruellement d'âme, se contentant de filmer la performance d'un acteur à l'air absent dans un projet qui manque cruellement de souffle et surtout de cinéma.
2 commentaires
Ce journaliste semble éviter de communier avec chaque détail subtil de ce film. Ces dernier évoquent des experiences du corps, du souffle, mais aussi des traversées de vie interieures avec sensibilité et pudeur.
C’est du mouvement.
Les choses sont dites brièvement, on en sait beaucoup, la vie est là, tout ce qui est la vie, sans pesanteur.
Ce parcours peut être celui de chacun qui se cherche responsable et amoureux du pays avec lequel il vit.
Cet homme s’aime assez pour se battre, tant mieux car il communique sa force à ceux qui veulent bien s’en approcher.
C’est ma perception de cette altière réalisation « Sur les chemins noirs ».
Merci d’avoir tout de même pris le temps de lire notre critique et d’avoir partagé votre avis, par ailleurs très bien écrit !